publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Dermatite atopique, Eczéma

Publié le 14 déc 2021Lecture 11 min

Les principales dermatoses du scrotum

Jean-Noël DAUENDORFFER, service de dermatologie, hôpital Saint-Louis, Paris

Les dermatoses du scrotum sont nombreuses. Elles regroupent des dermatoses spécifiques à cette localisation (syndrome du scrotum rouge, scrotodynie…), des dermatoses génitales présentes également sur le pénis et la vulve (néoplasies intra-épithéliales, maladie de Paget extra-mammaire), et des dermatoses communes à l’ensemble du tégument (psoriasis, lichen plan…). Leur prise en charge nécessite de connaître au préalable les variations physiologiques du scrotum et de prendre en compte le retentissement psychologique particulier des dermatoses dans leur localisation génitale (altération de la qualité de vie, dysfonction sexuelle).

LES VARIATIONS PHYSIOLOGIQUES DU SCROTUM Hyperpigmentation L’hyperpigmentation du raphé médian correspond à une variation physiologique présente chez 86 % des hommes (figure 1)(1). Elle est plus fréquente dans sa partie scrotale que pénienne, sous la forme d’une bande pigmentée asymptomatique cheminant longitudinalement sur la partie médiane et ventrale du fourreau du pénis et sur la partie médiane du scrotum. Une hyperpigmentation de la peau scrotale par rapport au reste du tégument est par ailleurs habituelle (figure 2). Angiokératomes Les angiokératomes du scrotum correspondent à des papules angiomateuses plus ou moins kératosiques, le plus souvent asymptomatiques, mais possiblement douloureuses en cas de thrombose (figures 3, 4). Si leur prévalence et leur nombre augmentent avec l’âge, leur profusion et leur extension au delà des OGE doivent faire rechercher une maladie de Fabry. Le lien entre angiokératomes du scrotum et varicocèle sous-jacente n’est pas clairement établi, du fait d’études aux résultats contradictoires. Une demande de correction à visée esthétique peut être souhaitée par certains patients. Leur correction peut être réalisée en prenant soin au préalable de rassurer les patients en affirmant leur caractère physiologique. Leur traitement peut faire appel à l’électrocoagulation ou aux lasers vasculaires, avec une meilleure efficacité du laser ND : YAG par rapport au laser à colorant pulsé, probablement du fait d’une moindre pénétration tissulaire de ce dernier(2) (figure 5). Hyperlaxité scrotale Une hyperlaxité du scrotum s’observe occasionnellement, source de gêne lors de la pratique de certaines activités sportives comme le cyclisme. Une correction chirurgicale de type « lifting » du scrotum peut être discutée. LES ANOMALIES DU RAPHÉ MÉDIAN SCROTAL(3) Kyste du raphé médian Les kystes du raphé médian peuvent apparaître tout au long du raphé, du méat urétral jusqu’à l’anus. Ils sont uniques ou multiples, et dans ce cas, contigus (constituant alors un canal [figure 6] ) ou séparés. Rarement visibles à la naissance, leur taille est croissante de l’enfance à l’âge adulte, constituant un motif de consultation parfois tardif, notamment du fait de la gêne esthétique ou des complications possibles (gêne mécanique lors des rapports sexuels, inflammation, surinfection). Cliniquement, on observe une papule ou un nodule de surface lisse, couleur peau normale, parfois translucide. Leur prise en charge est réalisée par exérèse chirurgicale simple puis suture directe. En cas de kyste de petite taille et non gênant, on peut proposer une simple incision du kyste (possiblement suivie d’une électrocoagulation) ou une abstention thérapeutique. Autres anomalies du raphé médian La déviation du raphé médian peut être isolée ou associée à un hypospadias (figure 7). Dans une étude portant sur 80 enfants avec hypospadias et 80 cas contrôles, une déviation du raphé médian était observée dans respectivement 88,8 % et 13,7 % des cas. Une déviation à droite serait plus susceptible d’être associée à un hypospadias qu’une déviation à gauche. La division du raphé médian est une anomalie rare, affectant le raphé en un ou plusieurs points, laissant apparaître entre les deux « branches » du raphé une zone de peau normale ou hyperpigmentée (figure 8). La division peut être progressivement extensive, amenant le patient à consulter. Elle peut être isolée et discrète ou s’associer à d’autres anomalies congénitales de la fusion embryonnaire comme le scrotum bifide (par défaut de fusion de plis labio-scrotaux) et l’hypospadias (par défaut de fusion des plis urétraux). Un sinus est défini par un canal borgne bordé par un épithélium. Contrairement au sinus pénoscrotal acquis (secondaire à une infection par fistulisation), le sinus congénital médian est rare (figure 9). Il peut être asymptomatique ou se compliquer d’un écoulement ou de douleurs (en cas de surinfection). Une antibiothérapie est indiquée en cas d’écoulement purulent, le traitement définitif étant chirurgical. Les diagnostics différentiels à considérer sont représentés par des fistulisations secondaires à une hidrosadénite suppurée (maladie de Verneuil), à une orchiépididymite infectieuse (notamment tuberculeuse) ou à un abcès scrotal. LES DERMATOSES INFLAMMATOIRES DU SCROTUM Le psoriasis génital est fréquent, puisque sa prévalence a été récemment évaluée à 43 % dans une étude prospective française(4) . L’atteinte du scrotum est fréquente, non (figure 10) ou peu squameuse (figure 11) du fait de l’humidité locale, souvent prurigineuse, parfois fissuraire. La particularité du psoriasis génital est d’être associée à une altération plus importante de la qualité de vie générale et sexuelle que le psoriasis extra-génital. Les topiques dermocorticoïdes sont habituellement bien tolérés, contrairement aux dérivés de la vitamine D qui gardent un intérêt en cas d’association du psoriasis à des condylomes. La photothérapie, UVA ou UVB, est contre indiquée du fait d’un risque majoré dose-dépendant de carcinome épidermoïde cutané photo-induit. De nombreuses autres dermatoses inflammatoires peuvent se localiser au scrotum, comme le vitiligo (figure 12), l’eczéma (dermatite atopique [figure 13] ou eczéma de contact), le lichen plan (figure 14), la maladie de Hailey-Hailey… LES DERMATOSES INFECTIEUSES DU SCROTUM Le scrotum peut être le siège d’infections bactériennes (chancre syphilitique [figure 15], impétigo [figure 16], trichobactériose [figure 17]…), virales (condylomes [figures 18 et 19], primo-infection ou récurrence herpétique, herpès pseudo-tumoral [figure 20], zona, molluscum contagiosum [figure 21]…), fongiques (candidose [figure 22], dermatophytie) ou ectoparasitaires (gale [figure 23], morpions [figure 24]) dont la prise en charge n’est pas spécifique pour le scrotum et qui ne seront donc pas approfondies dans cet article. D’autres, sans en être exclusives, sont plus spécifiques du scrotum et méritent d’être développées. Tumeur de Buschke-Lowenstein La tumeur de Buschke-Lowenstein (ou condylome géant) est une tumeur épithéliale décrite par Buschke et Lowenstein en 1925(5). Elle se distingue d’un condylome acuminé par sa taille, son potentiel de refoulement des tissus avoisinants et le risque de transformation en carcinome épidermoïde invasif. L’absence de rupture de la membrane basale dermo-épidermique et l’absence d’évolution métastatique (en l’absence de transformation en carcinome épidermoïde) la différencient du carcinome épidermoïde auquel elle peut ressembler cliniquement. Il s’agit d’une tumeur verruqueuse exophytique affectant plus fréquemment l’homme (sex-ratio : 2,3), avec une prédilection pour les zones génitales, périanales et périnéales (figure 25). L’IRM du pénis et du scrotum, voire l’IRM ou le scanner du pelvis sont indiqués afin d’évaluer l’invasion locale de la tumeur et de guider le geste chirurgical. Le traitement chirurgical de la TBL repose sur l’exérèse complète de la lésion avec marge d’exérèse large, quoique non codifiée, afin de diminuer le risque de récidive locale qui reste important même en cas d’exérèse cliniquement et histologiquement complète. La vaporisation au laser CO2 , moins mutilante que l’exérèse chirurgicale classique, n’a été rapportée qu’au travers de quelques cas cliniques, dont certains avec une absence de récidive après un recul de 10 ans. Une transformation en carcinome épidermoïde invasif peut survenir tardivement, après plusieurs années d’évolution et expose au risque d’évolution métastatique ganglionnaire et viscérale. Érysipèle du scrotum(6) L’érysipèle se caractérise par un œdème aigu inflammatoire du scrotum, parfois douloureux. Des signes régionaux (adénopathies inguinales) ou généraux (fièvre) doivent être recherchés. Parallèlement aux facteurs de risques généraux partagés avec l’érysipèle de jambe (diabète, immunosuppression, alcoolisme), des facteurs locaux spécifiques à la localisation scrotale ont été décrits : dermatose sousjacente, rasage, chirurgie, traumatisme, lymphœdème chronique pénoscrotal (figure 26). Le traitement repose sur une antibiothérapie active sur les germes habituellement responsables, à savoir les streptocoques bêta-hémolytiques : amoxicilline 3 à 4,5 g par jour per os (en cas d’allergie aux pénicillines : pristinamycine ou clindamycine). En cas d’érysipèle survenant au décours d’un rapport sexuel, le traitement antibiotique reposera sur l’association amoxicilline/acide clavulanique, actifs non seulement sur les bactéries habituelles de l’érysipèle génital (streptocoques bêta-hémolytiques), mais aussi sur les bactéries Gram-négatives et les bactéries anaérobies. Gangrène de Fournier(7) La gangrène de Fournier est une infection sévère engageant le pronostic vital consistant en une dermo-hypodermite bactérienne nécrosante génitale, périnéale et périanale. Elle constitue une urgence médico-chirurgicale dont le pronostic est corrélé à la rapidité de la prise en charge. Elle survient quasiment exclusivement chez les sujets masculins, le plus souvent immunodéprimés, à partir d’une porte d’entrée colorectale ou génito-urinaire. La phase de nécrose est précédée par une phase fugace comportant un érythème ou un œdème du scrotum et/ou du pénis, associé à des signes généraux (fièvre inconstante, hypothermie, frissons, irritabilité, lombalgies). Le diagnostic différentiel entre l’érysipèle et la gangrène périnéale de Fournier se pose lors de la phase précoce pré-nécrotique de celle-ci. Le bilan étiologique repose sur un scanner pelvien qui pourra également objectiver des collections aériques possibles, même en l’absence de crépitations à l’examen clinique. L’infection est le plus souvent polymicrobienne, associant des bactéries aérobies et anaérobies. Le traitement en urgence comprend donc une triple antibiothérapie associant une bêta-lactamine, un aminoside et le metronidazole, un débridement chirurgical au bloc opératoire sous anesthésie générale et des mesures de réanimation médicale. DERMATOSES TUMORALES BÉNIGNES Kystes épidermiques scrotaux Les kystes épidermiques du scrotum sont fréquents. Ils sont d’origine folliculaire, d’où leur localisation préférentielle sur le scrotum et doivent être distingués d’une calcinose scrotale (figure 27 A). Leur inflammation est possible, mais rare. Leur exérèse peut être souhaitée par le patient, en particulier lorsqu’ils sont nombreux, à l’origine d’une gêne esthétique, mais aussi fonctionnelle (sensation de pesanteur du scrotum, douleur lors des activités sportives). Une exérèse chirurgicale sous anesthésie locale peut être proposée, parfois en monobloc en cas de kystes multiples contigus. Une exérèse s’aidant du laser CO2 peut constituer une alternative à l’exérèse chirurgicale classique, plus rapide et moins hémorragique que l’exérèse chirurgicale lorsque les kystes sont nombreux (figure 27 B). LES DERMATOSES TUMORALES PRÉ-CANCÉREUSES ET CANCÉREUSES Néoplasies intra-épithéliales(8) Les néoplasies intra-épithéliales (NIE) sont des lésions génitales définies sur le plan histologique par la présence d’atypies cytologiques et architecturales intraépithéliales et pouvant évoluer vers un carcinome épidermoïde invasif. Il est d’usage de distinguer histologiquement les NIE bowénoïdes (maladie de Bowen et papulose bowénoïde) et les NIE différenciées, les premières étant liées à une infection à papillomavirus (HPV 16 essentiellement), les secondes survenant le plus souvent sur une dermatose pénienne chronique (lichen scléreux voire lichen plan). L’atteinte scrotale est plus rare que l’atteinte pénienne et concerne plus particulièrement la papulose bowénoïde (figure 28). Le caractère volontiers multifocal des lésions de papulose bowénoïde rend l’exérèse chirurgicale le plus souvent inadaptée. La stratégie de traitement est identique à celle des condylomes, quoique les résistances aux traitements locaux habituels (cryothérapie et imiquimod notamment) et les récidives soient plus fréquentes en cas de papulose bowénoïde, expliquant la fréquente nécessité de recourir à une vaporisation au laser CO2. Maladie de Paget du scrotum La maladie de Paget extramammaire (MPEM) du scrotum peut être associée à un adénocarcinome viscéral sous-jacent ou se compliquer d’une extension annexielle invasive (MPEM invasive avec risque d’évolution métastatique) (figure 29). Le traitement de référence de toute MPEM repose sur l’exérèse chirurgicale, car seule l’étude histologique de toute la surface lésionnelle permet d’éliminer une zone invasive. Le laser CO2 ne permet pas d’atteindre en profondeur l’ensemble des annexes pilosébacées, ce qui explique les récidives fréquentes. Il ne permet pas non plus de déceler une zone invasive, du fait de l’absence d’examen histologique de l’ensemble de la pièce d’exérèse. Son utilisation nécessite donc d’être discutée en RCP. AUTRES DERMATOSES SCROTALES Prurit scrotal Le prurit scrotal chronique est un motif fréquent de consultation, à l’origine d’une altération de la qualité de vie. Ce prurit est dit idiopathique ou essentiel en l’absence de cause locale inflammatoire (eczéma de contact, dermatite atopique, psoriasis…), infectieuse (gale, morpions, érythrasma, trichobactériose…), tumorale bénigne (acanthomes épidermolytiques…) ou maligne (maladie de Paget) et de cause systémique (figure 30). Ce prurit scrotal idiopathique pourrait être neurogène ou psychogène ou être en rapport avec un terrain atopique sousjacent. Il peut être nu ou associé à des lésions de grattage (excoriations et/ou li - chénification) (figure 31). Le traitement empirique repose sur les dermocorticoïdes. En cas d’échec, de nombreux traitements ont été proposés, mais nécessiteraient d’être mieux évalués : tacrolimus (hors AMM), capsaïcine, antihistaminiques, traitements antineuropathiques… Syndrome du scrotum rouge Le syndrome du scrotum rouge se traduit par des flushs douloureux (à type de brûlure) atteignant le scrotum, parfois associés à un érythème permanent du scrotum (figure 32), celui-ci devant être différencié d’un érythème scrotal physiologique asymptomatique (figure 33). Il pourrait correspondre à une localisation scrotale de rosacée ou d’érythermalgie ou à une neuropathie (hypothèse neuro-vasculaire). Le diagnostic est clinique, sans nécessiter de recours à la biopsie du scrotum. Le traitement repose sur l’arrêt des dermocorticoïdes lorsque ceux-ci ont été prescrits dans l’hypothèse d’un eczéma ou d’un psoriasis, et sur l’utilisation d’un traitement oral par doxycycline ou traitement anti-neuropathique (amitryptiline, gabapentine ou prégabaline). L’efficacité d’un bêta-bloquant, le carvédilol, a été rapportée, mais mérite d’être confirmée(9). Scrotodynie La scrotodynie, analogue chez l’homme de la vulvodynie féminine, correspond à une sensation de douleur ou de brûlure cutanée du scrotum, contrastant avec un examen physique cutané strictement normal. Elle peut être isolée ou associée à une pénodynie, réalisant une pénoscrotydynie. Le diagnostic repose sur l’exclusion des autres causes de douleurs scrotales chroniques : – une douleur projetée, perçue sur le scrotum, mais ayant une origine vésicale (syndrome douloureux vésical), prostatique (prostatite chronique/syndrome douloureux pelvien chronique) ou musculo-squelettique (souvent accompagnée de douleurs testiculaires) ; – une douleur neuropathique : névralgie pudendale par compression du nerf pudendal (ou nerf honteux interne) dans le canal d’Alcock à évoquer lorsque la symptomatologie est unilatérale, à type de brûlures. L’atteinte peut s’étendre à l’ensemble du territoire innervé par le nerf pudendal, allant du pénis à l’anus. Une exploration neuroradiologique (IRM rachidienne et pelvienne) doit être réalisée en cas de paresthésies, de troubles sphinctériens et d’anomalies à l’examen neurologique clinique (hypoesthésie, anomalies des réflexes ostéotendineux, syndrome pyramidal), afin d’éliminer une neuropathie périphérique radiculaire (syndrome de la queue de-cheval, canal lombaire étroit…), plexique (atteinte du plexus pudendal après amputation du rectum, après étirement sur une table de chirurgie orthopédique,…) ou tronculaire autre que la compression du nerf pudendal dans le canal d’Alcock (neuropathie métabolique, toxique ou infectieuse) ; – une douleur d’origine psychologique ou psychiatrique : traumatismes répétés par activités sexuelles multiples ou par des auto-examens répétés lors de troubles obsessionnels compulsifs (figure 34). Le traitement de la scrotodynie consiste à confirmer au patient l’existence d’une pathologie en la nommant et à le rassurer quant à l’absence de maladie sexuellement transmissible et de cancer sous-jacent. Le traitement médicamenteux est inconstamment efficace et repose sur la description de cas isolés rapportés et par analogie au traitement des vulvodynies : antidépresseurs tricycliques (amitriptyline), inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, prégabaline ou gabapentine. Les traitements potentiellement sédatifs seront administrés de préférence le soir, à la dose minimale efficace. Des thérapies cognitivocomportementales peuvent être proposées.  

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème