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Frontière

Publié le 25 sep 2024Lecture 6 min

Pathologies endocriniennes : le rôle « sentinelle » du dermatologue

Olivier BRUNEL, dermatologue, Paris

Le congrès des Quatre Saisons organisé par la dermatologie de la Société française de dermatologie a consacré cette année une place importante aux pathologies endocriniennes, métaboliques, carentielles qui peuvent avoir des expressions cliniques cutanées importantes, très variées, liées à la maladie endocrinienne elle-même ou aux stratégies thérapeutiques prescrites. Peau et transidentité a été l’un des sujets phares du congrès en juin dernier. Explications.

PEAU ET TRANSIDENTITÉ : QUE SAVOIR POUR MA PRATIQUE ?   Au congrès des Quatre Saisons de la dermatologie, Marie Beylot-Barry (CHU de Bordeaux) et Romain Samaran (dermatologue libéral, Paris) ont fait le point sur ce sujet émergeant nécessitant une prise en charge multidisciplinaire qu’est la transidentité. Pour aborder toutes les questions qui se posent en pratique médicale et tenter d’y répondre avec le plus de tact, de neutralité et de professionnalisme possible face à une population de patients vulnérables, il faut maîtriser les définitions de la transidentité. La dysphorie de genre, affection retirée de la liste des maladies mentales par l’Organisation mondiale de la santé en 2022, est un sentiment de détresse ou de souffrance lié à l’incongruence de genre exprimée par les personnes dont l’identité de genre ne correspond pas au sexe qui leur a été assigné à la naissance. On discerne, à côté du cis-genre où le genre ressenti correspond au sexe assigné à la naissance, le transgenre qui est pour une femme trans une identité de genre féminin, alors que le sexe assigné à la naissance sur la base de l’apparence de son sexe est masculin et pour un homme trans une identité de genre masculine, alors que le sexe assigné à la naissance sur la base de l’apparence de son sexe est féminin. Il existe à côté un genre non binaire (ou queer) quand le genre déclaré n’est pas exclusivement masculin ni féminin. La transidentité, qui est différente de l’orientation sexuelle, n’implique pas une chirurgie de réassignation mais toujours une transition sociale, administrative et médicale. On estime la population transgenre entre 0,3 à 1,6 % en Europe et en Amérique du Nord, 3 % en France en 2023 (contre 1 % déclarés en 2020) avec 9 000 personnes en ALD pour « transidentité » dont 70 % entre 18 et 25 ans. Il s’agit d’une population vulnérable ayant des risques accrus de problèmes de santé : infection VIH et autres IST, troubles de santé mentale, consommation de substances psycho actives mais présentant aussi une vulnérabilité psychosociale connaissant l’exclusion et des expériences parfois négatives avec les professionnels de santé. Les hommes trans consultent moins souvent que les femmes trans.   • Chez la femme trans, les traitements hormonaux estrogéniques (estradiol surtout +/- antiandrogènes, spironolactone, finastéride et progestérone) ont des effets favorables attendus sur la peau, la pilosité, la redistribution des graisses, la masse musculaire et les testicules. Pour la pilosité faciale, on a recours à l’épilation au laser ou électrique, dont le remboursement est possible avec une demande de prise en charge, mais aussi aux crèmes épilatoires (éflornithine). La chirurgie touche les glandes mammaires et les organes génitaux avec des traitements préalables délicats concernant la pilosité intragénitale. Le risque postopératoire de lichen scléreux est présent.   • Chez l’homme trans, il faut passer par les étapes de déféminisation par des progestatifs de synthèse, de virilisation par la testostérone et de maintien en cas d’ovariectomie. L’acné est une complication majeure, pouvant être fulminans, ainsi que l’hidradénite suppurée. L’isotrétinoïne à sa place thérapeutique en gardant en tête son potentiel tératogène, car le risque de grossesse, s’il n’y a pas eu hystérectomie et ovariectomie, doit être évoqué. Les complications psychologiques et psychiatriques sont nombreuses et nécessitent une prise en charge multidisciplinaire toujours lourdes. À cela s’ajoutent les transformations pilaires, capillaires, morphologiques du thorax et du visage et les recours à la chirurgie génitale mais aussi de transition, à la médecine esthétique et aux traitements des modifications capillaires (minoxidil, finastéride). À ces parcours complexes et multidisciplinaires il faut une prise en charge et une écoute adaptée. Pour le dermatologue la prise en charge de l’acné chez l’homme trans reste la problématique principale.   QUAND LA PEAU A LES GLANDES   Emmanuel Delaporte (CHU de Marseille Nord) a, dans sa présentation, passé en revue les complications dermatologiques connues de l’hyperandrogénisme (acné, hirsutisme, Acanthosis nigricans, alopécie androgénétique et dermite séborrhéique) (figures 1A et 1B), de la maladie d’Addison, des dysfonctionnements thyroïdiens, des cancers testiculaires, pancréatiques et thyroïdiens. Il a bien insisté sur le phéochromocytome, grand simulateur qui peut donner des signes cutanés très variés, soulignant le rôle de sentinelle du dermatologue dans les pathologies endocriniennes. Figures 1. Alopécie androgénétique chez la femme. A : alopécie vertex ; B : alopécie antérieure androgénétique diffuse.   DIABÈTE, ON AURA TA PEAU !   Éric Renard et Aurélie Du Thanh (service d’endocrinologie-diabétologie, CHU de Montpellier) ont passé en revue dans une présentation très informative l’actualisation de la prise de position des experts français sur l’insulinothérapie automatisée en boucle fermée et l’apport énorme de la technologie dans la prise en charge du diabète insulino-dépendant. La mesure continue du glucose qui est une révolution continue depuis 20 ans dans la maladie diabétique permet de garder la glycémie à des taux normaux à toutes les heures de la journée. Le traitement par pompe à insuline est aussi une immense révolution qui a transformé le pronostic de cette maladie. Ces techniques ont des complications dermatologiques, notamment les dysmorphies graisseuses et les réactions cutanées (eczémas, réactions atopiques) dues à l’utilisation des fixateurs sur le corps de ces appareils de mesure et de traitement (figures 2A et 2 B). L’allergène le plus souvent responsable est l’acrylate d’isoborlyne (IBOA). Ces complications régressives à l’arrêt de la molécule responsable nécessitent une prise en charge immédiate afin de ne pas limiter les chances thérapeutiques qu’offrent ces dispositifs. Figures 2A et 2B. Eczéma : réaction aux acrylates d’un lecteur de glycémie.   Ont été passés en revue les nombreux traitements chimiques prescrits dans le diabète de type 2 (DT2), dont les risques d’angiome œdème et de pemphigoïde bulleuse. Les candidoses génitales en sont aussi une complication fréquente. La thérapeutique du DT2 est déterminée par une stratégie multicible : glycémie, poids, cardio-rénal. Sa tolérance cutanée constitue une limite aux bénéfices de l’innovation thérapeutique en diabétologie.   DERMATOSES CARENTIELLES ET MÉTABOLIQUES   La présentation exhaustive de Pierre Sohier (service de pathologie, hôpital Cochin Port-Royal, AP-HP) a passé en revue les nombreuses carences et parfois surdosages en oligoéléments et vitamines, spécifiques ou multiples, qui interfèrent avec le métabolisme. Les manifestations cutanées sont parfois au premier plan et le rôle de la biopsie primordial notamment en cas d’accumulation d’un métabolite dans la peau. Les carences les plus fréquentes peuvent être protéiques ou lipidiques ; les excès sont surtout vitaminiques. La carence en zinc, dont le retentissement digestif et psychique est bien connu, a des complications cutanées telles que l’acrodermatite entéropathique, l’alopécie, les anomalies unguéales. La carence en vitamine PP/B3 est responsable de la pellagre (érythème, maladie de Hartnup), l’hypervitaminose A a des complications comparables à celles des rétinoïdes per os, l’hypercaroténémie donne une coloration orangée de la peau. Les complications liées aux déficits d’apport en protides sont le kwashiorkor et le marasme. Il existe un contexte commun à diverses carences : l’insuffisance d’apports alimentaires, la malabsorption intestinale, les pertes digestives importantes et le terrain (alcoolisme chronique, maladies inflammatoires intestinales chroniques, cancers, troubles du comportement alimentaire et patients âgés socialement isolés). Les manifestations cutanées peuvent être au premier plan pour certaines carences. Scorbut, pellagre, érythème nécrolytique par carence en zinc sont bien connus. D’autres déficits sont connus comme le déficit en vitamine B2, B6 (dermite séborrhéique périorificielle), en vitamine B9 acide folique (ulcérations cutanéo muqueuses), en vitamine B12 (glossite, hyperpigmentation réticulée et neuropathie périphérique), l’hypovitaminose A (phrynodermie, une hyperkératose folliculaire peu spécifique, et des signes oculaires comme la baisse de la vision nocturne. La biopsie cutanée a une place importante dans le diagnostic parfois difficile de ces affections, car les carences peuvent être multiples et associées. L’examen dermatologique seul peut évoquer le diagnostic pour certaines carences (déficits en vitamine B3 ou vitamine C, zinc, etc.). Chez les patients présentant des lésions cutanées atypiques, la biopsie cutanée peut permettre d’évoquer un diagnostic ou un cadre diagnostique évocateur de carence, même si elle n’est que rarement spécifique. Elle reste un argument diagnostique pour les maladies métaboliques et les maladies à expression clinique cutanée : porphyries, xanthomes dans le cadre de dyslipidémies familiales, maladie de Fabry, alcaptonurie, troubles du métabolisme calcique, et maladies à expression viscérale, maladie de Lafora. D’après les sessions du congrès des Quatre Saisons de la dermatologie, « Le printemps des hormones », juin 2024, Paris.

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