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Dermatite atopique, Eczéma

Publié le 27 avr 2022Lecture 7 min

La pelade, une alopécie compliquée à contrôler

Muriel GEVREY, Paris

Malgré une repousse des cheveux assez rapide, la pelade est une maladie difficile à traiter au long cours. Aujourd’hui, il existe des traitements plus ciblés et puissants, mais reste à définir la meilleure stratégie thérapeutique en mettant en balance le bénéfice/risque pour une affection sans enjeu vital.

La pelade est une alopécie à prédisposition génétique. Elle touche entre 60 et 120 000 personnes en France avec une incidence de 2,1 %. Deux tiers des patients ont moins de 30 ans. Le risque de survenue pour le jumeau monozygote est de 55 %. Il s’agit d’une maladie auto-immune, plutôt à prédominance TH1, avec perte d’un privilège immunitaire qui permet de protéger tout mammifère par les poils (contre-sélection de perte de poils). Elle révèle un infiltrat lymphocytaire en essaim d’abeilles périfolliculaire (CD4/CD8/NK). Les rechutes concernent 85 % des cas. L’évolution de la maladie est très variable et imprévisible. Les formes très étendues régressent plus difficilement, les formes en plaques offrent une meilleure repousse que les autres, mais la chance et la rapidité de cette repousse diminuent avec l’ancienneté de la maladie. S’y associent d’autres pathologies : atopie, atteintes thyroïdiennes (thyroïdite d’Hashimoto), maladies auto-immunes tels que le vitiligo, le psoriasis, la maladie cœliaque et les MICI. On note une augmentation du risque d’AVC et d’IDM à 10 ans et, à l’inverse, un risque moins élevé de cancer cutané. La qualité de vie est altérée à la fois pour la famille et l’enfant(1). Le retentissement est évolutif au cours de la vie ; ce qui paraissait intolérable au début finit par être accepté par la suite. À l’inverse, l’association à d’autres comorbidités peut altérer considérablement la qualité de vie. Des traitements à panacher Les études antérieures souffrant d’une méthodologie critiquable, il n’existe pas de consensus de traitement, ni traitement de référence dans les études randomisées, et encore moins de traitement agréé par la FDA (Food and Drug Administration). Le critère de jugement est le SALT score (Severe ALopecia Tool) qui va de 0 à 100. Il est simple, rapide et reproductible, ce qui permet de l’utiliser dans les essais cliniques(2). Les différentes possibilités sont les corticoïdes (topique, injection ou systémique), la photothérapie, l’immunothérapie de contact et le méthotrexate lequel reste en évaluation. D’une manière générale, la difficulté n’est pas d’obtenir une repousse mais de la maintenir sur le long terme. • Corticothérapie Les dermocorticoïdes, surtout le propionate de clobétasol en première intention quelle que soit la surface, permettent la repousse dans 20 à 30 % des cas de pelade décalvante ou universelle. Les injections de corticoïdes dans les plaques limités à 50 % de la surface du cuir chevelu s’accompagnent d’une repousse des cheveux avec une dose de 8 mg/ml le plus souvent. En cas d’atrophie, une dose de 3 à 5 mg/ml est suffisante. L’injection in situ de corticoïdes retard dans les sourcils est efficace dans les 3 à 4 semaines après l’injection, il faut la réaliser sous couvert d’une crème anesthésique locale, car il s’agit d’une zone sensible. Le traitement doit être renouvelé tous les 2 à 6 mois. Les corticoïdes systémiques par bolus de prednisone ou de méthylprednisolone sont utiles dans les pelades très actives et au démarrage d’un autre traitement. La thérapie en bolus s’effectue avec 500 mg de méthylprednisolone à renouveler après 2 à 3 mois. La corticothérapie en mini bolus utilise 1/mg/kg 2 jours toutes les deux semaines. • Photothérapie La Puvathérapie semble donner de bons résultats dans 30 % des cas. Il faut un traitement de relais suspensif, car la repousse est difficile à maintenir au long cours. Un traitement dermocorticoïde peut être proposé en relais, car on observe de fréquentes récidives à l’arrêt du traitement. L’efficacité est jugée au bout de 30 séances. • Immunothérapie L’immunothérapie de contact par des allergènes sensibilisants comme le DPCP (diphénylcyclopropénone ou diphencyprone) et le SABDE (Squaric acid dibutylester), encore peu utilisée, donne des résultats de 30 % de repousse complète dans les formes les plus sévères. On sensibilise le patient à la face interne du bras avec un patch à 1 %, puis on l’applique sur la zone concernée en tâtonnant pour trouver la dose efficace. La réponse est meilleure dans les formes en plaques, la repousse presque complète est observée dans 88 % des cas qui atteignent des scores SALT 50/75. 60 % des patients ont des scores SALT entre 60 et 90. Dans les formes décalvantes et universelles, la repousse complète est de 17,4 % à 8 mois. Le laser Excimer a des vertus plus théoriques que pratiques(3). La ciclosporine n’est pas assez efficace pour être recommandée : sur étude sur 32 patients traités par ciclosporine à la dose de 3 mg/kg/mois pour une pelade modérée à sévère a conclu à une non significativité de l’amélioration de la repousse et à l’absence de variation de la qualité de vie(4). • Méthotrexate Une étude sur 22 patients(5) traités par MTX seul (20-25/semaine) ou associé à la prednisone 20 mg a permis une réponse complète dans 50 % des cas avec MTX seul et dans 68 % en association. Une métaanalyse(6) montre une repousse complète dans 35 % des cas (44 % adultes, 12 % enfants) avec une supériorité de l’association MTX-corticoïde sur MTX seul. Une repousse acceptable (complète ou de plus de 50 %) est constatée pour 63 % des patients. L’étude MP3 de Pascal Joly(7) sur 89 pelades décalvantes ou universelles dans 15 centres français montre que, sur le critère exigeant de repousse de plus de 90 % à un an sous le même traitement depuis le début, le méthotrexate est peu efficace sur les formes sévères et récalcitrantes (1/45). En revanche, la séquence de méthotrexate pendant 6 mois puis l’association MTX-prednisone pendant 6 mois permettent une réponse complète dans 39 % des cas (5/16) et une réponse partielle dans 50 % des cas (8/16). Il n’y a pas d’amélioration significative de la qualité de vie. La tolérance de la prednisolone est conforme au profil de tolérance des molécules utilisées. • Immunosupresseurs/biothérapies Les essais avec l’azathioprine et les immunosuppresseurs sont peu concluants avec des molécules très voire trop puissantes pour une maladie qui n’est pas vitale. Ainsi, l’aprémilast, les anti-IL-17, les anti-IL-13, le plasma riche en plaquettes, les faibles doses d’IL-2 ne sont pas efficaces sur la pelade. Parmi les nouveaux traitements, l’efficacité du dupilumab est difficile à apprécier compte tenu des résultats contradictoires de petits essais ; on note toutefois une certaine efficacité chez la femme atteinte de dermatite atopique ancienne(8). Les anti-JAK sont aussi en lice dans cette indication. Dans une étude prospective, le rutoxitinib à la dose de 20 mg, 2 fois par jour, permet l’obtention d’un SALT 50 dans 75 % des cas de pelade modérée à sévère(9).  Dans les essais BRAVE-AA1 et 2, le baricitinib à la dose de 2 mg permet d’atteindre un score SALT inférieur à 20 chez 17,3 % des patients à la semaine 36. À la dose de 4 mg, 35,2 % des patients atteignent un critère SALT inférieur à 20(10). Les résultats sur les cils et les sourcils sont du même ordre de grandeur. Le CTP 543 (Concert Ph) est en cours d’étude de phase III dans les essais THRIVE AA1 et AA2 ayant pour critère de jugement un score SALT inférieur à 20. Un essai de phase 2 sur 104 adultes présentant des pelades modérées à sévères montrent une réduction du SALT supérieur à 50 % dans 21 à 58 % des cas avec une plage de dosage entre 4 et 12 mg deux fois par jour. Il est généralement bien toléré et sans effet indésirable grave. Le brépocitinib fait mieux que le ritlécitinib avec l’atteinte d’un score SALT de 30 à 24 semaines, pour respectivement 64 % et 50 % des patients, mais il y a un risque de rhabdomyolyse avec le beprocitinib (2 cas rapportés), ce qui pourrait limiter son utilisation pour une pathologie sans enjeu vital(11). Le ritlécitinib est surveillé avec des potentiels troubles auditifs du fait d’un signal de tolérance à ce niveau. À 24 semaines, le ritléctinib permet l’atteinte d’un SALT 30 dans 50 % des cas et d’un SALT 90 dans 25 % des cas. À court terme, les anti-JAK doublent le risque infectieux par deux. Les autres effets indésirables sont l’acné, les céphalées, les troubles gastro-intestinaux, les dyslipidémies (11 %). Il reste des incertitudes sur la tolérance à long terme des anti-JAK (cancer, carcinome épidermoïde, lymphome,risque cardiovasculaire). En septembre 2021, le signal d’embolie pulmonaire sous tofacitinib décrit chez les patients ayant une polyarthrite rhumatoïde a été étendu à tous les anti-JAK (black box) en alertant sur le risque cardiovasculaire et le risque de cancer. Les anti-JAK topiques (ruxolitinib, tofacitinib) ne sont pas efficaces. Il y a des grands espoirs dans le traitement de la pelade. Il est aussi important de noter que le regard de la société sur la pelade évolue, ce qui devrait permettre une meilleure acceptabilité de la maladie.

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