Recherche en dermatologie : une actualité riche et variée

« La peau est une porte d’entrée extrêmement commune pour un grand nombre d’agents pathogènes, a rappelé le Pr Ludovic Martin (CHU Angers). Singulièrement les dermatologues sont peu présents dans la recherche préclinique concernant les infections cutanées. » Plus de la moitié des maladies infectieuses seront aggravées par le réchauffement climatique dans les prochaines années, et une grande partie d’entre elles sont des infections cutanées(1). Les cas d’arboviroses, de leptospiroses ou d’autres infections tropicales vont augmenter, et on pourrait même assister au retour de la lèpre là où elle avait disparu.   DIGITALISATION DES PRATIQUES ET DE LA RECHERCHE   La démonstration formelle de l’intérêt de la digitalisation de la santé reste à faire en matière d’intelligence artificielle et de diagnostic dermatologique. Des améliorations des logiciels disponibles sont possibles en diversifiant l’origine des images des bases de données et en ajoutant des éléments contextuels. Cela est vrai en particulier pour le diagnostic des tumeurs cutanées. Enfin, il faudrait mieux préciser les conditions d’utilisation de la digitalisation en pratique quotidienne(2,3,4). « L’apparition d’outils d’évaluation des pratiques par les patients en dermatologie est tout à fait licite », a expliqué le Pr Martin. Il en existe deux sortes : les « proms » basés sur des critères de mesure de l’évaluation thérapeutique et les « prems » qui évaluent l’expérience patient. Plus de dix ans de recherche ont permis d’établir ce qui est utile à l’évaluation des essais thérapeutiques concernant la dermatite atopique ; l’auteur de ce travail conclut que parmi les quatre domaines identifiés, trois sont des proms et un seul concerne une évaluation clinique(5). Ce type d’approche est particulièrement utile en dermatologie, le caractère affichant des lésions ayant un impact important sur le fonctionnement des patients au quotidien. Ces outils d’évaluation du « vivre avec » sont essentiels(6,7). « Je suis convaincu que les dermatologues doivent s’impliquer dans ces recherches, même si elles sont aux confins de notre spécialité, des sciences du numérique concernant l’intelligence artificielle, des sciences humaines et sociales et bien sûr de l’éthique », a souligné le Pr Martin.   ORGANOÏDES ET BIO-IMPRESSIONS 3D : DES MODÈLES INNOVANTS DE RECHERCHE   On dispose aujourd’hui de superbes modèles pour la recherche en dermatologie. « L’un des plus stupéfiants est celui des organoïdes », a estimé le Pr Martin. Des peaux sont reconstruites in extenso in vitro avec l’ensemble de leur matériel cellulaire, de leurs annexes et de leur vascularisation. Ces modèles sont créés à partir de cellules souches embryonnaires ou iPS. Ainsi un organoïde de peau normale permettrait d’étudier la biologie de la cicatrisation ou du vieillissement cutané(8). Ces organoïdes peuvent également être utilisés pour créer des modèles de peau pathologique, soit dans le champ des tumeurs, soit dans celui des pathologies inflammatoires. Autre innovation, les bio-impressions de peaux en 3D sont également de précieux modèles pour la recherche en dermatologie. Elles sont généralement conçues avec une extrusion d’une matrice semi-solide polymérique (un alginate par exemple) dans les logettes de laquelle on va déposer un certain nombre de types cellulaires (dont des cellules endothéliales). Ces bio-impressions 3D font l’objet d’un nombre considérable de publications. Même si elles ne sont pas encore utilisables en pratique quotidienne, on commence à voir quelles seraient leurs applications : impressions de pansement personnalisés, modèles cutanés pour l’étude de pathologies tumorales ou inflammatoires, étude in vitro du passage transcutané des médicaments(9,10).   MICROENVIRONNEMENT TUMORAL ET PROCESSUS MÉTASTATIQUE   Enfin, il faut saluer la publication d’une synthèse des recherches consacrées à la capacité de manipulation du micro-environnement du mélanome par les cellules métastatiques. Ces travaux ont mis au jour des interactions extrêmement subtiles avec différentes molécules de la matrice extracellulaire ainsi qu’avec des populations cellulaires d’importance comme les fibroblastes associés au cancer(11). Une étude très récente a mis en évidence l’implication de la cascade des compléments dans l’initiation du processus métastatique ; ses auteurs ont montré que l’activation du système complémentaire est associée à un recrutement des neutrophiles et à un relargage enzymatique, capable de déverrouiller la barrière endothéliale et donc de permettre le passage dans la circulation générale des futures cellules métastatiques(12). Par ailleurs, Biermann et coll. viennent de publier un travail montrant que les cellules métastatiques de mélanome dans le cerveau adoptent un phénotype pseudo-neuronal capable de modifier leur micro-environnement et donc d’altérer la réponse thérapeutique, notamment aux immunothérapies(13). « Pour suivre l’actualité de cette recherche foisonnante en dermatologie, il va falloir rebattre les cartes en matière d’enseignement, a conclu le Pr Martin. Salava et Kluger viennent de publier une belle revue des outils pédagogiques disponibles, et de ceux devant faire l’objet de recherches et devant être validés(14). Il faut que l’on puisse démontrer que ce que l’on enseigne a un intérêt pour la modification des pratiques des apprenants de tous âges au bénéfice des patients. » D’après la communication « Quoi de neuf en recherche » du Pr Ludovic Martin (CHU Angers), JDP 2022.