Publié le 05 mai 2023Lecture 4 min
Relation entre la dose d’hydroxychloroquine et le risque de maculopathie incidente : une étude de cohorte
François CHASSET, Service de dermatologie et allergologie, hôpital Tenon, Paris
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L’hydroxychloroquine (HCQ) est très utilisée dans de nombreuses pathologies inflammatoires, en particulier le lupus cutané et systémique, avec un rôle dans l’amélioration de la survie, dans l’activité de la maladie, dans la diminution du risque de séquelles et dans la prévention des thromboses. En revanche, la prise prolongée est associée à un risque de maculopathie en œil-de-bœuf, qui peut s’accompagner d’une cécité définitive.
Une étude sur 2361 patients publiée en 2014 a montré une prévalence de maculopathie de 7,5 %, et une augmentation du risque avec un odds ratio de 5, pour une dose supérieure de 5 mg/kg/jour. Secondairement à cette étude, la dose de 5 mg/kg/jour de poids réel a été retenue dans le traitement du lupus systémique par les recommandations ophtalmologiques de 2016 et par celles de 2019 de l’EULAR (société européenne de rhumatologie).
Dans cette étude, les mêmes auteurs ont évalué le risque de maculopathie incident sous HCQ chez les malades traités pendant plus de 5 ans par rapport à la dose initiale d’HCQ. Il s’agissait d’une étude de cohorte californienne (KPNC) chez des patients avec un lupus, une polyarthrite rhumatoïde, un syndrome de Sjögren ou une autre connectivite... sous traitement d’HCQ pendant au moins 5 ans, initié entre 2004 et 2014 (cohorte principale). Le diagnostic de maculopathie a été posé sur les résultats des tomodensitométries par cohérence optique en domaine spectral (SD-OCT), conformément aux recommandations, avec une relecture des examens en aveugle. La dose d’HCQ a été catégorisée en trois : < 5 mg/kg, entre 5-6 mg/kg et > 6 mg/kg. Elle était calculée à partir de la dose récupérée par les patients à la pharmacie, en prenant en compte 80 % de la dose récupérée pour tenir compte de l’adhésion thérapeutique. Le risque de maculopathie a été ajusté sur les covariables suivantes : âge, sexe, race, maladie de l’indication de l’HCQ, IMC, fonction rénale (insuffisance rénale stade III), traitements associés au risque de maculopathie (en particulier tamoxifène).
Au total, 3325 patients traités par HCQ pendant plus de 5 ans ont été inclus. Il s’agissait principalement de femmes (82,7 %), avec un âge moyen à l’initiation de l’HCQ de 53 ans. Les pathologies justifiant la mise sous HCQ étaient principalement la polyarthrite rhumatoïde (39 %) et le lupus systémique (18 %). Au total, 81 cas de rétinopathies induites à l’HCQ ont été identifiées (2,4 %). La durée médiane de prise était de 8,9 ans (extrêmes : 5-16 ans). La plupart des cas étaient modérés, avec seulement 8 cas sévères. L’incidence cumulée à 10 ans était de 2,5 % et de 8,6 % à 15 ans. L’incidence cumulée à 15 ans augmentait avec la dose récupérée à la pharmacie et était de 2,7 % (IC 95 % : 1,5-4,8) pour une dose < 5 mg/kg/jour ; 11,4 % (IC 95 % : 14-29, 9) pour les doses entre 5 et 6 mg/kg/jour et 21,6 % (IC 95 % : 14,6-31,4) pour une dose > 6 mg/kg/jour (p < 0,001) pour la comparaison entre les groupes. Des analyses de sensibilité prenant en compte différents niveaux d’adhésion thérapeutique permettaient d’obtenir les mêmes résultats. Un âge de début > 55 ans et une insuffisance rénale chronique de stade III étaient également associés au risque de maculopathie.
Cette étude sur plus de 3300 patients permet d’estimer l’incidence de maculopathie après 5 ans de traitement à 2,5 % à 10 ans et à 9 % à 15 ans, ce qui est considérable. De façon importante, les maculopathies sont le plus souvent peu sévères, ce qui s’explique probablement par un suivi régulier et une détection par SD-OCT, grande force de cette étude. Autre donnée essentielle, le risque de maculopathie augmente de façon significative avec la dose prescrite. En revanche, l’une des limites majeures de cette étude est l’utilisation de la dose délivrée par la pharmacie et non la dose prescrite. La même méthode avait été utilisée par les auteurs en 2014, ce qui avait été grandement critiqué. En effet, il a été estimé que les patients lupiques récupèrent en moyenne 50 % de la dose prescrite à la pharmacie. Dans cette étude, ceci est souligné par le fait que la dose moyenne d’HCQ chez les lupiques est de 4 mg/kg, ce qui est loin des 400 mg/jour recommandés pendant la période d’étude. Il est donc essentiel de ne pas extrapoler ces résultats à la dose que doit prescrire le clinicien, recommandé en France à 400 mg/jour sauf pour les poids extrêmes. La surveillance du dosage sanguin d’HCQ peut être utile en visant un seuil entre 750-1200 ng/ml.
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