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Photodermatologie

Publié le 01 juin 2014Lecture 14 min

Quel avenir pour les photothérapies du psoriasis ?

M. JEANMOUGIN, Hôpital Saint-Louis, Paris
Nous devons proposer à nos patients psoriasiques une ou plusieurs options thérapeutiques permettant la meilleure prise en charge de leur dermatose, en tenant compte constamment du rapport bénéfice/risque. Cet article a pour but d’actualiser en 2012 ce rapport bénéfice/risque des photothérapies et de conforter la place prépondérante qu’elles occupent dans l’arsenal thérapeutique du psoriasis. L’ arrivée récente (7 ans en France) des biothérapies dans le psoriasis jette un doute sur l’avenir des photothérapies, PUVAthérapie (utilisée depuis 1974) et photothérapie UVB-TL01 (disponible depuis 1988), car ces nouveaux traitements biologiques sont moins astreignants pour les patients, étant administrés par voie systémique (IV ou SC pour l’instant). Ils ne sont actuellement indiqués dans les psoriasis en plaques modérés à sévères qu’en cas d’échec, d’intolérance ou de contre-indication aux traitements systémiques « classiques » : photothérapies, méthotrexate, ciclosporine, qui bénéficient, par rapport aux biothérapies, d’excellents rapports efficacité/tolérance et efficacité/coût, d’une bonne connaissance des effets indésirables et de la gestion des risques à long terme.
Mode d’action des photothérapies Les deux types de photothérapie exercent leur activité par des mécanismes différents. • La PUVAthérapie agit par la photo-activation du psoralène (ingéré ou appliqué sur la peau), développant alors différentes propriétés pharmacologiques : activité antimitotique par interaction directe avec l’ADN, photo-inactivation de protéines, libération de cytokines et immunosuppression. • La photothérapie UVB agit par des modifications directes de cibles biologiques. La création de lésions de l’ADN, la réduction de l’activité des lymphocytes Th1 et l’inactivation de différentes protéines cellulaires sont à l’origine de l’action antimitotique, antiinflammatoire et immunosuppressive.   Indications Les photothérapies sont internationalement reconnues comme le traitement de première intention des formes étendues et sévères de psoriasis en plaques ou en gouttes, pour lesquelles les traitements topiques sont peu efficaces et démotivants. Leur prescription, les différents protocoles d’irradiation et les mesures de protection ont fait l’objet de recommandations de bonne pratique(1-7). L’indication est portée sur la sévérité et l’étendue de la poussée de psoriasis (atteignant au moins 40 % de la surface corporelle pour une photothérapie en cabine), les conséquences psychologiques de la dermatose, la comparaison du rapport bénéfice/risque avec les autres thérapeutiques antipsoriasiques, la disponibilité du patient (facteur essentiel de l’observance thérapeutique), les doses d’UV cumulées lors des cures précédentes et l’absence de contreindications absolues et relatives (tableau 1). Tableau 1. Contre-indications aux photothérapies(2,4).   Prescription d’une photothérapie   Bilan préthérapeutique Un examen cutané complet (phototype, nævi, héliodermie) et un interrogatoire « policier » sont indispensables pour évaluer le risque photosensibilisant (exclusion des médicaments potentiellement phototoxiques) et le risque carcinogène (capital UV du patient) avant la décision finale de traiter. Avant une PUVAthérapie, sont souhaitables une consultation ophtalmologique (qui sera renouvelée si des cures répétées sont nécessaires) et un bilan biologique minimal (créatininémie, transaminases). Ces examens complémentaires ne sont pas nécessaires pour la photothérapie UVB-TL01.   Consentement éclairé L’information sur les contraintes et les risques des photothérapies est une obligation légale pour obtenir du patient un consentement éclairé au traitement. La preuve que l’information orale a été donnée doit être notifiée dans le dossier médical et matérialisée par la remise d’une fiche d’information validée (disponible sur le site www.sfdermato.org).   Prise en charge par la Sécurité sociale La prise en charge de la cure de photothérapie par la CNAM impose d’indiquer sur la demande d’accord préalable (formulaire cerfa n° 12040*02) : – le code de l’acte technique : photothérapie par rayons UVA ou UVB localisée (QZRP002) ou corporelle totale (QZRP003), balnéo- PUVAthérapie générale (QZRP004) ou localisée (QZRP005) ; – le nombre de séances : un maximum de 30 séances est autorisé pour le traitement d’attaque, une cure complémentaire de 20 séances maximum est possible ; – les éléments médicaux justifiant la série d’actes (pour l’avis du médecin conseil). Ce formulaire d’accord préalable doit être envoyé au service médical de la caisse d’assurance maladie du patient. La non-réponse de l’organisme sous 15 jours équivaut à un accord. Lors de chaque séance, le praticien doit examiner le patient et exécuter personnellement la programmation des doses UV. À l’heure des biothérapies du psoriasis, les analyses pharmaco-économiques montrent que la photothérapie et le méthotrexate sont les deux meilleurs traitements en rapport efficacité/coût, le premier permettant d’obtenir la meilleure amélioration de la qualité de vie, le second d’atteindre rapidement le PASI 75, leur coût annuel étant 10 à 30 fois moins cher que celui des biothérapies(8). En France, la photothérapie corporelle totale (QZRP003) est prise en charge par la Sécurité sociale pour 19,20 € par séance, soit un coût de 576 € pour une cure de 30 séances.   Modalités pratiques d’une cure de photothérapie   Matériel d’irradiation L’exposition corporelle aux UV est réalisée grâce à des cabines d’irradiation équipées soit de tubes Philips UVB-TL01, soit de tubes UVA (Philips TL09 ou Sylvania dite PUVA), soit des deux (21 tubes UVB et 21 tubes UVA), homologuées (marquage CE, certification ISO-DIN), munies de systèmes performants de dosimétrie et équipées d’organes de confort et de sécurité appropriés. Des modules adaptés permettent une exposition localisée aux mains, aux pieds et/ou aux jambes. Le principe même de la PUVA nécessite, préalablement à l’exposition aux UV, l’administration d’un psoralène (Méladinine®), le plus souvent par voie orale (comprimés à 10 mg) mais pouvant aussi se faire par l’immersion d’un segment de membre ou du corps entier dans une solution aqueuse de psoralène (balnéo-PUVA).   Protocoles de thérapie • Pour obtenir une efficacité maximale dans le psoriasis, les protocoles d’irradiation doivent être respectés : – pour la PUVAthérapie orale (tableau 2) : 8-MOP 0,6 mg/kg ou 25 mg/m2, ingéré 2 heures avant les séances ; doses subérythémales (adaptées au degré d’érythème et de pigmentation photo-induits en peau non atteinte) ; 2 à 3 séances par semaine ; – pour la photothérapie TL01 (tableau 3) : doses subérythémales, 3 séances par semaine ; – pour la balnéo-PUVAthérapie, la concentration de 2,4 mg/l est obtenue en diluant 2 flacons de Méladinine® solution forte à 0,75 % dans 150 litres d’eau d’une baignoire (balnéo-PUVA générale) ou en diluant 1/2 flacon de Méladinine® solution faible à 0,1 % dans un récipient contenant 5 litres d’eau (balnéo-PUVA localisée). Tableau 2. Protocole « classique » de PUVAthérapie orale, 8-MOP (0,6 mg/kg). Tableau 3. Protocole de photothérapie UVB-TL01. • La progression rapide des doses est adaptée au phototype et permet d’obtenir l’effet thérapeutique avant que ne se développe une pigmentation trop intense qui réduit la quantité d’UV atteignant les cibles biologiques. Elle permet également de réduire le nombre de séances et la dose cumulée d’UV. • Dans le psoriasis, un traitement d’entretien pour maintenir le blanchiment n’est pas justifié(9) et augmente le risque carcinogène. • Le plan de thérapie peut être établi manuellement sur des fiches cartonnées (de couleurs différentes selon les UV utilisés) ou géré par un logiciel informatique.   Mesures de protection Des mesures de protection individuelles sont obligatoires pour éviter les effets secondaires oculaires et cutanés. Des fiches de consignes pour la PUVAthérapie ou la photothérapie UVB-TL01 sont remises au patient. Pendant les séances de photothérapie, les yeux doivent être totalement protégés par des lunettes « coques » opaques bien ajustées (coquilles anti-UV écran rouge, vert ou noir), les organes génitaux par un matériel opaque (string) et le visage (en l’absence d’atteinte). Pour la PUVAthérapie, pendant les 10 heures suivant l’ingestion du psoralène, les yeux doivent être protégés par de larges lunettes (arrêtant les UVB et les UVA) avec caches latéraux, l’exposition solaire sera formellement interdite et les zones découvertes seront protégées par des vêtements ou par des produits de protection solaire 50+, en particulier chez les travailleurs en extérieur.   Surveillance au long cours Les effets indésirables tardifs font que les photothérapies, et en particulier la PUVAthérapie, ne peuvent pas être utilisés ad vitam æternam. Le risque potentiel de favoriser une cataracte est parfaitement bien contrôlé si les mesures de protection oculaire sont appliquées (port de lunettes, consultations ophtalmologiques régulières pour les cures répétées de PUVAthérapie). En revanche, le risque carcinogène est réel, dépendant de la dose d’UV reçue, celle-ci correspondant au nombre cumulé de séances sur une vie. • Pour la PUVAthérapie, le risque cancérigène est bien établi et quantifié grâce à des études de cohorte fiables. Le sur-risque de carcinomes cutanés (essentiellement épidermoïdes mais aussi baso-cellulaires) devient significatif à partir de 150 séances et est très fréquent à partir de 350 séances, atteignant alors plus de la moitié des patients avec des carcinomes épidermoïdes multiples (en moyenne 4,2/patient)(10). Il est dès lors recommandé de ne pas dépasser un seuil maximal de 200 séances de PUVAthérapie ou de 2 000 J/cm2 d’UVA(11). • Pour les UVB-TL01, le risque cancérigène n’est actuellement pas quantifié de manière précise(4), mais paraît être très inférieur à celui de la PUVAthérapie. Néanmoins, il semble raisonnable de considérer qu’au-delà d’un seuil de 250 séances de photothérapie (TL01 seule ou TL01 + PUVA antérieure), il existe un risque accru de cancers cutanés chez certaines personnes(7). • La création pour chaque patient d’un dossier de photothérapie (permettant de comptabiliser le nombre de séances et les doses d’UV) est une nécessité mais n’est pas encore réalisée. • Chez les sujets ayant reçu plus de 150 séances de photothérapie, il est indispensable de surveiller leur tégument une fois par an pendant au moins 25 ans.   Efficacité Les multiples études réalisées depuis plus de 30 ans permettent de bien apprécier l’efficacité des différentes photothérapies dans le psoriasis.   Études en mono-photothérapie • La PUVAthérapie orale, à condition d’administrer des doses subérythémales 2 ou 3 fois par semaine(12), permet d’obtenir un blanchiment complet ou quasi complet (PASI 90) chez 80 à 95 % des patients en 15 à 30 séances pour une dose totale d’UVA de 60 à 150 J/cm2(2,5,13). Chez les sujets à phototype foncé, la PUVAthérapie orale(14) ou la balnéo-PUVAthérapie sont particulièrement indiquées. La durée de la rémission a peu été étudiée. La rémission peut être estimée à 65-70 % à 6 mois(15,16) à 30-50 % à 1 an(15) ; la durée moyenne de rémission à 13 mois(17). Les limites de la PUVAthérapie sont liées à certaines localisations plus réfractaires (coudes, genoux, jambes) ou inaccessibles aux UV (cuir chevelu, pubis non rasé, sillon interfessier). Les psoriasis pustuleux et érythémo-dermiques ne sont pas de bonnes indications (aggravation possible). • La photothérapie UVB-TL01, à condition d’effectuer impérativement 3 séances par semaine, permet d’obtenir un blanchiment chez 60 à 90 % des patients en 20 à 40 séances pour une dose totale d’UVB de 15 à 60 J/cm2(3-6,18). Cependant, les résultats sont nettement meilleurs dans les psoriasis en gouttes ou nummulaires que dans les psoriasis en grandes plaques(19). La durée de la rémission est peu étudiée. La rémission peut être estimée à 35-67 % à 6 mois(15,16), à 37-60 % à 1 an(15,19) ; la durée moyenne de rémission à 10 mois(17). La prise en charge du psoriasis de l’enfant est assurée en première intention par le traitement topique. En cas d’inefficacité ou de récidive rapide et sévère, la photothérapie TL01 est indiquée en cure courte ; 20 à 25 séances permettant d’obtenir plus de 60 % de rémission(20). • L’efficacité des photothérapies localisées pour les psoriasis des mains et des pieds est moins importante (50 % des patients très améliorés en 30 à 40 séances), surtout dans les formes très kératosiques(7).   Études contrôlées PUVA-TL01 Les études contrôlées montrent qu’avec une f réquence de 2 séances/semaine, les résultats obtenus par PUVAthérapie sont supérieurs à ceux des UVB-TL01 en termes de blanchiment et de durée de rémission(16,21). L’efficacité est comparable entre PUVA et TL01 quand la photothérapie est réalisée à 3 séances/semaine(15,22,23).     Traitements associés aux photothérapies Leur but est double : réduire les effets secondaires et augmenter l’efficacité des photothérapies. • Des traitements locaux sont souvent nécessaires : – le décapage des plaques très squameuses par les kératolytiques (vaseline salicylée) doit être obtenu avant le début de la photothérapie ; – de l’huile de vaseline peut être appliquée avant la séance sur les plaques épaisses, en particulier sur les jambes ; – les traitements topiques (qui ne seront pas appliqués le matin des séances) ont un effet synergique, montré avec les dermocorticoïdes et le tazarotène, moins nettement avec les analogues de la vitamine D. • Certains traitements systémiques peuvent être associés : • L’acitrétine (Soriatane® 25 mg/j) a démontré un bénéfice synergique en association avec la PUVAthérapie(2) et très probablement avec la photothérapie TL01(24). L’association Re-PUVA est efficace dans le psoriasis (démontrée par des études contrôlées) et permet de réduire l’incidence des carcinomes spinocellulaires photoinduits d’environ 25 %(25). Elle doit être envisagée dans les psoriasis sévères : – soit en situation de rechute rapide ou de résistance, malgré une photothérapie bien conduite ; – soit chez un patient ayant déjà reçu des doses élevées d’UV (dose cumulée d’UVA > 1 000 J/cm2, nombre cumulé de séances > 100). Après 1 à 2 semaines de rétinoïde, l’amincissement de la couche cornée (pouvant atteindre 44 %) rend les plaques psoriasiques plus sensibles à l’action phototoxique des UVB, responsable d’un érythème intense limité aux plaques psoriasiques, sans érythème de la peau périlésionnelle. Cette « brûlure retardée au rétinoïde » doit être prévenue en diminuant systématiquement la dose d’UV de 50 % quand le rétinoïde est introduit(26). • L’association méthotrexate-photothérapie TL01 permet d’obtenir plus rapidement le PASI 75 (score obtenu chez 95 % des patients sous traitement combiné contre 70 % sous placebo + TL01)(27). • L’efficacité variable des biothérapies dans les psoriasis sévères (obtention du PASI 75 chez 34 à 72 % des patients selon la molécule) a incité plusieurs équipes hospitalières à leur associer une cure de photothérapie TL01. L’effet synergique des UVB à spectre étroit a été mis en évidence avec l’étanercept, l’adalimumab et l’ustékinumab. Ces associations, qui ne font que démontrer l’efficacité connue de la photothérapie TL01, ne doivent être utilisées qu’avec une grande prudence et ne peuvent se justifier que pendant une courte période du fait du risque potentiel de cancérogenèse cutanée.   Conclusion Les photothérapies (PUVAthérapie, photothérapie UVB-TL01) restent d’actualité en 2012 et sont toujours considérées comme le traitement de première intention des formes étendues et sévères de psoriasis en plaques ou en gouttes. Leurs avantages sont un très bon rapport efficacité/tolérance (avec des effets secondaires connus et gérables) et un excellent rapport coût/efficacité. L’introduction récente (et continue) des « traitements biologiques » du psoriasis ne remet pas en question l’intérêt des photothérapies, les biothérapies actuelles ayant démontré une efficacité inférieure aux photothérapies pour un coût 10 à 30 fois supérieur, avec un risque d’effets secondaires à long terme non évalué. Le vrai problème des photothérapies réside dans les contraintes du déplacement (distances, horaires) du patient, de sa disponibilité pour effectuer des séances dans un centre de photothérapie (hospitalier ou libéral) proche de son domicile ou de son lieu de travail. Ce facteur essentiel de l’observance thérapeutique nous amène à regretter, pour nos patients psoriasiques, le faible nombre de dermatologues libéraux disposant d’une cabine de photothérapie : 26 % des 3 197 dermatologues installés, avec une disparité régionale : le plus faible taux de photothérapeutes est rapporté en Ile-de-France et dans la région Paca, où l’on retrouve pourtant le plus grand nombre et la plus grande densité de dermatologues. Une faible proportion de dermatologues récemment installés ont choisi de s’équiper d’une cabine, 15 % des moins de 44 ans disposent d’une photothérapie contre 30 % des 45-54 ans et 26 % des plus de 55 ans(28). Allez les jeunes… Équipez-vous !

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