Publié le 30 nov 2024Lecture 5 min
Dermatoses faciales de l’enfant : les diagnostics à ne pas rater (et les autres)
Catherine FABER, d’après la communication du Dr Christine Labrèze, hôpital Necker-Enfants malades (Paris)
Cet article traite des dermatoses de localisation exclusive ou préférentielle à la face chez l’enfant, à l’exception des pathologies d’origine infectieuse.
Devant des lésions cutanées faciales chez l’enfant, certains diagnostics ne doivent pas être manqués en raison d’un risque vital ou esthétique. Au premier rang des dermatoses faciales (DF) nécessitant une prise en charge rapide, voire urgente, la dermatomyosite est caractérisée par une sémiologie cutanée riche. Au niveau du visage, l’atteinte se traduit par un érythème photo-aggravé, un œdème, un érythème liliacé des paupières et, au stade plus tardif, des télangiectasies et un aspect poïkilodermique. Un risque vital existe aussi dans le lupus cutané, dont la sémiologie est très polymorphe. Devant une DF inflammatoire chez un enfant, il ne faut donc pas hésiter à faire une biopsie. Chez les tout-petits, la présence de lésions périorbitaires donnant un aspect de « raton laveur » est très évocatrice d’un lupus cutané néonatal. Compte tenu du risque de progression du lupus cutané vers une forme systémique, les enfants devront bénéficier d’un suivi étroit, pendant les deux premières années, comportant un dosage des anticorps antinucléaires. Dans les toxidermies graves (syndromes de Lyell et de Stevens-Johnson, DRESS), le visage est souvent très informatif avec un œdème facial pouvant précéder le décollement cutané. La sclérodermie en coup de sabre est la principale DF susceptible de laisser des séquelles ou des cicatrices. Dans de rares cas, on observe des troubles neurologiques associés. Ces anomalies, dont le substratum anatomique est inconnu, pourraient être dues à des phénomènes de vascularite. L’atteinte neurologique n’est pas toujours corrélée à l’atteinte cutanée. Le traitement de référence de la sclérodermie en coup de sabre repose sur la corticothérapie et le méthotrexate. Il devra être mis en route rapidement afin d’éviter les séquelles à long terme, notamment l’atrophie cutanée qui est difficile à corriger. Des cas de morphée débutant par des manifestations à type de pseudo-angiomes plans ont été décrits. On doit savoir évoquer ce diagnostic devant des angiomes plans acquis. L’acné fulminans, qui survient parfois chez de très jeunes adolescents, doit également être prise en charge rapidement afin de limiter le risque de cicatrices.
Selon la sémiologie clinique
Dans les dermatoses inflammatoires essentiellement localisées sur la face, le type des lésions permet d’orienter le diagnostic. Les dermatoses vésiculo-bulleuses incluent la dermatite atopique, l’allergie de contact et les photodermatoses. Parmi ces dernières, l’hydroa vacciniforme a été associée à une réactivation de l’infection chronique à EBV*. Elle fait actuellement l’objet d’une étude menée par le Groupe de recherche clinique en dermatologie pédiatrique (GRCDP). Devant une photodermatose vésiculo-bulleuse de début précoce, il faut réaliser un dosage des porphyries. Les cas pédiatriques de porphyrie cutanée tardive sont rares, mais ils existent.
Les squames sont des éléments sémiologiques en faveur d’un lupus cutané ou d’une dermite séborrhéique (DS) (figure 1).
Figure 1. Dermite séborrhéique du nourrisson.
Dans la DS du nourrisson, aucun produit autre que l’eau et le savon ne doit être utilisé pour les soins de la peau. La DS de l’adolescent ressemble à celle de l’adulte. Le psoriasis se manifeste aussi par des lésions érythémato-squameuses. Chez l’enfant, l’atteinte faciale est fréquente avec notamment une blépharite psoriasique.
Les kystes et comédons sont bien connus comme lésions caractéristiques de l’acné. L’acné infantile débute plus tard plus tard que l’acné néonatale (figure 2), entre l’âge de 6 et 12 mois, chez des enfants (de sexe masculin dans 80 % des cas) qui ont souvent des antécédents familiaux d’acné. Elle se distingue de l’acné classique de l’adolescent par la topographie de l’atteinte. Les comédons, les lésions microkystiques et parfois nodulo-kystiques sont localisés au niveau des joues et non dans la zone T du visage(1,2). Aucun bilan n’est nécessaire si l’examen clinique est normal. S’il révèle des signes de puberté précoce, un bilan endocrinien doit être entrepris à la recherche en particulier d’un bloc enzymatique surrénalien.
Figure 2. Acné infantile.
Dans le cadre des DF inflammatoires avec papules et pustules, la rosacée de l’enfant est une réalité clinique. Cette affection chronique souvent observée dans un contexte familial se manifeste surtout par des lésions papulo-pustuleuses sur un fond érythémateux. Chez l’enfant, les signes ophtalmologiques apparaissent souvent avant les signes cutanés. Une meibomite avec des chalazions à bascule est très évocatrice du diagnostic. Le traitement de la rosacée infantile est identique à celui de l’adulte, sauf pour les cyclines déconseillées avant l’âge de 12 ans. Chez les enfants plus jeunes, le métronidazole donne les meilleurs résultats. Les dermites périorales (DPO) de l’enfant se caractérisent, elles aussi, par une éruption papuleuse ou pustuleuse.
Dans les DF de disposition linéaire (suivant les lignes de Blaschko), le diagnostic différentiel entre un lupus érythémateux, une sclérodermie ou un lichen striatus peut être difficile. D’où la nécessité de réaliser une biopsie cutanée. Enfin, la face est un terrain d’expression des pathomimies de l’enfant. Elles concernent souvent les filles préadolescentes ou adolescentes.
Des dermatoses spécifiques
Le granulome aseptique de la face (IFAG : Idiopathic Facial Aseptic Granuloma) est assez spécifique de l’enfant. Une équipe du GRCDP a publié une série multicentrique de 30 cas dans laquelle aucun germe particulier n’a été identifié et l’antibiothérapie locale ou orale s’est révélée inefficace(3). Les IFAG multiples pourraient faire partie du spectre de la rosacée granulomateuse de l’enfant. De même, il semble y avoir une frontière entre cette rosacée et la FACE (Facial Afro-Caribbean childhood Eruption). La FACE est une DPO dont l’acronyme est impropre puisqu’elle affecte également des enfants de type caucasien. Elle apparaît plus volontiers chez des enfants traités par dermocorticoïdes (DC) au long cours. Les DC doivent alors être arrêtés et l’enfant mis sous métronidazole pour essayer de temporiser.
Les nourrissons sous allaitement maternel exclusif peuvent développer une atteinte cutanée à type de pseudo-acrodermatite entéropathique due à une carence en zinc. Elle se manifeste par une dermite périorale et une dermite du siège. Si la mère l’accepte, l’allaitement peut être complété par un lait infantile (les laits infantiles contiennent du zinc). La seconde option est la supplémentation en zinc qui donne des résultats spectaculaires en 48 heures et doit être poursuivie jusqu’à la diversification alimentaire.
Une dernière DF à connaître, le blépharochalasis, est rapportée parfois chez l’enfant, mais surtout chez l’adolescent et l’adulte jeune. Il s’agit d’une pathologie rare, caractérisée par des paupières tombantes, conférant au visage un aspect triste. Cette DF d’évolution chalazodermique ne porte pas bien son nom, car l’atteinte palpébrale est en fait la conséquence des poussées inflammatoires. Elle peut être corrigée par la chirurgie.
* Voir Dermatologie Pratique, septembre 2024, no 482, p.6.
D’après la communication du Dr Christine Labrèze, hôpital Necker-Enfants malades (Paris),
lors des 2e journée du groupe DEFI (DErmatoses FacIales) de la Société française de dermatologie,
octobre 2024.
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