Publié le 31 oct 2022Lecture 4 min
Il faut repérer et traiter rapidement les urgences en dermatologie
Caroline MARTINEAU, Malakoff
« La septième défaillance d’organes concerne la peau », affirme le Pr Olivier Chosidow. Dès les années 1950, une corrélation entre mortalité et surface corporelle atteinte chez les grands brûlés était démontrée. D’où la nécessité de repérer et de traiter rapidement les défaillances cutanées aiguës par une prise en charge précoce dans une équipe habilitée, élément constituant le principal facteur de survie.
Au service des urgences dermatologiques du CHU de Créteil (Val-de- Marne), une équipe reçoit les patients 24 h/24 et 7 j/7 et dispose de lits dédiés à ces pathologies : nécrolyses épidermiques induites ou non par des médicaments, érythèmes polymorphes et maladies infectieuses cutanées graves. Les protocoles de soins ont été élaborés et perfectionnés au fil de l’expérience acquise, les essais randomisés en double aveugle contrôlé étant éthiquement difficiles dans ces pathologies.
> Syndromes de Stevens-Johnson et de Lyell
Histologiquement et cliniquement, il existe un continuum entre le syndrome de Stevens-Johnson (SJS) et celui de Lyell. La réaction débute une dizaine de jours après l’exposition au médicament inducteur par de la fièvre, des brûlures oculaires, des symptômes de la sphère ORL, une éruption érythémateuse peu spécifique, puis en quelques heures ou en quelques jours des érosions cutanées multifocales et des bulles avec décollement cutané.
Le syndrome de Lyell, ou nécrolyse épidermique toxique, entraîne une rupture de l’homéostasie cutanée génératrice de troubles hémodynamiques et de la thermorégulation, de désordres hydroélectrolytiques et d’hypermétabolisme secondaire à l’augmentation des pertes cutanées caloriques. Un décollement cutané supérieur à 10 % met en jeu le pronostic vital. La nécrolyse ne concerne pas seulement le revêtement cutané mais aussi les muqueuses ; l’atteinte de l’épithélium bronchique et digestif (parfois de la bouche jusqu’à l’anus) est également souvent présente, expliquant la gravité du syndrome et les surinfections par des bactéries anaérobies de type Pseudomonas.
La mortalité du Lyell a diminué ces vingt dernières années ; elle se situe aujourd’hui autour de 15-20 %. L’existence d’un réseau d’expertise consacré à la prise en charge de ce syndrome participe à cette évolution favorable. La prise en charge passe par le contrôle de la balance électrolytique, de la déshydratation, des infections, de la dénutrition et de la douleur, et bien sûr, par l’arrêt du médicament identifié comme responsable. 85 % des Lyell sont médicamenteux. Les maladies auto-immunes comme le lupus ou les dermatomyosites figurent parmi les autres étiologies, et dans 5 % des cas aucune cause évidente n’est retrouvée. L’utilisation des corticoïdes et des immunoglobulines intra-veineuses est abandonnée. Les données sur la ciclosporine sont plus incertaines. Une étude rétrospective espagnole avait décrit une diminution de la mortalité, mais une autre étude rétrospective faite par l’équipe de Créteil s’est montrée négative (8,5 % de mortalité dans les 2 groupes). Les traitements de support sont essentiels, avec des infirmières dédiées, du matériel approprié (plafonds chauffants, baignoires) et des soins spécifiques en cas d’atteinte muqueuse.
> Autres toxidermies
• La pustulose exanthématique généralisée commence 1 à 4 jours après la prise du médicament causal et s’accompagne d’une hyperleucocytose neutrophilique. Elle peut être associée à une atteinte systémique (17 %) des poumons, du foie, des reins et de la moelle osseuse, engageant le pronostic vital.
• La dermatose linéaire bulleuse à IgA survient de 24 heures à 15 jours après la prise d’un médicament. Des vésicules ou des bulles avec une distribution annulaire apparaissent, accompagnées parfois d’un décollement cutané plus ou moins étendu.
• Le DRESS (Drug Reaction with Eosinophilia and Systemic Symptoms) survient plus tardivement après le début de l’exposition médicamenteuse. Les médicaments classiquement impliqués dans le DRESS sont les anticonvulsivants, les sulfonamides, la dapsone, l’allopurinol, la minocycline.
DRESS et dermatose bulleuse a IgA peuvent mettre en jeu le pronostic vital du fait d’une atteinte pluriviscérale.
> Urgences d'origine infectieuses
• Les infections à mycoplasme avec atteinte muqueuse peuvent être à l’origine d’une défaillance cutanée aiguë. L’érythème polymorphe post-mycoplasme diffère des autres érythèmes polymorphes ; il est plus sévère que les autres érythèmes polymorphes (post-herpétique ou idiopathique), associé à une atteinte muqueuse plus grave et à des séquelles plus fréquentes (pulmonaires, oculaires, à type de bronchiolite oblitérante ou de striction de l’œsophage).
• La fasciite nécrosante, 5 à 10 fois plus fréquente que le Lyell, aggravée par la prise intempestive d’AINS, doit être évoquée devant une grosse jambe rouge aiguë hyperalgique avec fièvre et nécrose avérée ou débutante (crépitations), présence de zones cyaniques ou livédoïdes, s’aggravant malgré une antibiothérapie, particulièrement chez un sujet âgé présentant une artériopathie, ou chez un sujet immunodéprimé. Elle exige une prise en charge médico-chirurgicale en urgence(1).
• Les services d’urgences dermatologiques sont confrontés depuis quelques mois à des patients atteints de formes cutanées graves de variole du singe. L’occasion pour le Pr Chosidow de souligner le rôle crucial des dermatologues et la nécessité de maintenir leur présence à l’hôpital confronté à de nouvelles pathologies réputées bénignes.
D’après la communication « Urgences en dermatologie » du Pr Olivier Chosidow, CHU Henri-Mondor (Créteil), EADV 2022
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