Publié le 04 nov 2009Lecture 7 min
Urticaire aiguë par allergie ou intolérance médicamenteuse
A. BARBAUD, Hôpital Fournier, Nancy
De très nombreux médicaments peuvent déclencher des urticaires aiguës. Il est donc fondamental de récupérer les informations concernant toutes les prises médicamenteuses lors de la poussée d’urticaire et de faire un schéma chronologique sur lequel figurent toutes les prises médicamenteuses et l’évolution de la dermatose.
Conduite à tenir immédiate En urgence, il faut interrompre tous les médicaments récemment introduits dans un délai de 48 heures ou depuis plus longtemps en cas de sensibilisation active se manifestant au 10e jour du traitement. Il faut dresser la liste de tous les médicaments pris en précisant quel générique a été utilisé par le patient et demander à ce dernier de les conserver pour réaliser les bilans. Il faut interdire la prise de tout médicament appartenant aux classes suspectées jusqu’au bilan et rédiger un certificat ou une lettre sur lesquels seront notés tous les médicaments et les classes médicamenteuses contre-indiqués jusqu’aux investigations ultérieures. Il faut d’emblée programmer un bilan dans les 6 semaines à 6 mois qui suivent et, en cas de gravité, prévenir et demander conseil au Centre régional de pharmacovigilance. Investigations dans les urticaires médicamenteuses par hypersensibilité immédiate Figure 1. Technique de l’IDR. a.Tests intradermiques pour explorer les urticaires médicamenteuses : à faire avec des médicaments existant sous forme injectable et sous surveillance hospitalière. b. IDR positives aux bêtalactamines dans une urticaire due aux pénicillines. Les 11 recommandations à suivre pour prendre en charge une urticaire aiguë d’origine médicamenteuse • Faire un schéma chronologique avec le nom de tous les médicaments pris en précisant la forme commercialisée prescrite et délivrée (générique). • Arrêter les médicaments suspects, sans interrompre les médicaments bien supportés et pris depuis plus de 10 jours. • Ne pas essayer de substituer à l’aveugle dans la même classe, les allergies croisées étant très fréquentes au sein d’une même classe chimique. • Demander au patient de conserver tous les médicaments qu’il a pris qui serviront pour les bilans ultérieurs. • Traiter par antihistaminique 1 de 2e génération et ce, une semaine après l’arrêt du (des) médicament(s) suspecté(s). • Programmer un bilan dermato-allergologique 6 semaines après. • En cas d’angioedème ou d’urticaire récidivante, ne pas demander de tests mais savoir évoquer une intolérance pharmacologique aux AINS, inhibiteurs du récepteur de l’angiotensine II (« sartans »), inhibiteurs de l’enzyme de conversion, bupropion, les oedèmes palpébraux au tadalafil. • Les tests in vitro ne sont pas validés (sauf anaphylaxie aux curares). • Les prick-tests et les intradermoréactions médicamenteuses sont utiles pour le diagnostic étiologique et la recherche d’allergies croisées : – l’hypersensibilité immédiate peut être liée au principe actif ou aux excipients (sulfites, carboxyméthylcellulose…) ; – les tests sont faits sous surveillance hospitalière ; – un test négatif n’élimine pas le diagnostic d’allergie médicamenteuse ; – les tests guident les réintroductions médicamenteuses à doses progressivement croissantes, versus placebo, sous surveillance hospitalière. • Le patient doit être porteur d’un certificat ou d’une carte sur lesquels sont notés les médicaments contre-indiqués mais aussi ceux qui peuvent être pris en remplacement. • En cas de manifestations graves ou inattendues, une déclaration au centre régional de pharmacovigilance doit être faite. Quatre à 6 semaines après la phase aiguë, des investigations cutanées ou sériques peuvent être réalisées. Certaines urticaires sont dues à une hypersensibilité immédiate médiée par des IgE spécifiques dirigées contre certains médicaments. Dans ces formes, les tests peuvent être intéressants. Les prick-tests peuvent être réalisés 3 à 4 jours après l’arrêt des anti-H1, mais une semaine après s’il s’agit de la desloratadine. Ils seront réalisés un mois après l’administration d’un corticoïde par voie systémique. Il existe très peu de dosages commercialisés d’IgE spécifiques (radioallergosorbent tests ou RAST). On peut faire quelques RAST avec les bêtalactamines ou les curares. Les tests de dégranulation des basophiles humains, peu spécifiques, ne sont pas évalués pour prendre une place autre qu’à titre de recherche dans la prise en charge de ces patients. Les tests cutanés utiles dans les urticaires et angioedèmes sont les prick-tests et les intradermoréactions (IDR) faites avec des dilutions du médicament et lus de façon immédiate et retardée. Les prick-tests sont pratiqués sur les avant-bras ou le dos des patients avec un vaccinostyle. Tous les médicaments peuvent être testés, mais dans les urticaires, on recommande de les tester dilués. Ils sont considérés comme positifs lorsque la papule mesurée à 20 minutes est égale ou supérieure au diamètre de la papule obtenue avec le témoin négatif (sérum physiologique) + 3 mm. Le témoin positif est l’histamine. Chez un patient ayant présenté un choc anaphylactique, des dilutions importantes doivent être réalisées. Dans les urticaires, on recommande de pratiquer les prick-tests avec le médicament dilué. Figure 2. Technique du prick-test. Les prick-tests et les IDR permettent de rechercher le médicament inducteur et également les aller-gies croisées (1). Sur 200 cas de toxidermie urticarienne dus à des médicaments variés, chez des patients ayant eu des patch-tests avec lecture immédiate, et en cas de négativité des prick-tests et des IDR lorsqu’il existait une forme injectable du médicament, 28,25 % des prick-tests et 20,6 % des IDR étaient positifs (2). La valeur prédictive négative des tests cutanés dans les urticaires est en cours de détermination. Pour les bêtalactamines, 49 patients sur 89 (55 %) ayant eu des tests cutanés immédiats négatifs et une recherche d’IgE antidéterminants des pénicillines négative, avaient un test de provocation orale positif avec la bêtalactamine incriminée (3). Tous médicaments confondus, le risque d’avoir un test de provocation oral positif malgré des tests négatifs est d’environ 10 % chez les patients ayant une toxidermie par hypersensibilité retardée ou urticarienne (4). Urticaire aiguë par hypersensibilité non allergique (ou intolérance médicamenteuse) Figure 4. Urticaire médicamenteuse au bupropion. Certaines urticaires médicamenteuses ne relèvent pas d’un mécanisme d’hypersensibilité allergique et ne doivent pas faire l’objet de tests cutanés. Il s’agit d’urticaires ayant un mécanisme pharmacologique. • Dans les angioedèmes et les urticaires déclenchées par les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), les poussées surviennent avec des classes chimiques variées chez un même patient. Ces urticaires ou angioedèmes, pouvant être associés à un asthme et à une polypose nasosinusienne dans le cadre d’un syndrome de Fernand Widal, sont liés à un mécanisme pharmacologique bloquant la voie de la cyclo-oxygénase dans le métabolisme de l’acide arachidonique (5,6). Figure 3. Prick-tests positifs à 20 minutes dans un choc anaphylactique : dans un choc, toujours débuter avec des solutions très diluées. • Les angioedèmes et les urticaires liées aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et aux « sartans » relèvent, au moins pour les angioedèmes aux IEC, d’une interférence avec le métabolisme des bradykinines (7,8). Il n’y a pas lieu de se lancer dans des investigations, mais dès que ces médicaments sont suspectés, le traitement antihypertenseur doit être modifié, sachant que la récidive est possible lorsque l’on passe des IEC aux sartans. • Les urticaires liées au bupropion ne sont pas exceptionnelles : les investigations immunoallergologiques sont négatives chez ces patients et sont donc inutiles (9). • Les oedèmes palpébraux liés à la consommation de tadalafil sont pharmacologiques et non allergiques et ne nécessitent pas de bilan (10). • Dans les flushs liés aux corticoïdes, le mécanisme n’est pas IgE-dépendant et les tests sont inutiles. L’encadré résume la conduite à tenir devant une urticaire aiguë médicamenteuse.
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