Publié le 13 avr 2021Lecture 4 min
Comment gérer la mastocytose avec atteinte cutanée de l’adulte
La mastocytose reste une maladie rare, mais elle n’est plus orpheline car il existe des possibilités thérapeutiques. En France, 1 600 cas sont enregistrés au Centre de référence des mastocytoses (CEREMAST). Chez l’adulte, la mastocytose avec atteinte cutanée est une maladie systémique dans près de 85 % des cas. Le dermatologue voit habituellement des formes indolentes, les plus fréquentes et de bon pronostic.
Les mastocytoses constituent un groupe hétérogène d’affections liées à l’accumulation de mastocytes pathologiques et clonaux dans un ou plusieurs organes, la peau étant un organe cible de prédilection. De fait, l’atteinte cutanée est l’atteinte la plus fréquente (plus de 80 % des patients) et constitue le mode d’entrée du diagnostic de la maladie. Le plus souvent sporadiques, ces pathologies touchent surtout les populations caucasiennes et essentiellement l’enfant (60 % à 70 % des cas). Contrairement à l’enfant, la mastocytose cutanée (MC) isolée est rare chez l’adulte. Elle ne représente que 15,6 % des cas(1). L’atteinte clinique est typique avec des lésions maculo-papuleuses, plus ou moins érythémateuses et/ou pigmentées, fixes. Une turgescence des lésions apparaît environ 2 minutes après frottement. C’est le signe de Darier, pathognomonique des mastocytoses. On distingue trois formes principales de MC : les formes maculopapuleuses prédominantes (urticaire pigmentaire), dans lesquelles les lésions sont soit monomorphiques, soit polymorphiques, les formes cutanées diffuses et le mastocytome, une tumeur solide unique(2). Le diagnostic doit être confirmé par biopsie cutanée.
DIAGNOSTIC ET CLASSIFICATION
En 2016, l’OMS a reconnu les critères diagnostiques des mastocytoses systémiques (MS) proposés en 2001(tableau) (3).
Le diagnostic est retenu si un critère majeur et un critère mineur ou 3 critères mineurs sont remplis. Dans la classification OMS actualisée la même année, les mastocytoses ont été individualisées comme une entité distincte des syndromes myéloprolifératifs(4).
Elle distingue les MC et les MS réparties en plusieurs groupes au pronostic différent. Les MS indolentes sont majoritaires (80 % des adultes(5)) et ont un très bon pronostic. Le deuxième groupe, celui des MS avancées, inclut des formes agressives ou associées à d’autres hémopathies. Le récent score MARS (Mutation-Adjusted Risk Score for Advanced Systemic Mastocytosis) définit des facteurs de mauvais pronostic dans les formes agressives(6).
UN SCORE DE QUALITÉ DE VIE SPÉCIFIQUE
Les manifestations cliniques, très hétérogènes, sont liées à la dégranulation des mastocytes par divers mécanismes immunologiques ou non immunologiques et/ou à l’infiltration tissulaire par ces mastocytes. La mastocytose peut entraîner un handicap important et une altération de la qualité de vie (QDV) parfois sévère. Plus d’une trentaine de symptômes handicapants listés dans une étude cas-témoin(7) ont été repris pour construire un score de QDV pour les MC et les MS indolentes chez l’adulte. Ce score MC-QoL (Mastocytosis Quality of Life Questionnaire) est validé en Allemagne(8) et en cours de validation au CEREMAST de Toulouse. Il permet de distinguer un handicap léger (< 30), modéré (30-70) ou sévère (71-108).
QUEL BILAN ?
Une atteinte cutanée confirmée de mastocytose impose la réalisation d’un bilan de routine (NFS, phosphatases alcalines, bilan hépatique complet, bêta-2-globuline, 25-OHD3), d’un dosage de la tryptase sérique, d’une recherche de mutations de KIT sur RNA later pour la peau et d’une densitométrie osseuse systématique. En ce qui concerne les explorations médullaires, l’attitude française diffère de la pratique internationale.
Sur le plan international, toute atteinte spécifique cutanée de mastocytose doit conduire à une exploration de la moelle chez l’adulte myélogramme et/ou biopsie médullaire (BOM). En France, la décision de réaliser ou non ces explorations est prise selon l’agressivité clinique, le terrain (âge > 60 ans) et la vitesse de progression des lésions cutanées, un bilan anormal avec thrombopénie, anémie, une tryptase élevée (> 20 ng/ml), et le niveau de QDV (score de handicap, DLQI).
LES OPTIONS DE TRAITEMENTS DISPONIBLES
Il n’y a pas de traitement curatif des mastocytoses. Leur prise en charge thérapeutique a pour objectif de réduire la dégranulation et les effets des médiateurs, d’améliorer la QDV et de réduire l’infiltration tissulaire. Une carte d’urgence mastocytose a été développée, notamment pour l’anaphylaxie. Dans les formes purement cutanées, un traitement symptomatique bloquant les symptômes d’activation macrocytaire (SAMa) est proposé en première ligne en fonction du handicap généré par la maladie.
Les anti-H1 sont indiqués dans les SAMa cutanés et les anti-H2 (cimétidine) dans les SAMa digestifs et cutanés résistants aux anti-H1. Les SAMa cutanés résistants à ces deux types d’antihistaminiques ainsi que les SAMa urinaires sont une indication des antileucotriènes (montélukast). Des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) peuvent être utilisés dans les SAMa digestifs résistants aux anti-H2. Le cromoglycate de sodium, qui était proposé dans les SAMa digestifs résistants aux anti-H2 et aux IPP, n’est plus disponible. La photothérapie ne doit plus être prescrite en raison d’un surrisque de mélanome.
Le traitement des formes résistantes aux traitements symptomatiques repose sur l’interféron alpha, les inhibiteurs de tyrosine-kinase (imatinib, masitinib) et les anti-IgE (omalizumab). L’imatinib n’est efficace qu’en l’absence de mutation D816V de KIT (10 % à 15 % des malades). Le masitinib est actuellement en phase 3 de développement après des résultats prometteurs dans les MS indolentes(9). L’omalizumab a montré un effet bénéfique surtout marqué pour les manifestations cutanées et digestives(10). Une autre option thérapeutique est le traitement cytoréducteur qui cible l’infiltrat tissulaire. Parmi les médicaments cytoréducteurs, la cladribine a été utilisée initialement dans les formes agressives puis testée dans les formes indolentes de l’adulte avec une bonne efficacité à la fois sur les symptômes d’activation et d’infiltration(11). Tous ces traitements spécifiques doivent être discutés en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) locale ou nationale du CEREMAST.
Il est important d’informer les patients sur les mesures d’éviction des facteurs déclenchant la dégranulation mastocytaire et sur le profil évolutif plutôt rassurant des formes indolentes. On sait en effet que seulement 2,5 % d’entre elles vont évoluer vers des formes agressives.
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