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Publié le 14 juin 2015Lecture 5 min

La lèpre : un diagnostic parfois méconnu

La lèpre ou maladie de Hansen, contrairement à une idée largement répandue, sévit toujours à l’état endémique dans certaines régions du monde. Nous rapportons deux cas de lèpre où prédominent, dans l’un, la symptomatologie neurologique et articulaire et, dans l’autre, la symptomatologie cutanée. Le diagnostic positif de ces deux observations a été méconnu par leurs médecins généralistes d’où le retard de prise en charge. La lèpre est une maladie infectieuse, endémique dans de nombreuses régions du monde, contagieuse, essentiellement humaine et chronique, causée par Mycobacterium leprae (1). Cette infection est plus responsable d’une « maladie à spectre » que d’une entité clinique simple, en raison d’un polymorphisme clinique important, dépendant de l’intensité de la réponse immune antilépreuse (2).
H. ZIAT, S. GALLOUJ, FZ. AGHERBI, M. MEZIANE, O. MIKOU, FZ. MERNISSI, Service de dermatologie, CHU Hassan II, Fès – Maroc La lèpre ou maladie de Hansen, contrairement à une idée largement répandue, sévit toujours à l’état endémique dans certaines régions du monde. Nous rapportons deux cas de lèpre où prédominent, dans l’un, la symptomatologie neurologique et articulaire et, dans l’autre, la symptomatologie cutanée. Le diagnostic positif de ces deux observations a été méconnu par leurs médecins généralistes d’où le retard de prise en charge. La lèpre est une maladie infectieuse, endémique dans de nombreuses régions du monde, contagieuse, essentiellement humaine et chronique, causée par Mycobacterium leprae (1). Cette infection est plus responsable d’une « maladie à spectre » que d’une entité clinique simple, en raison d’un polymorphisme clinique important, dépendant de l’intensité de la réponse immune antilépreuse (2). Sa symptomatologie clinique est conditionnée par les modalités de réponse du système immunitaire. Elle atteint préférentiellement la peau et certains nerfs périphériques (3), ce qui rend son diagnostic positif un peu difficile surtout pour les non-dermatologues. Nous rapportons deux cas de lèpre dont le diagnostic positif a été méconnu par les médecins généralistes, d’où le retard de prise en charge. Observations Cas 1 Monsieur A.M., âgé de 54 ans, sans antécédents pathologiques notables, nous a été adressé par son médecin généraliste qui, suspectant une polyarthrite rhumatoïde, l’a mis sous corticothérapie orale pour une éventuelle prise en charge des ulcérations des mains et des pieds. Il présentait depuis quatre mois des arthralgies d’allure inflammatoire des articulations interphalangiennes distales diffuses des deux mains, associées à des ulcérations indolores des mains et des pieds. Un examen clinique attentif a objectivé un faciès léonin, une anesthésie en gants et en chaussettes associée à des maux perforants plantaires, une griffe cubitale (figure 1a) avec amyotrophie de type AranDuchenne, ainsi que quatre placards hypopigmentés hypoesthésiques à bordure érythémateuse au niveau tronculaire (figure 1b). Une biopsie cutanée a objectivé un infiltrat nodulaire à disposition périannexielle et surtout péri nerveuse, fait de cellules histiocytaires à différenciation épithéloïde et de nombreux lymphocytes souvent disposés en couronne. Les filets nerveux cutanés sont infiltrés. Le diagnostic de lèpre tuberculoïde a été posé et le patient adressé au centre de léprologie pour recevoir un éventuel traitement. Cas 2 Monsieur M.H., âgé de 34 ans, sans antécédents pathologiques notables, nous est adressé par son médecin généraliste qui, suspectant un eczéma, l’a mis sous corticothérapie orale, pour une éventuelle prise en charge de sa dermatose réfractaire au traitement. Il présentait des papulo-nodules légèrement érythémateux disséminés sur tout le corps sans trouble de sensibilité, évoluant depuis une année. Un examen clinique attentif a objectivé des lésions nombreuses, plus de 30, à type de macules de petite taille, de 0,5 à 2 cm de diamètre, de teinte érythémato-cuivrée, ainsi que de papulo-nodules de 1 à 2 cm de diamètre (figure 2). Ces lésions ne sont pas hypo-esthésiques. Sur le plan neurologique, une hypertrophie bilatérale, asymptomatique du nerf cubital a été objectivée. Une biopsie cutanée a montré un infiltrat dense constitué d’histiocytes à cytoplasme spumeux et de rares lymphocytes, respectant le derme superficiel dont il est séparé par bande de Unna. Il a une disposition péricapillaire, périannexielle et périnerveuse, non destructrice. Les filets nerveux sont simplement épaissis « en pelure d’oignon ». Le diagnostic de lèpre lépromateuse a été retenu et le patient adressé au centre de léprologie pour traitement. Discussion La prévalence de la lèpre a considérablement diminué depuis l’application des nouvelles stratégies antilépreuses préconisées depuis 1982 par l’Organisation mondiale de la Santé(4). Elle est encore la seconde mycobactériose mondiale après la tuberculose, avec 254 525 nouveaux cas en 2007(5). L’atteinte nerveuse est responsable de troubles sensitifs, moteurs et trophiques observés aux extrémités et en particulier aux pieds, ce qui est le cas de notre premier patient. Cette neuropathie évolue vers l’aggravation, avant traitement s’il n’est pas prescrit suffisamment tôt, mais aussi pendant ou après le traitement en raison de réactions immunologiques(6) qui consistent en l’association, à des degrés divers, d’anesthésies, de paralysies, de rétractions, de déformations, de destructions ostéoarticulaires, de maux perforants plantaires et de surinfections(7). Elles peuvent aboutir à des infirmités définitives. Les diagnostics initialement posés sont souvent ceux de dermatoses banales : eczématides hypo chromiantes ou vitiligo hypo chromiant devant des lésions maculeuses hypochromiques ; granulome annulaire, dermatophytie ou psoriasis devant des lésions en placards infiltrés ou annulaires(8). Du fait de ce polymorphisme clinique illustré par nos deux observations où, dans le premier cas, la symptomatologie neurologique et articulaire est plus importante et la symptomatologie cutanée dans le second, et puisque la lèpre est une maladie non encore éradiquée totalement, il faut savoir l’évoquer. Le traitement spécifique associant plusieurs antibiotiques est rapidement efficace sur le bacille. Conclusion La lèpre reste une maladie infectieuse endémique, qu’il faut savoir évoquer devant des lésions cutanées, en particulier hypochromiques ou érythémato-violacées, même si elles sont normo-esthésiques. L’intérêt essentiel de ces deux observations est de rappeler cette affection parfois oubliée et de souligner l’importance d’un diagnostic précoce pour une guérison sans séquelle sous polyantibiothérapie prolongée. Références 1. Frémont G, Bourrat E, Mahé E, Flageul B. Lèpre de l’enfant : un diagnostic à ne pas méconnaître. Ann Dermatol Venereol 2010 ; 137 : 359-63. 2. Consigny PH, Matheron S. Lèpre ostéoarticulaire. Revue du rhumatisme 2003 ; 70 : 111-4. 3. Britton WJ, Lockwood DN. Leprosy. Lancet 2004 ; 363 : 1209-19. 4. de Sousa MW, Silva DC, Carneiro LR, Ferreira Almino ML, da Costa AL. Epidemiological Profile of Leprosy in the Brazilian state of Piauí between 2003 and 2008. An Bras Dermatol 2012 ; 87(3) : 389-95. 5. OMS. Le point sur la lèpre dans le monde, début 2008. Rel Epidémiol Heb 2008 ; 83(33) : 293-300. 6. Di Schino M et al. Lésions du pied dans la lèpre. EMC-Podologie Kinésithérapie 2004 ; 1 : 59-81. 7. Jardim MR, Antunes SL, Santops AR et al. Criteria for pure neural leprosy. J Neurol 2003 ; 250 : 806-9. 8. Détection et rechutes de la lèpre dans les DOM-TOM en 2007. Bull ALLF 2008 ; 23 : 7-8.

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