Publié le 17 mar 2021Lecture 4 min
Manifestations cutanées lors de la Covid-19 : quels liens de causalité ?
Michèle DEKER, Paris
Depuis mars 2020, plus de 1 500 publications se sont intéressées aux manifestations cutanées contemporaines de l’infection Covid-19, à la sévérité de l’infection chez les patients ayant une maladie inflammatoire traitée par immunomodulateurs, aux conséquences dermatologiques des mesures barrières, aux toxidermies en particulier sous hydroxychloroquine, à la réorganisation de la médecine de ville et hospitalière avec l’émergence de la télémédecine.
Trois grandes séries ont inventorié les manifestations cutanées au cours de la Covid-19, le registre de Société espagnole de dermatologie avec 375 cas, un registre international, principalement nord-américain avec 716 cas et le registre de la Société française de dermatologie Coviskin réunissant 492 cas(1-3).
MANIFESTATIONS CUTANÉES HORS ENGELURES
Dans les trois grandes séries, les patients ont un âge médian de 42 à 52 ans ; les signes cutanés sont assez précoces par rapport à l’infection. Le pourcentage de patients hospitalisés est de 55 %, 35 % et 14 % dans les séries espagnole, nord-américaine et française respectivement. Quelques décès ont été rapportés (6, 8 et 4 dans les trois séries). Le diagnostic de la Covid-19 a été confirmé par PCR ou sérologie dans 67 %, 54 % et 29 % des cas respectivement. Les manifestations cutanées sont majoritairement à type d’éruptions maculo-papuleuses (60 % des cas), urticariennes (20-24 %), vésiculeuses (3-13 %) ou à type de livedo et nécrose (7-8 %). Les éruptions maculo-papulaires regroupent une grande diversité de dermatoses, les plus fréquentes étant morbilliformes, suivies d’autres exanthèmes maculo-papuleux, exanthème purpurique ou polymorphe, érythème polymorphe, pityriasis rosé, etc.
ENGELURES
La série française COVIDSKIN a réuni 311 cas d’engelures ou pseudo-engelures, alors que 1 330 cas ont été retrouvés dans 24 séries publiées dans la littérature. Il s’agit de patients nettement plus jeunes (17 à 26 ans) comparativement aux autres manifestations cutanées. Le délai d’apparition des signes cutanés par rapport aux signes infectieux est assez long (10 à 14 jours) ; la confirmation par PCR (6-8 %) ou sérologie IgG (7 à 12 %) est rare. Ces patients ont peu ou pas de symptômes infectieux.
Différents types de manifestations ont été retrouvés dans la série COVIDSKIN : principalement des engelures (82 %), des érythèmes polymorphes (6 %), des lésions purpuriques punctiformes (4,5 %), des érythèmes et un œdème diffus (7 %).
Certaines équipes ont émis l’hypothèse d’un gradient de sévérité associé aux manifestations cutanées allant des engelures associées aux infections peu sévères aux manifestations à type de purpura réticulé associées à des infections plus sévères. Des cas très sévères de lésions ischémiques acrales ont été décrits chez des patients en réanimation dans le cadre d’une coagulopathie ischémique.
La fréquence des manifestations cutanées lors de la Covid-19 est assez difficile à apprécier, car elle varie selon les études publiées de 0,2 à 20 %, selon la sévérité des patients et la définition des lésions à prendre en compte. Dans une analyse colligeant 6 séries, la fréquence a été estimée à 1,7 % sur près de 2 200 cas.
LES QUESTIONS NON RÉSOLUES
Parmi toutes les manifestations dermatologiques décrites, il reste à savoir lesquelles sont en relation directe avec l’infection à SARSCoV-2. La méthodologie des études ne permet pas d’authentifier la responsabilité du virus et d’éliminer une toxidermie ou une autre virose. Dans COVIDSKIN, la comparaison des manifestations cutanées chez les patients ayant une infection confirmée ou non confirmée n’a pas montré de différence. L’équipe de Strasbourg a fait des immunohistochimies et des hybridations in si tu dans 6 biopsies de patients ayant une infection confirmée, dont les résultats sont négatifs.
Concernant les engelures, on peut supposer qu’il n’y a pas de lien entre le SARS-CoV-2 et leur survenue en prenant en compte le fait qu’il y a peu ou pas de symptômes, que les anomalies immunologiques et les résultats histologiques sont similaires à ceux retrouvés hors période épidémique et que les PCR et la sérologie sont négatives. Toutefois, plusieurs hypothèses ont été émises, mais restent à confirmer : la réponse humorale serait différente chez les sujets asymptomatiques ; il s’agirait d’une réponse humorale à IgA ; une forte expression d’interféron pourrait être responsable de l’apparition des engelures, de l’absence de symptômes et de la négativité de la PCR et des sérologies. La preuve définitive d’un lien direct entre le virus et la survenue des engelures serait la présence de protéines du virus dans la peau.
Deux études chez 6 patients : chacune a été réalisée avec immunohistochimie à la recherche de la protéine spike ; cette recherche s’est révélée positive chez 3/6 patients dans la première et 6/6 pour la seconde. Par ailleurs nous savons qu’il existe des récepteurs ACE2 dans la peau.
Les manifestations cutanées au cours de la Covid-19 sont finalement peu fréquentes, plus volontiers à type d’érythème morbilliforme ou urticarien. Les manifestations à type de purpura et livedo semblent associées aux formes graves de la maladie. Le lien avec les engelures reste à démonter, comme la présence du virus dans la peau.
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