Publié le 17 fév 2016Lecture 8 min
Kératoses actiniques : la photothérapie dynamique en lumière du jour
La photothérapie dynamique (PDT) est l’une des modalités thérapeutiques les plus récentes de la kératose actinique. Cependant, la PDT en lumière du jour constitue un progrès supplémentaire. Il reste que le traitement de cette pathologie chronique nécessite de traiter parallèlement le champ de cancérisation.
Le champ de cancérisation désigne les zones de peau apparemment normales qui se situent autour des kératoses actiniques (KA), mais qui contiennent des cellules génétiquement modifiées susceptibles d’évoluer vers un carcinome cutané. Autrement dit, les KA sont la partie visible d’une pathologie plus profonde et plus large constituée de tissus altérés. Ces cellules infracliniques peuvent être détectées par fluorescence sous Metvixia® ou par microscopie confocale ou lors d’un traitement par imiquimod. Le principal pourvoyeur de kératoses actiniques est le rayonnement solaire : – les UVA pénètrent profondément dans la peau où, d’une part, ils altèrent le collagène et favorisent le photovieillissement et, d’autre part, produisent des réactifs oxygénés mutagènes ; – les UVB pénètrent moins profondément la peau, mais sont directement mutagènes. Les mutations de la protéine P53, « protectrice du génome » sont principalement celles qui apparaissent lors d’une exposition chronique de la peau au soleil. Mais il existe un continuum entre la peau exposée au soleil et le carcinome épidermoïde, passant par la kératose actinique. La prévalence des KA augmente avec l’âge, mais la fréquence avec laquelle la kératose actinique se transforme en carcinome épidermoïde n’est pas complètement identifiée. En revanche, on retrouve une kératose actinique dans 82,4 % des carcinomes épidermoïdes sur les zones photo-exposées. À noter que la fréquence des KA est multipliée par 250 chez les transplantés rénaux et son risque de transformation en carcinome épidermoïde est multiplié par 100. Sur une peau apparemment normale d’un champ de cancérisation, la PDT entraîne une diminution de la sévérité des atypies cellulaires, une réduction de l’expression de P53, une augmentation des dépôts de collagène et une réduction de l’élastose solaire. Ces résultats histologiques se traduisent par une amélioration clinique, une réduction du risque carcinogène et un « rajeunissement » de la peau. De même, l’action préventive de la PDT a été montrée chez des patients dont un hémi-visage a été traité par placebo, l’autre hémivisage par PDT : du côté traité, on observe au bout d’un an, comparativement au côté opposé, un ralentissement du développement des KA. En conclusion, les kératoses actiniques et leurs champs de cancérisation devraient être traités simultanément. L’apport de la photothérapie dynamique La PDT conventionnelle associe une protoporphyrine photosensibilisante, destinée à se concentrer dans les tissus à traiter, et l’irradiation par la lumière visible dont la longueur d’onde appropriée active la protoporphyrine. Cette association entraîne une réaction photodynamique qui provoque un stress oxydatif et aboutit à la mort cellulaire. Ainsi, dans la PDT, on applique sur la peau du méthyl aminolevulinate (Metvixia®) qui est un précurseur de la protoporphyrine IX, sélective pour les cellules tumorales. Les indications classiques de la PDT utilisant Metvixia® avec la lampe LED rouge (Aktilite®) sont : les kératoses actiniques fines, non hyperkératosiques, non pigmentées de la face et du cuir chevelu ; les carcinomes basocellulaires superficiels et la maladie de Bowen. Rappelons que le rouge est la longueur d’onde qui pénètre le plus profondément dans la peau. Cette PDT est contre-indiquée dans les carcinomes basocellulaires infiltrants/sclérodermiformes, en cas de porphyrie ou d’hypersensibilité au méthyl aminolevulinate (MAL). Les avantages de cette PDT classique, en dehors de son efficacité et de la sélectivité de son action, sont l’excellent résultat esthétique et les bénéfices à long terme dans les carcinomes basocellulaires. Il reste qu’elle nécessite un équipement spécifique, qu’elle demande une disponibilité et une durée longue des consultations et qu’elle entraîne une douleur souvent importante lors de l’illumination lors du traitement des KA de la face et du scalp. PDT en lumière du jour : une solution prometteuse La PDT en lumière du jour (ou Daylight PDT ou DL-PDT) utilise le même procédé que la PDT conventionnelle. Cependant, la protoporphyrine IX est produite et activée de façon continue par la lumière du jour en présence d’oxygène, alors que la PDT classique nécessite une incubation du produit pendant 3 heures. Ce nouveau protocole a pour conséquence une réduction considérable de la douleur. La DL-PDT nécessite la lumière visible, mais sans les UV, afin d’éviter les coups de soleil pendant l’exposition. Aussi est-il nécessaire d’associer un écran solaire comportant des filtres chimiques qui empêchent les UV de passer, mais qui ne supprime pas la lumière visible. Des études préliminaires effectuées en PDT ont montré que les résultats obtenus avec les deux techniques, conventionnelles ou en lumière du jour, sont comparables en termes d’efficacité sur les kératoses actiniques. Puis deux études randomisées multicentriques contrôlées (COMET 1 et 2) ont été réalisées dans deux régions différentes (Australie et Europe). Dans l’étude COMET 1, 100 patients ont été inclus (75 % d’hommes, d’âge moyen 67 ans) avec des antécédents de KA de 16 ans en moyenne. Les patients traités avaient une moitié du visage traitée par PDT classique, l’autre moitié traitée par DL-PDT et ils ont été exposés à la lumière du jour pendant 2 heures. Les patients avaient en moyenne 14 KA légères à modérées de chaque côté du visage ou sur le cuir chevelu. La DL-PDT a montré qu’elle n’était pas inférieure à la PDT classique, ce qui était l’un des deux objectifs principaux de l’étude : une réponse complète de la plupart des lésions à 12 semaines ; ou la plupart des lésions restant guéries à 6 mois. L’autre objectif concernant les effets indésirables a également été rempli : la DL-PDT est apparue comme nettement moins douloureuse que la PDT au point que 93 % des patients acceptaient l’idée de refaire une séance de DLPDT alors qu’ils n’étaient que 63 % dans l’autre groupe. COMET 2 est une étude européenne multicentrique (18 centres, 5 pays) qui a procédé de la même manière en comparant les deux modes de photothérapie dynamique. Les résultats ont été comparables à ceux obtenus dans l’étude COMET 1. Les résultats de ces deux études montrent que la DL-PDT est efficace à long terme et bien tolérée dans le traitement des KA légères à modérées du visage et du cuir chevelu, et ce, dans des régions du globe très différentes, à la fois en termes d’ensoleillement et de phototypes. Par ailleurs, la DL-PDT présente le grand avantage par rapport à la PDT classique de n’être pas douloureuse. Enfin, la technique est moins contraignante pour le patient d’une part, mais aussi pour le médecin qui n’a pas besoin d’un équipement spécifique. En pratique de ville Les avantages de la DL-PDT montrent tout l’intérêt de cette technique en pratique libérale : organisation plus facile, lassitude des séances de cryothérapie, pas de gestion des effets secondaires des topiques, pas d’anesthésie, pas d’incubation des 3 heures, moins de douleur pour le patient, satisfaction des patients, pas d’investissement dans un matériel idoine et pas de problème de cotation spécifique. Il reste au praticien de choisir la saisonnalité du traitement en fonction de la luminosité (mars à fin octobre) et d’expliquer au patient le mécanisme d’action du traitement et particulièrement le paradoxe qui consiste à se mettre à la lumière du jour pour être traité pour des lésions induites par le soleil. Il reste à s’assurer qu’il n’existe pas de contre-indication : lupus, lucite polymorphe, urticaire solaire, photodermatose, médicaments photosensibilisants. L’ordonnance, lors de la première consultation, comporte l’application d’une crème à l’urée à 30 % ou de l’acide salicylique entre 5 et 15 % le soir sur les lésions, 7 jours avant le rendez-vous pour la séance de DL-PDT, précise d’apporter un tube de Metvixia® et une crème solaire d’indice 50 en SPF sans filtres minéraux de type oxyde de titane ou de zinc. Lors de la seconde consultation, après curetage léger des lésions, on applique du Metvixia® et de la crème photoprotectrice et l’on demande au patient de s’exposer, dans un délai de 30 minutes, pendant 2 heures à la lumière du jour, même si le temps est légèrement couvert, voire couvert, en évitant les temps pluvieux, les zones d’ombre denses et les températures très basses (< 10 °C). Après l’exposition à la lumière du jour, on retirera le surplus de produit avec un nettoyant doux et l’on préconisera de couvrir les zones traitées (chapeau large) pendant les 24 heures qui suivent. Enfin, la visite de contrôle à 3 mois, permet de juger, suivant les résultats, l’intérêt d’une nouvelle séance à programmer ou d’une alternative thérapeutique. La DL-PDT apparaît donc comme un traitement facile, simple et efficace qui obtient facilement l’adhésion des patients, sans douleur. G. G. D’après les communications de N. Basset-Seguin (Hôpital Saint-Louis, Paris), J-P. Lacour (CHU de Nice), P. Beaulieu (Pontoise), lors d’un symposium des laboratoires Galderma
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