Publié le 27 aoû 2008Lecture 7 min
Cernes, taches mélaniques, tatouages : quel laser choisir ?
C. GAUCHER, Paris
La correction des troubles de la pigmentation cutanée est un motif fréquent de consultation du dermatologue. Le laser peut être indiqué dans certaines indications bien précises. Cela nécessite un minimum de formation et de pratique.
La pigmentation de la peau La couleur de la peau est la résultante de la combinaison de plusieurs pigments visibles par transparence : la mélanine située dans l’épiderme, l’hémoglobine située dans les vaisseaux et les caroténoïdes, constituants du tissu conjonctif et des parois vasculaires. La mélanine est fabriquée dans l’épiderme par les mélanocytes de la couche basale. Sa maturation aboutit à la formation de grains ou de mélanosomes transférés du mélanocyte au kératinocyte voisin. Il existe plusieurs sortes de mélanines : • les eumélanines de couleur noire ; • les phaéomélanines de couleur rouge ; • et les trichochromes, grains de pigments présents dans les poils et les cheveux, de couleur noire, rouge ou jaune. Quels troubles de la pigmentation peut-on traiter par laser ? Il existe deux types de troubles de la pigmentation : les hyperchromies ou hyperpigmentations et les hypochromies ou hypopigmentations. La pigmentation de la peau dépend de l’état du mélanocyte : • soit il est hyperactif : il sécrète trop de mélanine ; • soit il existe une prolifération de mélanocytes (nævi) ; • soit il est en incontinence pigmentaire (lentigo). Les éphélides (taches de rousseur) et les lentigos solaires correspondent à de la mélanine superficielle, qui peut être facilement enlevée au laser (surtout les lasers Q-Switched) ou à la lumière intense pulsée. Les mélasmas, par contre, sont constitués de mélanine plus ou moins profondément située dans le derme et ne répondent pas bien aux lasers et aux lampes ; il faudra faire des tests avant de traiter éventuellement (lumière de Wood). Les cernes. Ils s’associent à la fois des troubles pigmentaires, vasculaires et de l’élasticité cutanée. Il existe souvent un terrain familial. Leur traitement nécessite une approche pluridisciplinaire où les lasers et les lampes tiennent une place importante, à condition d’associer les longueurs d’onde en fonction du trouble dominant. Les taches mélaniques. La répartition de la mélanine épidermique se modifie avec l’âge, la couleur de peau et l’exposition aux UV. Certaines anomalies sont congénitales comme les taches mélaniques ou taches mongoliques, qui correspondent à une localisation du pigment au niveau dermique profond. Le nævus d’Ota en serait une variante. Les tatouages. Le pigment utilisé dans les tatouages amateurs est le plus souvent noir ou bleu foncé, mais celui des tatouages professionnels est multicolore. Tous les lasers pigmentaires, y compris les lampes, peuvent « abîmer » un tatouage, mais ne le détruiront pas. Seuls les lasers Q-switchés qui délivrent une énergie considérable en un temps très court peuvent « exploser » le pigment du tatouage qui se répand dans les tissus et est éliminé en un à deux mois. Les lésions suspectes doivent être analysées et non pas traitées à l’aveuglette avec un laser pigmentaire. Donc, attention à la mélanose de Dubreuilh et au mélanome malin ! Les lasers pigmentaires L’action d’un laser ou d’une lampe sur les lésions d’origine pigmentaire tient à plusieurs facteurs : • sa longueur d’onde (ou son faisceau de longueurs d’onde pour les lampes), qui doit être absorbée par la couleur que l’on cherche à détruire ; • sa durée de pulse : plus le temps de pulse est court, plus le pigment va « exploser » dans la peau, d’où l’intérêt des lasers Qswitchés. En effet, le principe des lasers dits Q-Switchés (QS) peut être comparé à une cocotteminute : on met en quelque sorte « sous pression » la cavité laser, puis on l’ouvre brutalement d’un coup pour quelques nanosecondes, ce qui libère un « jet » d’énergie très puissant ; • sa profondeur d’action : elle est liée au diamètre du spot, à la longueur d’onde et à la puissance de la machine en cause ; • la couleur de l’épiderme recouvrant éventuellement la lésion (compétition avec la mélanine épidermique). Le paramétrage Les longueurs d’onde Toutes les longueurs d’onde du spectre visuel sont en théorie utilisables, puisque le noir contient toutes les couleurs du spectre lumineux, ce qui explique l’effet parfois spectaculaire de certaines lampes (lumière pulsée) qui, par définition, produisent un faisceau de longueurs d’onde complémentaires entre elles. En pratique, cependant, trois longueurs d’onde sont principalement utilisées : 532 nm, 755 nm et 1 064 nm, ainsi que les faisceaux de lumière intense pulsée filtrée à partir de 532 nm et au-delà. La durée de pulse Plus elle est courte, mieux elle agit sur le pigment, allant jusqu’à le faire littéralement « exploser » avec les lasers dits Q-switchés (532, 755 et 1 064 nm), dont la durée de pulse est de l’ordre de la nanoseconde. Plus la quantité de pigment est importante (tatouages, par ex.), plus on a intérêt à utiliser un pulse court et une fluence faible. La profondeur d’action Plus la longueur d’onde est grande, plus l’action du laser est profonde : – 532 nm agit au niveau épidermique simple ; – 755 nm agit au niveau épidermique et dermique superficiel ; – 1 064 nm agit au niveau dermique moyen et profond et même réticulaire. Figure 1. Cernes bruns chez une jeune femme. Traitement proposé : IPL 900 nm avec radiofréquence ou Yag LP. Associer une crème aux extraits de plantes vasculotoniques. Plus le diamètre du spot d’un laser est large, plus son cône d’action va en profondeur (ce n’est pas vrai pour les lampes). Quel laser choisir ? Le choix se fait en fonction de l’indication en tenant compte de la couleur de l’épiderme de surface. La compétition avec les pigments de l’épiderme recouvrant la lésion peut constituer un facteur limitant l’action du laser. Voici quelques exemples. Dans les cernes, Il faut tenir compte de la couleur dominante et évaluer le trouble dominant : – couleur violette : lasers vasculaires ou lumière intense pulsée (à partir de 755 nm et plus) ; – couleur brune : lasers pigmentaires profonds (1 064 nm LP ou QS) (figure 1) ; – cernes en « poches » (figure 2). Pour l’aspect plissé, on peut traiter le relâchement cutané par la radiofréquence, avec ou sans laser, ou lumière pulsée (IPL 600 nm et plus). Figure 2. Cernes en « poches » traités par laser à colorant pulsé 585 nm. Résultat avant/après 2 séances. Figure 3. Tache café au lait traitée par laser Alexandrite QS Cynosure avec succès en 4 séances. Séance test où le laser Alexandrite QS (spot 2 mm) a été comparé avec l’Alexandrite LP (pulse 0,5 ms, spot 5 mm). Dans les taches mélaniques, les seuls lasers susceptibles d’être efficaces, vu la profondeur de la mélanine dans ces anomalies congénitales sont les lasers Q-switchés, qui permettent la délivrance d’une grande quantité d’énergie en profondeur (figure 3). Le laser YAG 1 064 nm QS est le plus utilisé, car il agit plus profondément, mais le laser Alexandrite QS peut être très efficace, par exemple, dans les taches café au lait et le nævus de Becker. Figure 4. Tatouage traité par laser QS Alexandrite. Avant et après 11 séances. Figure 5. Tatouage difficile à traiter : bleu turquoise non accessible aux lasers QS. On peut essayer la technologie Elos (IPL ou laser + RF), mais avec de multiples séances et un résultat non garanti. Dans les tatouages, on choisira uniquement un laser QS chaque fois que la couleur le permet : – 1 064 nm ou 755 nm pour les tatouages noirs et bleus foncés ou violets (figure 4) ; – 532 nm pour les tatouages rouges ; – 755 nm pour les tatouages verts foncés ou bruns. Pour les autres couleurs, soit on « trichera » en ajoutant un pigment d’une autre couleur (noir, par ex.) pour « attraper le pigment », soit on associera la radiofréquence, soit on effectuera une abrasion au laser CO2, mais avec une certaine rançon cicatricielle. Le bleu turquoise n’est pas accessible aux lasers QS. On peut essayer la technologie Elos (IPL ou laser + RF), mais avec de multiples séances et un résultat non garanti… (figure 5).
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