Publié le 31 jan 2016Lecture 6 min
Utilisation des lasers dans le traitement des tatouages
E. GUIGNÉ, Paris
Les demandes de détatouage sont en croissance. La technique de choix est le détatouage laser avec en première intention les lasers Q-switched. L’objectif étant d’effacer les tatouages sans laisser de cicatrice, il faut tenir compte du type de tatouage, de sa taille, de sa densité et de sa couleur afin d’adapter au mieux les paramètres laser (longueur d’onde, fluence, etc.).
Les lasers de détatouage Les lasers Q-switched Les lasers utilisés pour le détatouage sont les lasers Q-switched. Ils fonctionnent sur le mode déclenché en produisant une impulsion unique très courte de l’ordre de quelques nanosecondes et d’une forte puissance et selon le principe de la photothermolyse sélective : l’impact est d’une durée inférieure au temps de relaxation thermique de la cible, ce qui permet de lui transférer une importante quantité d’énergie. Il se produit, alors, une augmentation rapide de la chaleur de la cible qui provoque une augmentation de la pression interne induisant une onde de choc qui, par un effet photomécanique, va fragmenter la particule cible. Parmi les lasers déclenchés, il existe aujourd’hui : le laser Nd:YAG 1064 nm et 532 nm, le laser alexandrite 755 nm et le laser rubis 694 nm (de moins en moins utilisé actuellement). Ces différentes longueurs d’ondes vont avoir une affinité différente selon les couleur s ( tableau ci-dessous). Récemment, une nouvelle technique d’utilisation des lasers Q-switched a été décrite, il s’agit de la procédure dite « R-20 ». Le dermatologue répète les séances à 2 ou 3 reprises à 20 min d’intervalle. En théorie, grâce à ces séances séquentielles, l’amélioration devrait être plus importante qu’après une séance conventionnelle et donc permettre de diminuer le nombre de séances. En pratique, ces résultats ne sont pas reproductibles sur tous les tatouages et le gain reste difficilement quantifiable compte tenu de la diversité des pigments utilisés(1). Les lasers picosecondes Les nouveaux lasers picosecondes arrivent sur le marché. Ils sont issus des travaux initiaux de R. Anderson et coll. sur le principe de traitement des tatouages(2). Ce dernier a démontré que la durée d’impulsion idéale doit être extrêmement courte, inférieure à la nanoseconde et de l’ordre de quelques centaines de picosecondes. Le premier laser picoseconde actuellement disponible en France est le PicoSure du Cynosure ; c’est un laser alexandrite qui émet à 700 picosecondes. Son intérêt serait de limiter les effets secondaires en réduisant l’effet thermique et surtout d’être plus efficace avec un nombre de séances nécessaires moindre comparativement aux lasers nanosecondes(3). Son efficacité reste à démontrer car une émission à 700 picosecondes est en fait assez proche du nanoseconde et probablement pas assez cour te pour un effet optimal. Les premières expériences semblent démontrer que le PicoSure se révèle intéressant dans les tatouages difficiles à traiter avec les lasers déclenchés (certaines couleurs, tatouages « délavés »). Le prix des séances de laser picosecondes, pour l’instant très élevé, peut freiner certains patients. Les lasers fractionnés L’intérêt des lasers fractionnés en association avec les lasers déclenchés a été étudié dans plusieurs travaux(4,5). En utilisant le laser CO2 fractionné avant ou après le laser dans la même séance, on profiterait de la présence des micropuits induits par le fractionné pour augmenter l’efficacité du laser déclenché. L’autre intérêt du laser fractionné est de réduire une éventuelle cicatrice. La cicatrice peut être due au tatouage qui parfois peut être traumatique et laisser une séquelle cicatricielle qui apparaît, en général, lors du détatouage. Mais une cicatrice peut également être induite par le laser lorsque celui-ci est utilisé avec des fluences trop fortes sur un tatouage dense riche en pigment. Les différents tatouages Tatouages professionnels Dans un tatouage professionnel, le pigment est déposé dans le derme superficiel mais il peut par foi s at teindre le derme profond. Le détatouage nécessite entre 10 à 15 séances espacées de 8 semaines environ. Le traitement se fait sous anesthésie topique par crème anesthésiante. Des soins locaux avec des pansements gras fermés sont nécessaires pendant environ 1 semaine. Le résultat final va dépendre de la couleur du tatouage, de sa taille, de sa profondeur et de la localisation du tatouage. En général, les tatouages simples disparaissent sans laisser de cicatrice (figures 1a et b). Les tatouages de grande taille, polychromes, très chargés en pigments vont être plus difficiles à enlever. Ils vont nécessiter un nombre important de séances. Ils peuvent laisser des zones cicatricielles. Il y a parfois un résultat incomplet (couleur verte encore difficile à enlever). Figure 1. a. Tatouage professionnel. b. Résultat après 12 séances de détatouage au laser Nd:Yag déclenché 1064 nm sur le noir et 532 nm sur le rouge. Le maquillage permanent Les tatouages cosmétiques (pigmentation des lèvres, sourcils, eye-liner, aréoles mammaires) sont réalisés avec des pigments minéraux. Les couleurs marron, beige, chair ou rosée peuvent être difficiles à enlever et avoir tendance à virer de couleur par réduction chimique des pigments ferriques lors du premier passage laser. Le tatouage prend alors une teinte inesthétique grisâtre ou verdâtre qui va nécessiter de nombreuses séances (une dizaine) pour s’estomper(6). En cas de risque de virage de couleur, il faut prévenir le patient et faire un test au préalable. Tatouages amateurs Le dépôt du pigment dans un tatouage amateur est variable, il peut être placé dans le derme superficiel ou dans le derme profond, voire parfois dans l’hypoderme. Le traitement d’un tatouage amateur est souvent plus facile que celui d’un tatouage professionnel et nécessite moins de séances (4 à 6 en général). Tatouages rituels Les tatouages rituels, dont la composition est différente selon les pays (charbon de bois ou mélange de plantes locales) s’effacent en 1 à 5 séances. Le laser Nd:Yag 1064 nm peut être utilisé sur les phototypes foncés sans risque de dépigmentation (figures 2a et b). Figure 2. a. Tatouage rituel. b. Résultat après 4 séances de laser Nd:Yag déclenché 1064 nm. Tatouages accidentels Il est possible de traiter par lasers pigmentaires des pigmentations post-traumatiques telles qu’une inclusion de goudron après un accident de la route (figures 3a et b). D’autres inclusions traumatiques répondent bien au traitement laser (inclusion accidentelle d’encre ou de caoutchouc). Les inclusions de petite taille ou trop profondes pour être accessibles au laser seront traitées par exérèse chirurgicale. Les inclusions de poudre d’arme à feu présentent une contre-indication au détatouage laser car il y a un risque de cicatrice varioliforme par explosion des particules de poudre lors du passage laser(7). Elles seront enlevées chirurgicalement au punch ou par laser ablatif (figures 4a et b). Figure 3. a. Tatouage accidentel par inclusion de goudron post-accident sur la voie publique. b. Résultat après 2 séances de laser Nd:Yag déclenché 1064 nm. Figure 4. a. Tatouage accidentel par inclusion de poudre d’un pistolet d’alarme. b. Résultat après abrasion par laser Erbium Yag. EN PRATIQUE • Les lasers nanosecondes permettent actuellement d’enlever un grand nombre de tatouages au prix de séances souvent nombreuses. • Certaines couleurs restent encore difficiles à enlever. Il est souvent judicieux de conseiller une abstention devant un grand tatouage professionnel multicolore. • Le perfectionnement des lasers picosecondes permettra certainement dans l’avenir d’optimiser ces résultats.
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