Nouveaux allergènes de contact : une présence tous azimuts

RÉSINES ÉPOXY ET ACRYLATES   Les résines époxy (durcisseurs et diluants) ont une place importante dans les allergies de contact professionnelles, notamment chez les ouvriers du BTP (peintres, plombiers, carreleurs, etc.) et plus récemment chez les travailleurs de l’industrie des éoliennes. Le triméthylolpropane poly(oxypropylène)triamine, présent dans les systèmes de résine époxy et dans les liquides de refroidissement, est un tout nouvel allergène de contact. Dans un contexte professionnel, sont également incriminés l’alcool benzylique et le diméthylaminopropylamine utilisés comme diluants et que l’on retrouve également dans des produits cosmétiques. À noter que l’alcool benzylique est aussi présent dans des médicaments injectables et des dispositifs comme le gel pour les échographies et que le diméthylaminopropylamine est l’allergène de la bétaïne de cocamidopropyle présent dans les produits cosmétiques rinse-off (appliqués sur la peau et les cheveux puis rincés) et leave-on (sans rinçage). Sur le plan clinique, les résines époxy peuvent provoquer l’apparition de dermatites aérogènes à type d’angiœdème, d’asthmes professionnels, d’allergie de type immédiat et, en cas d’eczéma de contact des mains, une atteinte des ongles(1) et des troubles de la sensibilité à type de paresthésies. Le Pr Olivier Aerts souligne aussi la présence de résines époxy dans les matériels de bricolage (y compris pour les enfants) et dans les impressions en 3D, utilisée notamment en orthopédie (prothèses et orthèses), ce qui pourrait constituer un facteur de risque des implants médicaux. Autres résines incriminées dans les dermatites de contact, les acrylates sont présents dans les produits pour stomie et les cartes à jouer (eczéma des mains). Parmi eux, le méthacrylate d’hydroxyéthyle et l’acrylate d’isobornyle, « usual suspects », sont déjà pointés du doigt dans de nombreuses publications et entrent dans la composition de gels pour les ongles ou dans les cigarettes électroniques.   DÉRIVÉS DE L’ACÉTOPHÉNONE   L’acétophénone azine (AA) est un allergène de contact puissant désormais connu, responsable de formes graves de dermatite de contact. Il est présent dans des produits du quotidien comme des articles de sport (protège-tibias) ou des chaussures qui contiennent de l’éthylène-acétate de vinyle, une mousse élastomère. D’autres dérivés de l’acétophénone (hydroxyacétophénone et résacétophénone) sont également responsables de dermatites de contact graves, mentionnées en Espagne et au Royaume-Uni(2-5). Ils sont présents respectivement dans des cosmétiques anti-âge et des antifongiques topiques. Problème : l’acétophénone azine n’est pas commercialisée pour des patch-tests à ce jour.   ANTIOXYDANTS   Les antioxydants entrent dans la composition de nombreux produits de consommation et de dispositifs médicaux. Le 2-tert-butyl-5-méthylphénol est un antioxydant soufré retrouvé dans des gants chirurgicaux en latex, les rubans adhésifs chirurgicaux, les adhésifs et les pansements (Steri-Strip®, Tegaderm film® ou EMLApatch®). Élus « allergènes de l’année 2024 » aux États-Unis(6), les sulfites sont des antioxydants présents dans de nombreux produits de consommation, dans des dispositifs médicaux et dans des cosmétiques (même pour peau sensible). Ils sont parfois responsables de tableaux cliniques atypiques, précise le Pr Aerts, comme un gonflement unilatéral épisodique de la lèvre(7). Nommons aussi les dérivés du tert-butylphénol, que l’on retrouve entre autres dans des dispositifs médicaux (DM) pour diabétiques, des produits alimentaires et des cosmétiques, et les salicylates responsable d’eczémas de contact, voire d’urticaires de contact. Ces derniers, dérivés de l’acide salicylique, sont présents dans des cosmétiques (parfums, produits capillaires ou pour les lèvres, laits solaires, etc.), des médicaments topiques et des DM. Les salicylates sont des allergènes sous-estimés dans les adhésifs et DM et contribuent probablement à l’alopécie frontale fibrosante. Citons enfin l’acide alphalipoïque utilisé comme complément alimentaire et comme ingrédient anti-âge dans les cosmétiques, mais aussi dans certaines crèmes pharmaceutiques.   NOUVEAUX ALLERGÈNES DU CUIR ET DU CAOUTCHOUC   Outre les allergènes les plus connus du caoutchouc dans les gants – latex, thiurame, diphénylguanidine et benzothiazole –, qui sont responsables d’un eczéma (professionnel) des mains, une équipe suédoise a récemment découvert un nouvel allergène du caoutchouc : le diméthyldithiocarbamate de 2-cyanoéthyle, une substance formée de novo à partir de l’acrylonitrile(8). Cette substance présente dans les gants en nitrile ne l’est pas dans les gants en PVC, ce qui peut représenter pour les professionnels de santé une bonne alternative. Il peut s’avérer judicieux de penser aussi pour les gants aux conservateurs (benzisothiazolinones) et aux émulsifiants (alcools gras). Enfin, le Pr Aerts rapporte aussi la présence d’un allergène sous-estimé, le 2-(thiocyanométhylthio)benzothiazole, présent dans les articles en cuir, y compris dans les canapés, et responsable d’eczéma de contact (« sofa dermatitis »)(9).   NOUVEAUX ALLERGÈNES COSMÉTIQUES ET HUILES ESSENTIELLES   Le Pr Aerts rapporte l’existence de deux nouveaux allergènes cosmétiques notables retrouvés récemment dans des produits antiâge et des crèmes cicatrisantes : la phlorétine, un antioxydant d’origine végétale (pommier) et la Centella asiatica, un ingrédient végétal (herbe du tigre)(10-11). Les huiles essentielles sont également dans le viseur, car elles sont responsables chez les consommateurs comme chez les professionnels qui les emploient (masseurs, notamment) d’un nombre important et croissant d’eczémas de contact graves. Parallèlement aux réactions allergiques connues dues aux huiles essentielles de lavande ou d’arbre à thé, une étude française conclut aussi désormais à des réactions à Ravintsara et à Helichrysum(12). Et les patch-tests à base d’huiles essentielles diluées sont souvent faussement négatifs alors que les ROAT tests d’applications répétées mettent en évidence l’allergie, précise le Pr Aerts. À noter que les DM topiques qui ne sont pas soumis à la législation des cosmétiques ou des médicaments, comme les gels échographiques, les gels antiinflammatoires, les gels vaginaux ou les produits solaires, peuvent eux aussi contenir des parfums et des huiles essentielles et induire des réactions chez le patient. Les composants individuels les plus fréquents sont l’alcool benzylique et le limonène. La carvone (composant de la menthe) que l’on retrouve dans des produits alimentaires (bonbons, chewing-gums), des boissons, le tabac ou des produits de soins dentaires (dentifrice, bains de bouche) est aussi dans le collimateur tout comme l’or, pour lequel il peut y avoir une cosensibilisation. Enfin, les isothiazolinones sont plus en plus souvent rapportés comme allergènes non cosmétiques lorsqu’ils entrent dans la composition de bains de bouche ou de pommades antihémorroïdaires. Des dermatites de contact dues à des graisses (cire d’abeille ou beurre de karité), au cannabis et à des huiles dérivées ont également été rapportées chez des consommateurs et des professionnels (agents de police, scientifiques, etc.) ainsi que – pour le cannabis – des eczémas de contact, des cas d’érythème polymorphe, d’érythème pigmenté fixe ou de pustulose exanthématique aiguë généralisée(13,14). D’après la présentation du Pr O. Aerts (hôpital universitaire d’Anvers, Belgique), « Top 5 des nouveaux allergènes », GERDA 2024.