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Dermatologie générale

Publié le 30 oct 2024Lecture 4 min

Érythème pigmenté fixe à la doxycycline : une nouvelle épidémie ?

Catherine FABER, d’après la communication orale du Dr Alice Brehon (hôpital Tenon, Paris)

La plus grande série à ce jour de cas confirmés d’érythème pigmenté fixe à la doxycycline va être publiée prochainement(1). L’occasion de s’interroger sur le risque engendré par l’utilisation de cet antibiotique en prophylaxie postexposition des infections sexuellement transmissibles.

L'érythème pigmenté fixe (EPF) est une toxidermie bénigne, sauf dans sa forme bulleuse généralisée. Cette réaction d’hypersensibilité retardée se manifeste par des macules ou des plaques arrondies, érythémateuses et plus ou moins bulleuses de la peau des muqueuses. Ces lésions récidivent au même endroit et peuvent laisser des séquelles pigmentées. Le diagnostic clinique d’EPF est habituellement rare, mais il existe des différences géographiques d’incidence possiblement liées à une prédisposition génétique. La littérature actuelle rapporte une centaine de médicaments inducteurs d’EPF au premier rang desquels le paracétamol, mais aussi d’autres médicaments notamment les AINS et certains antibiotiques. La doxycycline n’est a priori pas considérée comme un pourvoyeur « classique » d’EPF. En témoignent deux études, dont l’une récente dans laquelle ce médicament a été incriminé dans un seul cas sur 61(2). La seconde plus ancienne n’a identifié aucun cas d’EPF sur 55, induit par la doxycycline(3). Ce constat s’inscrit dans un contexte marqué par la démonstration de l’efficacité de cet antibiotique en prophylaxie post-exposition (PEP : Post-Exposure Prophylaxis) des infections sexuellement transmissibles (IST) chez les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes (HSH)(4).   QUINZE CAS   La série comporte 15 cas d’EPF à la doxycycline, la majorité survenue dans les 6 derniers mois (n = 11). Il été diagnostiqué chez des patients âgés de 25 à 55 ans, dont une seule femme traitée pour une morsure de cheval. Sur les 14 hommes, 11 avaient reçu la doxycycline pour le traitement d’une IST et les trois autres en PEP. Onze patients prenaient aussi une prophylaxie préexposition (PreP). Une prise antérieure pour traiter une IST a été retrouvée chez 12 patients, sans réaction. Il a été difficile de connaître précisément le nombre de prises avant l’établissement du diagnostic. Selon l’estimation des auteurs de l’étude, elles varient entre 1 et 4 (en moyenne 2,6 prises). Les lésions sont apparues entre 1 et 72 heures après la prise du traitement. Tous les patients avaient une ou plusieurs lésions cutanées (n = 3 cas) et/ou (semi)muqueuses (n = 14) parfois bulleuses (n = 11), dans les 1 à 72 heures après la prise de doxycycline. À noter que, sur les 14 patients présentant des lésions muqueuses, neuf avaient une atteinte génitale exclusive. Dans ce cas de figure, il est important de faire le diagnostic différentiel avec une IST, en particulier chez les HSH. Des patch-tests in situ avec la doxycycline diluée à 30 % dans la vaseline ont été réalisés dans les trois cas d’atteinte cutanée, avec un résultat positif dans un cas. Des tests d’application répétée (ROAT : Repeated Open Application Test) in situ avec l’antibiotique dilué à 10 %-30 % dans la vaseline ont été faits chez les deux patients avec patch-test négatif ou d’emblée en cas de lésion muqueuse exclusive. Ils consistaient à appliquer la préparation une fois par jour pendant une semaine sur un site antérieurement atteint par l’EPF. Le ROAT a été positif chez 11 patients sur 14, soit 78 % des cas, un taux supérieur à celui rapporté dans la littérature. Cette sensibilité plus importante pourrait être liée à la réalisation des tests sur des (semi)muqueuses. Dans les trois cas où les deux tests précédents étaient négatifs, le test de provocation orale (TPO) avec 50 à 200 mg de doxycycline s’est révélé positif. Dans ce travail, le ROAT, un test facilement accessible et réalisable, apparaît donc comme un outil intéressant pour confirmer le diagnostic d’EPF et permet d’éviter les risques du TPO. A. Érythème pigmenté fixe sur la main, taches pigmentées hors poussée. B. Érythème pigmenté fixe sur la verge, au moment de la poussée, après prise de paracétamol et chez un patient présentant des taches pigmentées résiduelles d’un EPF survenu 20 ans plus tôt.   DES CAS SUPPLÉMENTAIRES   Tous les patients ont guéri après l’arrêt du traitement. Il y a eu seulement deux cas de pigmentation postinflammatoire (PPI), et un cas de fusion balanopréputiale cicatricielle persistant à distance des épisodes a été répertorié. Aucune observation de ce type d’évolution cicatricielle n’a encore été décrite dans la littérature. Les données de la série rappellent l’existence de risques pour les patients, en cas de retard diagnostique, en termes de PPI, de cicatrisation pathologique, parfois d’extension progressive des lésions, voire d’EPF bulleux généralisé. Depuis l’analyse de ces 15 cas d’EPF à la doxycycline, la série s’est enrichie d’un 16e cas confirmé et trois autres sont en cours d’exploration. L’incidence de l’EPF à la doxycycline semble augmenter du fait de son utilisation en PEP ou en PReP des IST. Cependant, le rôle réel des prises courtes et répétées de doxycycline dans ce cadre en tant que facteur de risque d’EPF reste à déterminer. Une autre question en suspens concerne le risque exact de réactions croisées entre les cyclines, actuellement inconnu et pour lequel il existe très peu de données. Seuls quelques cas de réactions croisées entre la doxycycline et la minocycline ont été publiés(5). D’après la communication orale du Dr Alice Brehon (hôpital Tenon, Paris), GERDA 2024.

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