Publié le 25 mar 2024Lecture 4 min
Éruptions pustuleuses et dermatite de contact allergique
Catherine FABER, d’après la présentation de M.-C. Houle, Montréal, Canada, 44e cours du GERDA
La dermatite de contact allergique ne figure en général pas sur la longue liste des pathologies à composante pustuleuse. Elle en fait pourtant partie.
La présence de pustules en dermatite de contact (DC) conduit le plus souvent à évoquer d’emblée une réaction irritative, telle que celle provoquée par des substances réputées «pustulogènes», classiquement les métaux, les halogènes, l’huile de croton et le sodium lauryl sulfate. L’allergie de contact non eczémateuse peut elle aussi prendre un aspect pustuleux. On sait que la pustule est une lésion remplie d’un exsudat de cellules inflammatoires, particulièrement des neutrophiles. Dans la classification de Gell et Coombs, les neutrophiles apparaissent comme impliqués dans les mécanismes effecteurs de la pustulose exanthématique aiguë généralisée (PEAG) mais pas de la DC allergique (DCA)(1,2). Des mutations du gène de l’IL-36 ont par ailleurs été décrites dans des dermatoses pustuleuses comme la PEAG et la pustulose palmoplantaire(3). Le constat d’une augmentation de l’expression des agonistes IL-36 aux sites des tests épicutanés positifs indique que cette cytokine a un rôle probable dans la DCA. Mais les résultats des études animales sont contradictoires et celui-ci reste encore à prouver(3). Sur le plan physiopathologique, les pustules dans les DCA résulteraient de mécanismes immuns pouvant varier selon l’allergène et selon certains facteurs génétiques, tels que la présence de psoriasis chez le patient (IL-36). Certains facteurs environnementaux semblent également avoir une influence comme les contacts frictionnels ou occlusifs qui pourraient entraîner une apoptose kératinocytaire et, ainsi, le relargage de CXCL8, une cytokine proneutrophilique (un acteur clé de la physiopathologie de la PEAG[4] ).
Lors des tests épicutanés
On observe fréquemment des réactions pustuleuses lors des tests épicutanés, principalement aux métaux nickel, chrome et cobalt. La physiopathologie sous-jacente serait en lien avec la concentration de la substance testée. Quand on les cherche, les réactions pustuleuses allergiques sont également fréquentes au sein des réactions sévères et étendues. Fondée sur un nombre de données limité, l’hypothèse physiopathologique est celle d’un recrutement de cellules immunes diverses, dont les neutrophiles, lors des réactions inflammatoires importantes. Dans la pratique, la distinction entre les réactions irritantes et allergiques lors des tests épicutanés se fait sur la base du jugement clinique. Elle est donc imparfaite. La question se pose de savoir si les réactions pustuleuses allergiques lors des tests ont des mécanismes immuns distincts de ceux de la DCA usuelle et si interviennent des facteurs génétiques conférant potentiellement une susceptibilité accrue de développer une DAC (psoriasis pustuleux, mutation de l’IL-36). À ce propos, il est intéressant de noter que chez le sujet ayant présenté une éruption de contact pustuleuse, les réactions pustuleuses sont souvent reproductibles lors des tests épicutanés.
Des substances très variées
Des cas de DCA pustuleuses causées par des substances très variées sont rapportés dans la littérature chez des patients dont certains présentaient un psoriasis pustuleux : le thiurame et le mercaptobenzothiazole, des accélérateurs de vulcanisation des de caoutchouc(5) ; le polyhexaméthylène biguanide, un conservateur présent dans des pansements utilisés dans le traitement des ulcères de jambe(6) ; le colorant textile Disperse Yellow 3(7) ; la colophane présente dans une cire dépilatoire(8) ; des fragrances et le formaldéhyde(9) ; l’urushiol contenue dans une laque japonaise(10) (un allergène présent dans la sève de l’herbe à puce ou poison-ivy très répandue en Amérique du Nord); des herbes aromatiques responsables de DCA professionnelle chez un cuisinier(11) ; la benzisothiazolinone dans une huile de coupe utilisée en mécanique automobile(12) ; les thiourées dans une combinaison de plongée(13), etc. En revanche, aucun cas récent n’a été décrit avec les substances pustulogènes classiques. La DC irritante pustuleuse est historiquement bien reconnue. Quelques cas ont été plus récemment décrits dans la littérature avec un concentré de parfum(14), une solution d’olélamine non diluée(15), une solution antirouille contenant de la fluorine. Quand l’origine de la DC est irritative, les réactions pustuleuses sont aiguës, apparaissant en moins de 24 heures, souvent après un contact accidentel et avec une substance non diluée. Un érythème à développement très rapide, en quelques heures, précède l’apparition des pustules. La survenue d’une allergie de contact secondaire est possible.
En résumé, devant des pustules, il est important de ne pas conclure trop rapidement à une réaction irritante. Les investigations allergologiques demeurent nécessaires et il ne faut pas oublier les diagnostics différentiels notamment infectieux. La composante pustuleuse d’une DCA est peut-être plus fréquente que décrite dans la littérature.
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