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Dermatite atopique, Eczéma

Publié le 01 mar 2011Lecture 10 min

Dermatite atopique : actualités thérapeutiques

P. BERBIS, Service de dermatologie, Hôpital Nord, Marseille

Ces dernières années ont vu la publication de nombreux travaux sur le traitement de la dermatite atopique (DA). Cette revue met en avant les avancées les plus significatives dans chaque domaine : traitements topiques, photothérapie, immunosuppresseurs. 

 
Immunosuppresseurs par voie générale Ciclosporine ● Ciclosporine par voie générale : une méta-analyse critique Rappelons que la ciclosporine est indiquée dans le traitement des formes sévères de DA de l’adulte, en cas d’intolérance, d’inefficacité ou de contre-indication de traitements classiques (photochimiothérapie, photothérapie) (Dictionnaire Vidal®). J. Schmitt et coll. (2) ont colligé 14 études (602 patients au total). Ils relèvent plusieurs biais rendant leurs conclusions discutables. Après 2 semaines de traitement, il existe un effet-dose net : amélioration moyenne de 22 % avec une dose inférieure ou égale à 3 mg/kg/j, amélioration moyenne du score initial de 45 % pour des doses supérieures ou égales à 5 mg/kg/j (la posologie maximale recommandée [Dictionnaire Vidal®] est de 5 mg/kg/j). Après 6 à 8 semaines de traitement, l’amélioration moyenne est de 55 % (48 à 62 %). Seules 3 études ont évalué les rechutes à l’arrêt de la ciclosporine per os : 50 % des cas dans les 2 premières semaines, 73 à 80 % à 6 semaines.   ● Efficacité et tolérance au long cours de la ciclosporine La ciclosporine est un traitement reconnu efficace dans les formes les plus sévères de DA. Les études faisant état de grande série de patients traités au long cours sont peu nombreuses. S. Haw et coll. (3) rapportent leur expérience de 67 patients traités pendant plus de 6 mois par ciclosporine (durée moyenne de traitement de 13,5 mois). La durée moyenne de la rémission après arrêt du traitement était de 4,5 mois. Un seul patient a dû stopper le traitement en raison d’anomalies rénales. Une élévation de la tension artérielle a été notée dans 8 cas, une hypertrichose dans un cas. Cette étude montre une bonne tolérance d’ensemble au long cours de la ciclosporine dans le traitement de la DA. Une étude cas-témoins ayant inclus 101 patients atteints de DA traités par ciclosporine versus 101 patients atteints de DA non traités par ciclosporine n’a pas montré de risques infectieux accrus sous ciclosporine (4).   Méthotrexate : premier essai encourageant, mais à confirmer S.C. Weatherhead et coll. (5) rapportent les résultats d’une étude ouverte de dose-ranging évaluant le méthotrexate (MTX) chez 12 adultes présentant une DA modérée à sévère. Une dose moyenne de 15 mg par semaine pendant 24 semaines entraîne une amélioration moyenne de 52 %. La qualité de vie est améliorée. L’effet bénéfique semble prolongé. Rappelons que le MTX n’a pas l’AMM dans cette indication. Des études contrôlées sont nécessaires pour évaluer l’intérêt potentiel du MTX, sa place dans la stratégie thérapeutique, et sa tolérance à moyen et long terme dans cette indication. Mycophénolate mofétil (Cellcept®) M.L. Murray et coll. (6) rapportent leur expérience rétrospective concernant 20 patients traités par cet immunosuppresseur. L’amélioration a été importante dès les 4 premières semaines, 10 patients ayant même pu stopper le traitement en raison d’un effet quasi complet. Cependant, les effets secondaires infectieux sont fréquents : zona dans 4 cas ; infections staphylococciques dans 2 cas ; un herpès.   ● Mycophénolate mofétil à délivrance entérique Des réactions paradoxales à la ciclosporine avec aggravation de la DA et élévation des IgE ont été rapportées (cité in : S.G. Van Velsen et coll. (7)). Le mycophénolate mofétil (MFM) a fait la preuve de son efficacité dans quelques cas de DA sévères. Cette molécule peut cependant parfois donner des troubles gastro-intestinaux. S.G. Van Velsen et coll. rapportent les résultats d’une étude pilote ayant évalué l’intérêt d’une présentation à délivrance entérique de MMF (MMFDE) dans la DA. Dix patients présentant des DA sévères ont été traités par MMFDE (720 mg 2 fois par jour pendant 6 mois). L’amélioration du score de sévérité de la DA a été significative, de même que la diminution des taux d’IgE. Cependant, la différence des quantités de dermocorticoïdes utilisés avant et sous traitement n’était pas significative. La tolérance a été bonne dans l’ensemble.   Biothérapies Rituximab Le rôle pathogène du lymphocyte B dans la DA est bien connu, par la sécrétion abondante d’IgE (8). Le rituximab (Mabthera®) est un anticorps anti-CD20 qui bloque l’action des lymphocytes B. Son indication est reconnue dans le traitement de certains lymphomes B. Cette molécule a fait la preuve de son efficacité dans des pathologies auto-immunes telles que la dermatomyosite. Deux études pilotes aux résultats hétérogènes ont été menées dans la DA : amélioration significative après 2 perfusions de 1 000 mg de rituximab chez 6 patients, corrélée à une réduction de l’expression d’IL-5 et IL-13 dans l’une (9) ; résultats décevants (doses plus faibles) chez 2 patients dans l’autre (10). Le rituximab, s’il fait la preuve de son efficacité, sera réservé à des formes sévères et réfractaires aux traitements conventionnels en raison d’effets secondaires potentiels sévères. Omalizumab L’omalizumab est un anticorps monoclonal chimérique IgG kappa, anti-IgE se fixant sur le récepteur de haute affinité pour les IgE (FcεRI et FcεRII), présent à la surface des mastocytes des basophiles, mais aussi sur les cellules dendritiques, qui a montré une efficacité dans le traitement des asthmes sévères lorsque le taux d’IgE était inférieur à 700 U/mm3. Les études pilotes ayant évalué l’intérêt de l’omalizumab dans le traitement de la DA sont peu nombreuses, et ont donné des résultats contradictoires (11-15) : 3 cas nettement améliorés chez des adolescents ; amélioration significative dans 7 cas (7 à 58 ans) ; 3 échecs dans l’étude princeps (11) ; 6 améliorations sur 11 (dont 2 seulement de plus de 50 %). Signalons que dans la plupart des DA sévères, le taux des IgE est nettement supérieur à 700 U/mm3.   Perspective : rôle de la miltéfosine dans la prise en charge de la DA de demain ? La miltéfosine est une alkylphosphocholine. C’est un modulateur puissant des lipides membranaires, dont les indications actuelles sont le traitement des métastases cutanées de cancer du sein et le traitement des leishmanioses (16). Cette molécule inhibe in vitro la libération d’histamine IgE-dépendante par les mastocytes cutanés. Son application topique chez des volontaires a réduit l’expression de la réaction inflammatoire induite par des prick-tests (16). La miltéfosine a des effets modulateurs intéressants sur la réduction de la production d’IL-4 sur des modèles expérimentaux d’inflammation cutanée et de prurit expérimental. S. Dolle et coll. (17) ont rapporté les résultats d’une étude pilote ayant évalué l’intérêt d’un traitement associant miltéfosine topique pendant 3 semaines chez des patients présentant une DA. Chez les 16 patients de cette étude ouverte, une amélioration significative a été observée. Des études complémentaires sont nécessaires, mais il pourrait s’agir d’une nouvelle voie thérapeutique intéressante.   Traitements immunosuppresseurs topiques : l’heure des méta-analyses En janvier 2006, la FDA a émis une alerte concernant la sécurité au long cours des inhibiteurs de la calcineurine topiques (pimécrolimus, tacrolimus), en indiquant qu’elle n’était pas connue précisément. Cette réaction était consécutive à la constatation de prescriptions fréquentes hors recommandations chez des enfants de moins de 2 ans et au rapport de quelques observations de cancers et de lymphomes dans le suivi post-marketing (18). Le libellé de l’indication a donc été modifié : – en deuxième ligne de traitement ; – traitement court, intermittent ; – dermatites atopiques modérées à sévères chez l’enfant de 2 ans au moins (forme à 0,03 %) et chez l’adulte (formes à 0,03 % et à 0,1 %), non immunodéprimé, qui n’ont pas répondu à des traitements topiques conventionnels de DA (dermocorticoïdes) ou ayant des contre-indications à ces traitements. Deux méta-analyses ont récemment été publiées et permettent de positionner les inhibiteurs de la calcineurine, notamment par rapport aux dermocorticoïdes. J. Yan et coll. (19) ont colligé les données de 8 essais conduits chez l’enfant. En termes d’efficacité, aucune différence significative n’a été mise en évidence entre tacrolimus 0,03 % et tacrolimus 0,1 %. Le tacrolimus est supérieur à l’hydrocortisone (p < 0,001) et légèrement supérieur au pimécrolimus (p = 0,04). Les principaux effets secondaires à court terme sont le prurit et la sensation de brûlure superficielle. Aucune différence significative n’est rapportée entre tacrolimus 0,03 %, et tacrolimus 0,1 % ainsi qu’entre tacrolimus et pimécrolimus. En revanche, le tacrolimus est moins bien toléré que l’acétate d’hydrocortisone. La méta-analyse de D.M. Aschcroft et coll.(20) a colligé 4 186 patients traités par tacrolimus ou pimécrolimus. Le tacrolimus 0,03 % est moins efficace que le butyrate d’hydrocortisone 0,1 % à 3 semaines. Le tacrolimus 0,1 % est aussi efficace que le butyrate d’hydrocortisone 0,1 % (à 3 semaines) et que le valérate de bétaméthasone 0,1 %. Le tacrolimus 0,1 % (tronc + face) est plus efficace que le butyrate d’hydrocortisone 0,1 % (tronc) associé à l’acétate d’hydrocortisone (face). À 12 semaines, le tacrolimus 0,1 % est supérieur au tacrolimus 0,03 %. Le pimécrolimus 1 % est inférieur au valérate de bétaméthasone 0,1 %. À 6 mois, le pimécrolimus 1 % est inférieur à l’association acétonide de triamcinolone (tronc) et acétate d’hydrocortisone (face). À 12 mois, les deux traitements sont équivalents.   Autres thérapeutiques Photothérapie : une méta-analyse intéressante (21) Neuf études contrôlées ont été retenues. Trois études ont montré que les UVA1 étaient plus efficaces que l’association UVA-UVB. Deux études ont conclu à la supériorité des UVB TL01 sur les UVA et les UVA1.   Laser Excimer : quelles perspectives ? Le prurigo est une manifestation associée à la DA particulièrement difficile à traiter. La photothérapie UVB TL01 peut apporter un bénéfice. Son inconvénient réside dans l’exposition de l’ensemble du tégument aux UVB. Le laser Excimer (308 nm xénon chloride) est capable de délivrer une exposition ciblée du tégument aux UVB. E.E. Brenninkmeijere et coll. (22) ont rapporté la comparabilité du propionate de clobétasol 0,05 % et du laser Excimer chez 13 patients sur une durée de 10 semaines. La tolérance du laser a été bonne. Des études complémentaires sont nécessaires, mais le laser Excimer pourrait être une alternative intéressante dans les formes de prurigo atopiques multirésistantes.   Conclusion Bien des progrès restent à faire dans la prise en charge des formes les plus sévères des dermatites atopiques. Les possibilités de traitement sont cependant aujourd’hui déjà bien concrètes, notamment avec l’utilisation de mieux en mieux définie des immunosuppresseurs topiques ou systémiques. Des perspectives originales et intéressantes sont en train de poindre et méritent d’être suivies avec attention, sans oublier les fondamentaux du traitement de base constitué par les émollients.   Points forts  Absence d’intérêt préventif des régimes hypoallergéniques chez la femme enceinte.  Absence probable d’intérêt des anti-TNF alpha dans le traitement de la DA.  Ciclosporine : une méta-analyse aux résultats mitigés, mais une tolérance bonne.  Perspectives : méthotrexate ? nouvelles biothérapies (rituximab, omalizumab) ? mycophénolate mofétil ? miltéfosine ?  Inhibiteurs de la calcineurine topiques : rationalisation des indications, notamment chez l’enfant.  Prévention par stratégie d’émollients précoces chez des nouveau-nés à risque : à suivre.  

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