Publié le 08 jan 2024Lecture 5 min
Cosmétiques faits maison et allergie de contact
Catherine FABER, d’après la présentation d’A. Herman, université catholique de Louvain, Belgique
Les produits cosmétiques faits maison, désignés également sous le terme de DIY (Do It Yourself), induisent des allergies de contact dont la fréquence est probablement sous-estimée.
Les motivations des consommateurs pour créer des cosmétiques DIY ont été largement décrites. Elles incluent la méfiance à l’égard de certains ingrédients utilisés par l’industrie cosmétique à la suite des polémiques autour des conservateurs et des perturbateurs endocriniens, la tendance actuelle du « consommer mieux » avec des produits considérés comme « bios », des raisons économiques, écologiques ou environnementales (mouvement « slow cosmétique ») et un sentiment de fierté à l’idée de créer des produits quasiment personnalisables à l’infini. Cette pratique peut aussi être une activité ludique. L’industrie des jeux de société s’est en effet emparée de ce phénomène pour créer des jeux dédiés. Il existe même des coffrets cadeaux destinés aux enfants à partir de l’âge de 8 ans. Le manque de disponibilité et d’accessibilité des produits industriels dans certaines régions, et parfois des facteurs culturels conduisent, de fait, à privilégier la fabrication artisanale.
L’intérêt croissant pour les soins cosmétiques s’accompagne d’une augmentation du risque d’allergie de contact. Ainsi, aux États-Unis, la prévalence de l’eczéma de contact allergique causé par des soins cosmétiques a été multipliée par 2,7 entre 1996 et 2016. D’après une étude réalisée en 2020 par l’observatoire Société & Consommation, 9 % de la population française réalisent ses propres produits cosmétiques. Les recherches pour le hashtag #diybeauty mettent en évidence plus de 435 millions de vues sur TikTok et plus de 251 millions sur Instagram. Des conservateurs synthétiques, notamment le Cosgard, qui est un mélange d’alcool benzylique, d’acide déhydroacétique et d’eau, peuvent être utilisés dans les recettes. De nombreux livres, des blogs, des sites Internet, les réseaux sociaux, des stages de formation expliquent comment fabriquer soi-même ses cosmétiques. Mais la prudence s’impose quant à la qualité des informations diffusées par ces canaux. Pour les blogs, par exemple, il a été montré que seuls 6 % sont rédigés par des personnes ayant des connaissances en cosmétologie(1).
Le citron, la cannelle et les huiles essentielles ont été signalés à l’origine de cas de dermatites de contact allergiques.
PEU DE CAS PUBLIÉS
Plusieurs hypothèses sont proposées pour expliquer le faible nombre de cas de dermatite de contact allergique (DCA) induite par les cosmétiques DIY rapportés dans la littérature. La première est l’éviction de l’allergène par le patient qui, ayant créé lui-même le produit, détermine rapidement le coupable et ne consulte pas. La deuxième hypothèse est que le patient ne juge pas nécessaire d’apporter ces produits pour les tests épicutanés. D’où l’importance de l’anamnèse. La troisième hypothèse est liée à l’existence d’un biais potentiel dans les recherches puisque les produits DIY sont rapportés dans la littérature comme étant des produits « bios » et/ou « naturels », mais pas toujours home made. Dans la majorité des recettes, les ingrédients utilisés pour fabriquer les cosmétiques DIY sont présents dans la maison, en l’occurrence des aliments, des huiles essentielles, des protéines végétales ou animales et des plantes. Ce sont donc les principaux allergènes responsables de DCA. Les allergènes d’origine alimentaire à l’origine de cas actuellement rapportés sont le citron et la cannelle. Une patiente qui avait appliqué un cosmétique DIY pour peau séborrhéique contenant du jus et des zestes de citron a développé un eczéma du visage avec une atteinte périoculaire(2). Ses patch-tests se sont révélés positifs pour le baume du Pérou, son cosmétique et le zeste de citron. Plusieurs cas de DCA et d’irritation ont été signalés dans la presse chez des followers d’une blogueuse française qui avait partagé la recette d’un « masque visage » fabriqué avec du miel et de la cannelle. Cette épice a été suspectée d’avoir induit une DCA chez une adolescente ayant présenté une aggravation de sa dermatite atopique après la réalisation d’un gommage de même composition que le produit précédent(3). Sa responsabilité a été confirmée par les patch-tests positifs au fragrance-mix 1 qui contient de l’aldéhyde cinnamique ou cinnamol, principal composé de la cannelle.
Les huiles essentielles (HE) figurent en bonne place parmi les allergènes des cosmétiques DIY. Près d’un tiers des patients (30 %) en utilisent dans la fabrication de leurs cosmétiques(4), en particulier les HE de lavande, de thé, de bois de rose et de carotte(5). La littérature fait état d’un cas d’eczéma du visage chez une jeune fille évoluant depuis plus de 2 ans dans un contexte atopique(6). Elle utilisait des HE de lavande à la fois pour des soins capillaires et en diffusion. Ses patch-tests sont revenus positifs notamment au linalol. Aucun cas de DCA aux protéines végétales et animales dans les cosmétiques DIY n’a encore été rapporté. On sait toutefois qu’une sensibilisation percutanée peut être à l’origine d’une réaction d’hypersensibilité immédiate après la consommation de certains aliments. Ce phénomène a été observé chez une patiente de 46 ans qui avait réalisé des masques capillaires à base de blanc d’œuf pendant plus d’un an et avait présenté une rhinite et une urticaire généralisée après avoir consommé des œufs(7).
DERMATITES D’IRRITATION ET AUTRES DERMATOSES
Outre les DCA, les cosmétiques DIY peuvent être en cause dans des dermatites d’irritation con sécutives à un surdosage d’ingrédients. Celui-ci est facilité par le fait que le dosage des recettes est exprimé en cuillère à soupe ou à café, dont la contenance est très variable. Le surdosage non seulement n’améliore pas la formule, mais il peut accroître les effets secondaires. Il existe aussi un risque d’irritation lors de la fabrication des savons, car la technique de saponification à froid nécessite d’utiliser des produits assez caustiques comme l’hydroxyde de sodium ou de potassium. On a également décrit des phytophotodermatoses dues à des lotions de bronzage à base de feuilles de thé et de jus de citron ou de feuilles de figuier. Deux cas ont été rapportés avec des produits d’une autre composition : l’un, après l’utilisation d’un shampooing fabriqué avec des herbes chinoises(8) et le second provoqué par un produit antipoux maison contenant une plante de la famille des rutacées (Ruta graveolens)(9). D’autres dangers des cosmétiques DIY résultent de la toxicité des plantes(10,11), du risque d’infections mycosiques(12) et bactériennes lié à l’absence de conservateurs et de l’absence d’effet comme démontré pour des produits considérés comme étant des crèmes solaires(13).
D’après la présentation d’A. Herman, université catholique de Louvain, Belgique
44e cours du GERDA, 28 septembre 2023.
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