Publié le 30 juin 2016Lecture 11 min
Prise en charge du mélanome stade I à III - Actualisation des recommandations
G. GERTNER, d’après l’actualisation des recommandations du groupe de travail de la Société française de dermatologie (avril 2016)
À l’initiative de la Société française de dermatologie (SFD), un groupe de travail, présidé par Bernard Guillot (Montpellier) a procédé récemment à une actualisation des recommandations de la prise en charge du mélanome aux stades I à III. Nous en publions ici un résumé.
Au cours de l’année écoulée, plus de 11 000 nouveaux cas de mélanome ont été diagnostiqués en France et 1 672 décès par mélanome ont été enregistrés. Le pronostic est d’autant meilleur que le diagnostic est effectué à un stade précoce, sachant que, dans ce cas, la seule chirurgie suffit à le guérir. En revanche, les formes métastatiques sont de mauvais pronostic, malgré l’arrivée des thérapies ciblées et de l’immunothérapie. Même si l’incidence du mélanome est en forte augmentation, le taux de mortalité progresse moins vite. Ce phénomène s’explique par l’efficacité des campagnes de prévention et de dépistage précoce. Aussi, le souhait de la SFD a été de définir une prise en charge standardisée du mélanome, prise en charge susceptible d’assurer au malade les meilleures garanties de qualité au vu des données actuelles de la science. Le circuit de prise en charge des malades atteints de mélanome devrait inclure un passage systématique des dossiers en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP), un dispositif d’annonce du diagnostic et un Plan Personnalisé de Soin doit pouvoir être remis au patient. Cela devrait être de nature à homogénéiser les attitudes sur le territoire français. Il semble, en effet, exister une assez grande variabilité dans la prise en charge des malades et des discordances entre les recommandations et les pratiques. La variabilité concerne notamment les marges d’exérèse, la prescription d’interféron adjuvant et la pratique du ganglion sentinelle. Les discordances avec les recommandations portent essentiellement sur les procédures de surveillance et le recours aux examens complémentaires systématiques (tableau). Ces recommandations concernent les patients adultes atteints d’un mélanome cutané en stades I à III de la classification AJCC. Les mélanomes de l’enfant, les mélanomes oculaires ou muqueux ne rentrent pas dans le champ de ces recommandations, de même que les mélanomes non opérables ou avec métastases viscérales. Pour les mélanomes stade III inopérables et les mélanomes stade IV, des recommandations spécifiques ont été publiées en 2013 par l’INCa à la suite d’une demande de la SFD. Classification La mise à jour 2005 des recommandations avait proposé d’utiliser en pratique les 5e et 6e éditions de la classification AJCC/UICC. Actuellement, cette classification a fait elle-même l’objet d’une actualisation et le groupe de travail propose d’utiliser en pratique la 7e édition de la stratification AJCC/UICC. Cette édition comporte les modifications suivantes comparativement à la stratification précédente : – le niveau de Clark a disparu. L’index mitotique est pris en compte et remplace le niveau d’invasion de Clark dans les mélanomes de moins de 1 mm d’épaisseur ; – les micrométastases ganglionnaires détectées par immunohistochimie sont intégrées dans le groupe N1. En revanche, la classification des stades IV n’est pas modifiée. Marges d'exérèse Les données nouvelles comportant un essai randomisé et trois métaanalyses ne permettent pas de privilégier une marge d’exérèse large par rapport à un traitement plus conservateur. Par ailleurs, toutes les recommandations consultées, sauf les recommandations britanniques, considèrent qu’il n’y a pas de place pour des marges supérieures à 2 centimètres. Aussi, le groupe de travail recommande (Grade de recommandations B), pour un mélanome cutané primitif, d’adapter les marges d’exérèse latérales à la profondeur d’infiltration du mélanome selon le schéma suivant : – mélanome in situ : marge 0,5 cm ; – mélanome 0,1 - 1 mm : marge 1 cm ; – mélanome 1,1 - 2 mm : marge 1 à 2 cm ; – mélanome > 2 mm : marge 2 cm. Concernant la profondeur d’exérèse, en l’absence de données robustes, le groupe de travail propose de réaliser une exérèse jusqu’au fascia tout en le respectant (grade de recommandations C). Dans le mélanome de Dubreuilh, une marge de 1 centimètre est recommandée. Lorsque cette marge ne peut pas être respectée pour des raisons anatomiques et fonctionnelles, une marge de 0,5 est acceptable sous couvert d’un contrôle histologique strict des berges, c’est-à-dire chirurgie de Mohs ou équivalent ou chirurgie avec contrôle extemporané des berges ou chirurgie en deux temps (avis d’expert). Dans les très rares formes inopérables, l’utilisation de la radiothérapie ou de l’imiquimod (hors AMM) peut être discutée en RCP (avis d’expert). Analyse du ganglion sentinelle et place du curage ganglionnaire La technique du ganglion sentinelle permet une stratification précise des mélanomes. Il s’agit d’un marqueur pronostique indépendant fort. Cependant, cette procédure n’a pas démontré de bénéfice en survie globale. En conséquence, elle ne peut être considérée comme un standard. Dans les mélanomes de plus de 1 mm d’épaisseur, elle peut être proposée au malade en le prévenant de l’absence de bénéfice thérapeutique. Le groupe de travail considère donc que la pratique du ganglion sentinelle est une option dans les mélanomes de plus de 1 mm. Si elle est réalisée, elle doit être pratiquée dans un centre ayant l’expérience de cette technique. Elle n’est pas recommandée dans les mélanomes de moins de 1 mm (grade de recommandation A). Cette technique peut également être proposée dans le cadre d’essais cliniques, notamment en cas de traitement adjuvant (avis d’expert). Aussi, en l’absence de réalisation de la technique du ganglion sentinelle dans les mélanomes des stades I à II, le curage ganglionnaire systématique n’est pas recommandé (niveau de preuve A). Si la technique du ganglion sentinelle est réalisée, il n’y a, à ce jour, aucun argument pour privilégier un curage immédiat ou différé lors de la rechute clinique. Le groupe de travail propose de poursuivre l’attitude actuelle la plus souvent réalisée d’un curage immédiat (avis d’expert). Les traitements adjuvants Traitement systémique Le seul traitement systémique adjuvant qui se discute à l’heure actuelle est un traitement à base d’interféron (dans sa forme non pégylée) à faible dose. Les régimes d’interféron « forte dose » ne sont pas recommandés (grade de recommandation B). Le groupe de travail considère qu’au vu du progrès important pour le contrôle de la maladie que représenterait un traitement adjuvant efficace, il est légitime d’encourager les patients à participer à des essais thérapeutiques de qualité. Un bras observation reste un comparateur scientifiquement acceptable dans un essai randomisé testant un nouveau traitement adjuvant. Cependant, la surveillance sans traitement adjuvant est une option. Radiothérapie adjuvante des aires ganglionnaires après curage positif La radiothérapie adjuvante après curage N+ est une option à discuter en RCP, chez les patients à haut risque de récidive locale (présence d’une rupture capsulaire, ou nombre de ganglions positifs supérieur à 3 ou ganglion de plus de 3 cm de diamètre), non métastatiques à distance et non incluables dans des études de traitement adjuvant. (Dose de 48 - 50 Gy en fractionnement standard ; grade de recommandation B.) Perfusion de membre isolée Dans l’état actuel des connaissances, il n’est pas recommandé de proposer une chimiothérapie sur membre isolé dans les mélanomes localement avancés ou récidivants des membres (grade de recommandation C). Dans certains cas très sélectionnés, cette technique peut être discutée en RCP. Bilan initial • Lors de l’évaluation diagnostique initiale des stades IA et IB – Examen clinique complet notamment de tout le tégument et des aires ganglionnaires. – Aucun examen complémentaire systématique n’est recommandé (avis d’expert). • Lors de l’évaluation diagnostique initiale des stades IIA et IIB – Examen clinique complet, notamment de tout le tégument et des aires ganglionnaires. – Échographie ganglionnaire de l’aire de drainage (avis d’expert). • Lors de l’évaluation diagnostique initiale des stades IIC et IIIA – Examen clinique complet, notamment de tout le tégument et des aires ganglionnaires. – Échographie ganglionnaire de l’aire de drainage stade IIC. En option : examen d’imagerie par scanner cérébral et thoraco-abdomino-pelvien ou 18 FDG-TEP-TDM, notamment si la technique du ganglion sentinelle est proposée en stade IIC ou avant curage en stade IIIA (avis d’expert). • Lors de l’évaluation diagnostique initiale des stades IIIB et IIIC – Examen clinique complet de tout le tégument et des aires ganglionnaires. – Examen d’imagerie par 18 FDG-TEP-TDM ou scanner cérébral et thoraco-abdomino-pelvien (avis d’expert). Dans l’hypothèse où la technique du ganglion sentinelle, ou un traitement adjuvant par interféron faible dose sont proposés au malade, un bilan d’imagerie initial est à discuter au cas par cas (avis d’expert). Par ailleurs, il n’y a pas d’indication à réaliser systématiquement des marqueurs en immunohistochimie à visée pronostique pour les stades I-III dans l’état actuel des connaissances (grade de recommandation A). Recommandations dans le suivi des mélanomes Suivi des mélanomes stades IA et IB Le groupe de travail recommande : – Un suivi clinique complet (notamment de tout le tégument et des aires ganglionnaires) seul avec 2 visites par an pendant 3 ans, puis annuel à vie. – L’éducation du patient à l’autodépistage d’un nouveau mélanome et à l’autodétection d’une récidive. – Un rappel des conseils de photoprotection. Il n’y a pas d’indication à des examens paracliniques de suivi à ce stade de la maladie (grade de recommandation C). Suivi des mélanomes de stades IIA et IIB Le groupe de travail recommande : – Un suivi clinique complet, notamment de tout le tégument et des aires ganglionnaires avec 2 à 4 visites par an pendant 3 ans, puis annuel à vie. – Une éducation du patient à l’autodépistage d’un nouveau mélanome et à l’autodétection d’une récidive. – Le rappel des conseils de photoprotection (grade de recommandation C). – Une échographie ganglionnaire de l’aire de drainage tous les 3 à 6 mois pendant 3 ans (grade de recommandation C). Il n’y a pas d’indication à une autre imagerie en l’absence de point d’appel clinique. Suivi des mélanomes de stade IIC et IIIA Le groupe de travail recommande : – Un suivi clinique complet, notamment de tout le tégument et des aires ganglionnaires avec 4 visites par an pendant 3 ans, 2 visites/an en 4e et 5e année, puis annuel à vie. – L’éducation du patient à l’autodépistage d’un nouveau mélanome et à l’autodétection d’une récidive. – Un rappel des conseils de photo protection (grade de recommandation C). – Une échographie ganglionnaire de l’aire de drainage tous les 3 à 6 mois pendant 3 ans (grade de recommandation C). En option : autres examens d’imagerie, scanner cérébral et thoraco-abdomino-pelvien ou 18 FDG-PET-TDM une fois par an pendant 3 ans. Suivi des mélanomes de stades IIIB et IIIC Le groupe de travail recommande : – Un suivi clinique complet, notamment de tout le tégument et des aires ganglionnaires avec 4 visites par an pendant 3 ans, 2 visites par an pendant les 4e et 5e années, puis annuel. – L’éducation du patient à l’autodépistage d’un nouveau mélanome et à l’autodétection d’une récidive. – Un rappel des conseils de photoprotection (grade de recommandation C). Ce suivi clinique sera à adapter en cas de traitement adjuvant. – Une échographie ganglionnaire de l’aire de drainage tous les 3 à 6 mois pendant 3 ans (grade de recommandation C). – La réalisation d’une imagerie complémentaire par scanner cérébral et thoraco-abdomino-pelvien ou 18 FDG-PET-TDM est proposée au malade tous les 6 mois pendant 3 ans (avis d’experts). Place de la dermoscopie dans le suivi des malades en stade I à III La dermoscopie est indiquée dans le suivi des patients atteints de mélanome, quel que soit le stade de la maladie. Son rythme ne peut être précisé (grade de recommandation B). Place des examens biologiques et identification de marqueurs d’évolution dans le suivi des patients présentant un mélanome cutané de stade I à III Il n’y a pas d’indication à un dosage systématique de la LDH ni de la PS100 sérique dans le diagnostic initial ou le suivi d’un mélanome de stade I à III (niveau B). La place exacte de ces marqueurs dans les stades III nécessite des études prospectives complémentaires (avis d’expert). Place des examens de biologie moléculaire (génotypage de la tumeur) Il n’y a pas d’indication à faire une recherche de mutation de BRAF sur les mélanomes primitifs à faible risque de rechute. Pour les mélanomes à fort risque de rechute (IIC) ou pour les mélanomes en stade III, la recherche de mutation peut être proposée (avis d’experts). La connaissance du statut mutationnel est indispensable au stade IV (niveau A). Elle peut être issue de l’analyse du génotypage réalisée sur la biopsie d’une métastase accessible ou par défaut, des ganglions du curage ou de la tumeur primitive si ce sont les seuls tissus disponibles.
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