Dermatologie générale
Publié le 25 oct 2018Lecture 6 min
Dominique-Elsa PENSO-ASSATHIANY, Issy-les-Moulineaux
La prévalence des verrues est difficile à évaluer, mais semble tourner autour de 30 % chez les enfants. Elle diminue avec l’âge pour atteindre 20 % chez les jeunes adultes. L’histoire naturelle des verrues est difficile à connaître, car l’HPV ne se cultive pas et le taux d’anticorps anti-HPV n’est pas quantifiable. Par ailleurs, l’HPV est épithéliotrope et n’a que peu de contact avec les cellules immunitaires circulantes, ce qui rend la réponse immune aléatoire. On sait, cependant que le traitement des verrues est moins efficace chez les patients immunodéprimés. Parmi les traitements, on peut distinguer les traitements purement kératolytiques, les traitements physiques (cryothérapie mais aussi lasers), et les traitements médicamenteux. Nous ne traiterons pas, ici, des verrues génitales.
Le traitement des verrues est souvent problématique. Les verrues sont le résultat de l’infection par Human Papillomavirus (HPV) dont le sous-type diffère en fonction de la localisation. Les verrues plantaires sont le plus souvent d’HPV 1 ou 2, 27,57. Au niveau plantaire, elles sont soit isolées (myrmécies) (figure 1), souvent plus profondes et douloureuses, soit en mosaïque, plus superficielles (figure 2). Au niveau des mains, elles sont isolées (figure 3), parfois péri-unguéales (figure 4). Elles sont alors de traitement plus compliqué par la proximité avec la matrice unguéale. Elles sont souvent planes sur le dos des mains ou le visage.
Figure 1. Verrues isolées du talon ou myrmécies.
Figure 2. Verrues en mosaïque.
Figures 3 et 4. Verrues profuses d’un doigt et péri-ungéales.
Plusieurs remarques s’imposent avant de détailler les traitements
• Qu’appelle-t-on guérison ? Est-ce la guérison sans récidive ? Dans quel délai sans récidive considère-t-on alors la guérison acquise ? Il n’y a pas de réponse à ces questions actuellement.
• On estime que chez l’adulte, 60 % des verrues guérissent spontanément en 2 ans.
• Le tabac semble jouer un rôle négatif sur l’efficacité du traitement des verrues. En effet, une étude italienne de P. L. Bencini et coll. parue en 2016(1) montre que le risque de récidive après traitement des verrues est multiplié par 5 chez les fumeurs en comparaison des non-fumeurs.
• Plusieurs études comparant l’efficacité des différents traitements ont été analysées dans une métaanalyse parue en 2011(2). Cette dernière déplore le manque d’études comparatives suffisamment bien faites pour élaborer des conclusions solides. Elle montre quand même une certaine efficacité de la cryothérapie agressive, surtout si elle est associée à un traitement kératolytique, et du 5-flurorouracile topique (ces résultats seront détaillés plus bas).
Les traitements
• Traitements classiques
Parmi les plus classiques, on trouve les traitements par cryothérapie plus ou moins appuyée et par kératolytiques. Pour les verrues plantaires, la cryothérapie, à l’aide de bâtonnet ou d’un cryojet d’azote liquide, consiste à traiter par le froid (-176 °C) en congelant les verrues. Les différentes études montrent qu’une application agressive de l’azote maintenue pendant 5 à 10 secondes et produisant un anneau de congélation de 2 mm autour de la verrue est plus efficace qu’une application plus courte, certes moins douloureuse. Des cycles d’application toutes les 2 à 3 semaines sont recommandés.
Certains auteurs associent, avant la cryothérapie, un traitement kératolytique composé d’acide salicylique à 40 % afin de décaper les verrues. Dans une étude sur l’efficacité des traitements en fonction des sous-types d’HPV et des localisations des verrues(3), les auteurs montrent que l’azote liquide appliqué de façon agressive sur les verrues plantaires est plutôt moins efficace que le traitement kératolytique seul, voire que l’abstention lorsque l’HPV 1 y est présent. Sur les autres localisations, en particulier les mains, ces mêmes auteurs montrent une meilleure efficacité de l’azote liquide par rapport à un traitement kératolytique et à l’abstention. L’hypothèse soulevée est celle liée à une couche cornée plus épaisse sur les plantes du pied que celle des mains.
Les traitements kératolytiques contiennent, pour la plupart, de l’acide salicylique. Il existe actuellement une forme commercialisée d’acide salicylique dans du suif de bœuf (pommade M.O. Cochon®) dont l’avantage sur les préparations est la stabilité, la reproductibilité et la plus longue période d’utilisation après ouverture. Dans leur étude, Sjoerd et coll.(3) montrent une meilleure efficacité sur les verrues plantaires par rapport à la cryothérapie. Elle est équivalente pour P. L. Bencini et coll.(1). Une étude a montré la persistance de l’HPV sur des dermatoscopes préalablement posés sur une verrue puis nettoyés par une solution hydro-alcoolique(4). Cette persistance de l’ADN viral témoigne de la difficulté à l’éliminer de la surface d’objets en contact avec les verrues. Il est d’usage de limer les verrues lors du traitement par kératolytique. Nous suggérons que ce limage s’effectue avec des morceaux jetables de lime à ongle en carton.
• Les lasers
On peut distinguer les lasers CO2 dont le but est de brûler la verrue, les lasers de type Er:Yag (2 940 nm) dont le but est de détruire la verrue en limitant l’effet thermique et les lasers à colorant pulsé dont la cible est l’hémoglobine. Le laser CO2 utilise deux modes d’action(5) : la destruction de la verrue avec une hémostase immédiate par son mode focalisé. Lorsqu’il est utilisé en mode défocalisation, il vaporise les couches épidermiques infectées par l’HPV.
La plupart des utilisateurs de laser CO2 utilisent les deux modes, focalisé et défocalisé. Selon les auteurs étudiés par J. Nguyen(5), les résultats iraient de 50 à 100 % de guérison. Cette méthode est utilisée à la fois sur les verrues plantaires récalcitrantes, mais aussi sur les verrues péri-unguéales où elle serait également efficace. Certains combinent ce traitement à l’utilisation préalable d’imiquimod. Les effets secondaires sont constitués de douleurs, cicatrisation longue, cicatrice. P. L. Bencini et coll.(1) montraient dans leur étude une efficacité de 48 %. Le laser Er:Yag permet d’obtenir un bon taux de rémission, variable d’une étude à l’autre, mais un taux de récidives de 24 %. Il est utilisé sur les verrues plantaires et péri-unguéales. Certains auteurs le couplent à une lampe LED émettant dans le rouge qui aurait pour cible l’HPV et améliorerait la cicatrisation. Ce laser semble mieux toléré, responsable de moins de problèmes de cicatrisation que le laser à CO2. Le laser à colorant pulsé émet entre 585 et 595 nm. Son utilisation repose sur l’hypothèse de la destruction des vaisseaux irrigant les verrues. Il a été suggéré qu’il pourrait aussi détruire l’HPV par son effet thermique. Dans leur étude, P. L. Bencini et coll.(1) constatent une bonne efficacité (74 % de guérison sans récidive à 24 semaines). J. Nguyen et coll.(5) rapportent des efficacités allant de 47 à 100 % selon les auteurs. Les durées d’impulsion et les fluences varient selon les études, de même que le nombre de séances. Mais ils rapportent également des études montrant l’absence de supériorité de ces techniques comparativement aux techniques conventionnelles (azote liquide ou vaseline salicylée). Le laser NdYag (1 064 nm) a également comme but de coaguler les vaisseaux de la verrue. Là aussi, les modalités d’utilisation varient d’un auteur à l’autre avec des taux de succès également variables. Parmi les lasers, c’est le laser à colorant pulsé qui donne le moins d’effets indésirables (douleur, cicatrisation).
• Les traitements médicamenteux
Les traitements médicamenteux tels que l’imiquimod topique, le 5-fluorouracile, la bléomycine intralésionnelle peuvent être également utilisés. Ils sont hors AMM. Dans leur métaanalyse, C. S. Kwok et coll.(2) ont montré l’intérêt d’une étude comparant le 5FU topique et intralésionnel au placebo. L’efficacité du 5FU était 4 fois plus élevée que celle du placebo. Toutefois, peu d’études portent de façon randomisée sur ces médicaments topiques. L’étude VRAIE a porté sur le traitement des verrues plan taires. Elle a été réalisée en France métropolitaine et a comparé, après une phase de traitement kératolytique (pommade M.O. Cochon®), 4 branches : poursuite du traitement kératolytique, azote liquide agressif, 5 FU topique et imiquimod. L’analyse des données est actuellement en cours.
Conclusion
La difficulté de l’évaluation des différents traitements décrits tient à l’impossibilité de faire des études en aveugle. Cependant, les études randomisées sont possibles mais doivent inclure un grand nombre de patients dans chaque bras avec des sévérités de verrues comparables pour pouvoir être interprétables. Il est difficile de savoir quelle est la meilleure méthode de traitement pour les verrues, ce d’autant que toutes études confondues, le traitement par placebo est efficace dans 30 % des cas. Il faut donc savoir, si nécessaire, les utiliser et en changer en cas d’échec, si les verrues sont gênantes ou douloureuses. Si elles ne le sont pas, on peut s’interroger sur l’intérêt réel de chercher à les faire disparaître absolument, du prix à payer en termes d’inconvénients pour les patients de traitements douloureux, souvent longs et parfois chers.
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