Publié le 10 fév 2022Lecture 5 min
Le point sur la vaccination HPV
Muriel GEVREY, Paris
Les dermatologues sont sollicités pour l’acné de l’adolescent, qui représente 41 % des consultations en dermatologie. Celles-ci offrent l’occasion de parler de la vaccination contre les papillomavirus humains (HPV), dont la couverture de 29,4 % est très en deçà de la couverture optimale. Le vaccin anti-HPV permet de prévenir non seulement les cancers anogénitaux mais aussi les lésions bénignes parfois invalidantes.
Pratiquée avant le début de la vie sexuelle, la vaccination anti-HPV a une efficacité et une tolérance de 98 %. Pourtant, et malgré des données robustes d’épidémiologie, elle se heurte encore à une certaine réserve. Les infections à HPV sont fréquentes et se transmettent lors de rapports sexuels ou de contacts intimes. Environ 80 % de la population (femmes et hommes) est exposée aux HPV au cours de sa vie. Chaque année, 6300 cancers y sont associés, dont 70 % chez les femmes et 30 % chez les hommes. Les HPV sont aussi à l’origine de lésions bénignes, comme 100 000 verrues génitales par an, réparties à égalité entre femmes et hommes. Ils sont aussi responsables de lésions précancéreuses du col. Les lésions HPV ne concernent cependant pas que le col de l’utérus. En 2015, le nombre des cancers de l’oropharynx chez l’homme a supplanté le nombre de cancers du col chez la femme aux Etats-Unis(1).
Un faisceau d'arguments
La vaccination se justifie donc sur un faisceau d’arguments : la persistance du virus augmente le risque de cancer, il n’existe pas de traitement antiviral efficace spécifique contre le HPV, le traitement repose uniquement sur la chirurgie des lésions cliniques visibles avec un risque élevé de récidive, et l’immunité acquise naturelle ne protège pas des réinfections. Pour autant, le vaccin HPV n’est pas compris dans les 11 vaccins obligatoires et il vient juste d’être recommandé chez les garçons.
Deux vaccins sont disponibles :
Cervarix® contre les HPV 16 et 18 hautement oncogènes, et
Gardasil® 9 18,31,33,45,52 et 58 et les virus 6 et 11 impliqués dans 90 % des verrues génitales. Le vaccin anti-HPV est recommandé chez les filles et les garçons entre 11 et 14 ans avec un schéma à 2 doses (M0-M6).
Le calendrier vaccinal 2021(2) précise que l’extension de la vaccination contre les HPV s’applique aux garçons de 11 à 14 ans révolus, avec un rattrapage vaccinal pour ceux âgés de 15 à 19 ans révolus. Cette recommandation est applicable depuis le 1er janvier 2021. La vaccination s’étend jusqu’à 26 ans pour les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes. On peut avancer à 9 ans la vaccination en cas d’immunodépression ou pour des patients en attente de greffe, dans le cas de maladies auto-immunes ou chez des jeunes traités par corticoïdes au long cours.
Résultats d'études
Les études FUTURE I et II(3), HPV- P 007(4) et la Nordic Study P015(5) montrent une efficacité de 98 % aussi bien sur les lésions anogénitales que sur les lésions précancéreuses. L’efficacité est très rapidement observable. Après quatre années, la vaccination a permis en Australie de réduire de 90 % les verrues anogénitales chez les jeunes filles(6) avec un bénéfice collatéral chez les jeunes hommes qui n’étaient pas encore concernés par la vaccination.
Dans les formes de cancer intraépithélial, une métaanalyse de 26 essais cliniques, parue en 2018, montre une réduction drastique des lésions prénéoplasiques(7), soit une forte diminution de l’incidence des CIN2+ (cervical intraepithelial neoplasia de grade 2+) liés aux génotypes vaccinaux, qui passe de 164 à 2/10 000. Pour les cancers, une étude suédoise plus récente, menée sur plus de 1,6 million de jeunes filles vaccinées montre que le vaccin HPV quadrivalent réduit de 63 % les cancers invasifs(8). Lorsque la vaccination a lieu avant l’âge de 17 ans, la protection est meilleure et atteint 88 %. Une étude anglaise vient confirmer ces résultats avec une réduction de 87 % des cancers du col dans le cas d’une vaccination à l’âge de 12-13 ans. Les CIN 3 (néoplasies intraépithéliales) reculent de 97 %(9). D’où une préconisation de l’OMS d’obtenir une couverture vaccinale à 90 % en Europe à l’horizon 2030 pour les filles et les garçons âgés de moins de 15 ans(10).
Pas de lien avec les maladies auto-immunes
Côté sécurité, une étude française de 2015 portant sur une cohorte de 2,2 millions de jeunes filles de 13 à 16 ans, réalisée par l’ANSM et l’Assurance maladie, montre que le Gardasil® quadrivalent n’induit pas de maladies auto-immunes(11). Une étude australienne, menée entre 2007 et 2017, confirme avec un recul de 10 ans ce profil de tolérance et une neutralité du vaccin anti-HPV sur la survenue de maladies auto-immunes(12). Une étude récente vérifie encore une fois l’absence de lien entre vaccin HPV et auto-immunité(13).
Au total, ces données ne modifient pas le profil de sécurité d’emploi de Gardasil® 4 tel qu’il a été défini à l’obtention de l’AMM. La couverture vaccinale qui stagne actuellement à 35 % en Europe et en Amérique du Nord est insuffisante pour avoir un impact de santé publique(14). Les experts estiment qu’une couverture de 70 % éviterait 1500 cancers et 600 décès annuels(15).
Prévention des récidives
Les perspectives concernent la prévention des récidives. Il a été montré que le vaccin HPV permet une réduction des lésions anales HPV+ de 58 % à un an, de 50 % à 2 ans et de 48 % à 3 ans après traitement chirurgical chez des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes VIH négatifs(16). Cela a été démontré aussi chez les femmes traitées pour des dysplasies, notamment après une conisation avec un taux de récidive nettement inférieur chez les vaccinées (-81,2 %)(17).
Un groupe de recherche de la Société française de dermatologie mène actuellement l’étude CONDYVAC qui va évaluer la prévention secondaire par la vaccination anti-HPV de la récidive des condylomes anogénitaux externes chez les patients cliniquement guéris. Un aspect curatif est envisagé dans le traitement des verrues palmo-plantaires (étude VAC-WARTS). Une évaluation rétrospective a déjà objectivé que, à M12, 11 % des patients étaient en rémission complète et 39 % en rémission partielle avec un délai moyen de réponse de 3,5 mois(18).
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