Publié le 28 sep 2019Lecture 5 min
Psoriasis génital de l’adulte
S. LY, Gradignan
Malgré sa fréquence, l’atteinte génitale est souvent méconnue au cours du psoriasis et par conséquent non prise en charge. Elle est en général cutanée et associée à d’autres localisations. Il est nécessaire de la rechercher systématiquement et de la traiter pour améliorer la qualité de vie des patients.
Fréquent et méconnu
L’atteinte génitale au cours du psoriasis est fréquente, 33 à 63 % des patients déclarant avoir présenté des lésions génitales de psoriasis au cours de leur histoire(1). La prévalence instantanée varie selon les études, de 12 à 42 % des cas(1). Dans l’étude prospective et multicentrique française GENIPSO, 43,2 % d’une population de 776 patients, traités ou non et examinés par un dermatologue, présentaient une atteinte génitale(2). Celleci était significativement plus fréquente chez les hommes que chez les femmes. 100 % des patients connaissaient leur atteinte génitale, mais seulement 40 % d’entre eux déclaraient avoir eu un examen de la région génitale avant leur inclusion dans GENIPSO. Ce défaut de prise en charge avait été souligné dans une étude déclarative précédente, 45,8 % des patients n’ayant jamais discuté de leur atteinte génitale avec leur dermatologue, et seulement 25 % d’entre eux considérant que ce dernier y accordait suffisamment d’attention(3) .
Une atteinte symptomatique qui retentit sur la qualité de vie
Le psoriasis génital est symptomatique chez la majorité des patients, plus souvent chez les femmes que chez les hommes(2,4). Le prurit est le symptôme le plus fréquent, suivi par des sensations de brûlures et des douleurs au moment des rapports.
La présence d’une atteinte génitale altère la qualité de vie générale des patients, que ce soit chez les hommes ou chez les femmes. L’impact de cette localisation particulière sur la qualité de vie sexuelle est diversement apprécié selon les études, les questionnaires de qualité de vie sexuelle utilisés n’étant pas les mêmes. Dans GENIPSO, la présence d’une atteinte génitale altérait significativement la vie sexuelle des femmes, mais pas celle des hommes(2). Ryan et al.(4) montraient a contrario que cette atteinte diminuait la fréquence des rapports sexuels et retentissait négativement sur la qualité de vie sexuelle, sans distinction de genre.
Un diagnostic facile, mais quelques pièves à éviter
En effet, le psoriasis génital est associé dans la grande majorité des cas à des lésions extragénitales, une atteinte génitale isolée ne concernant que 2 à 3 % des patients. De plus les caractéristiques séméiologiques typiques de la plaque de psoriasis sont présentes dans la région génitale, telles que les contours nets et l’aspect érythémateux (figure 1a et 1b ; figure 2). Le caractère squameux est par contre inconstant (figures 3 et 4).
La topographie préférentielle du psoriasis génital est cutanée, que ce soit chez la femme (pubis, face pileuse des grandes lèvres, périnée) ou l’homme (pubis, fourreau de la verge, scrotum, périnée) ou cutanéo-muqueuse. L’atteinte « muqueuse* » isolée est beaucoup plus rare (figures 5 et 6).
L’atteinte périgénitale, du sillon interfessier en particulier, très fréquemment associée et fissurée, permet de conforter le diagnostic lorsque l’aspect est moins typique, rose pâle chez cette patiente à la peau pigmentée (figure 7a et 7b). Certaines atteintes extragénitales, significativement associées au psoriasis génital, doivent être recherchées : l’atteinte des plis (ou « psoriasis inversé »), du cuir chevelu, du conduit auditif externe ainsi que le psoriasis unguéal(2,4). Le rhumatisme psoriasique, significativement associé aux atteintes périanale et du sillon interfessier, ne semble pas l’être à la localisation génitale(2,4,5). Il faut savoir rechercher ces lésions extra et périgénitales parfois discrètes, dont la présence, ou l’absence, constituent des arguments diagnostiques, ou pas, en faveur d’un psoriasis génital, comme par exemple dans le cas d’une lichénification, diagnostic différentiel qui peut être difficile (figure 8). Si le diagnostic de psoriasis génital est le plus souvent clinique, deux examens complémentaires peuvent être utiles :
la biopsie cutanée : indiquée devant des lésions génitales isolées et/ou en cas de résistance au traitement dermocorticoïde afin de ne pas méconnaître un lichen plan (figure 9), une néoplasie intraépithéliale (figure 10), ou une maladie de Paget extramammaire ;
le prélèvement mycologique et bactériologique :
devant une balanite érythémateuse ou pustuleuse afin d’éliminer une cause infectieuse (figures 11 et 12) ;
en cas de suspicion de vulvovaginite candidosique récidivante. Cette forme particulière de candidose se caractérise par un prurit intermittent et des lésions érythémateuses à extension vulvopérinéale, dont les contours sont typi quement « émiettés », bordés par une fine desquamation post-pustuleuse. Cependant, certaines formes peuvent être particulièrement trompeuses (figure 13) ;
en cas de suspicion de « surinfection » d’un psoriasis génital connu, bien que cette dernière soit rare en pratique.
Optimiser son traitement local et quid des traitements systémiques
Il n’existe actuellement pas de re commandations spécifiques concernant le traitement du psoriasis génital. Les dermocorticoïdes, pierre angulaire du traitement local, sont à proposer en 1re intention. Leur puissance nous semble devoir être adaptée à la topographie précise de l’atteinte génitale :
dermocorticoïde puissant ou très puissant pour des lésions des zones cutanéopileuses prurigineuses afin de limiter le phénomène de Koebner lié au grattage ;
dermocorticoïde d’activité plus modérée pour l’atteinte de la demi-muqueuse ou de la muqueuse.
Si l’association bétaméthasone/ calcipotriol est proposée, elle nous semble devoir être limitée à l’atteinte cutanéopileuse, du fait du caractère potentiellement irritant des dérivés topiques de la vitamine D. Le tacrolimus topique, s’il est toléré, peut être utile en traitement d’entretien, sa prescription étant hors AMM dans cette indication. Enfin, il ne faut pas hésiter, comme sur les lésions extragénitales, à conseiller l’application d’un émollient. L’efficacité des traitements systémiques du psoriasis, conventionnels ou biologiques n’a, à notre connaissance, pas fait l’objet d’étude spécifique publiée sur l’atteinte génitale. Signalons un poster, présenté lors du congrès de l’EADV 2017 montrant la supériorité de l’ixékizumab versus placebo sur des lésions de psoriasis génital modérées à sévères.
En effet, 85 % des patients sollicités, alors qu’ils con sultaient pour des lésions extra-génitales, ont accepté de participer à l’étude GENIPSO(2,6). Ce taux d’acceptation particulièrement élevé souligne la nécessité de ne pas négliger l’examen génital lors de la prise en charge d’un patient psoriasique. Cela peut permettre, en outre, d’aborder la question des difficultés sexuelles rencontrées par certains d’entre eux. L’auteur remercie le Dr Jean-Noël Dauendorffer pour sa relecture.
* Il s’agit plus précisément de la demimuqueuse de face interne des grandes lèvres et des petites lèvres chez la femme, l’atteinte psoriasique de la muqueuse vestibulaire n’ayant encore jamais été documentée et de la muqueuse du gland et de la face interne du prépuce chez l’homme non circoncis.
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