Publié le 05 mai 2008Lecture 5 min
Papillomavirus : quand, pourquoi et comment examiner le partenaire masculin ?
O. AYNAUD, Paris
Connaissant les cofacteurs favorisant le risque du cancer du col utérin, l’homme ne peut pas être exclu du champ du dépistage d’une infection sexuellement transmissible. En fonction des données cliniques chez la femme et du contexte psychologique dans lequel se développe cette infection, l’examen de l’homme permet d’en expliquer la physiopathologie et ainsi de déculpabiliser le couple.
Comment examiner le partenaire ? L’examen génital chez l’homme dans le cadre de la prévention d’une infection génitale par les papillomavirus humains (PVH) est un examen clinique simple et indolore. À l’aide d’un colposcope ou d’une loupe, le praticien examine l’ensemble du tissu cutanéo-muqueux du pénis : fourreau, prépuce, gland et le méat urétral. Cette péniscopie permet de repérer des lésions induites par les PVH et d’apporter éventuellement un diagnostic différentiel (figures 1 à 8) : Figure 1. Grains de Fordyce. Figure 2. Abrasion aspécifique. Figure 3. Psoriasis. Figure 4. Balanoposthite de Zoon. Figure 5. Lichen scléreux. Figure 6. Crête de coq. Figure 7. Condylome endophytique. Figure 8. Carcinome in situ. aspects pseudo-physiologiques ; dermatoses ; condylomes exophytiques ; condylomes endophytiques ; dysplasies (Bowen, Queyrat) ; cancer. Des examens complémentaires sont-ils nécessaires ? Le frottis cytologique urétral n’apporte aucune information spécifique et donc n’a pas d’utilité dans la recherche de lésions urétrales PVH-induites (Aynaud O. Br J Urol 2001). Lors de la péniscopie, l’examen clinique permet dans 90 à 95 % des cas de révéler les lésions urétrales (figures 9 et 10). Figure 9. Lésions de la fossette naviculaire. Figure 10. Tumeurs papillaires urétrales. Il est important de détecter ces lésions urétrales PVH-induites, car il existe dans 48 % des cas une excrétion virale dans l’éjaculat spermatique (Aynaud O. Int J STD AIDS 2002). De même, l’urétroscopie ne doit pas être systématique et sera indiquée seulement en cas de récidive de tumeurs papillaires urétrales ou en cas d’association de récidive d’une infection PVH chez la partenaire et d’antécédents d’infection PVH méato-urétrale chez le compagnon. La recherche virale, par un frottis balano-préputial ou méato-urétral, peut-elle prévenir une infection PVH future chez l’homme ou à sa partenaire ? Dans notre série, nous avons identifié 2 % de frottis urétral PVH (+) par PCR sur cyto-brosse. Les urétroscopies de contrôle pratiquées à 3 et 6 mois n’ont pas révélé de lésions urétrales cliniquement identifiables. La présence d’un frottis balano-préputial (+) sans aucune lésion clinique n’amène pas, dans l’état des connaissances actuelles, à une démarche spécifique. Pourquoi examiner le partenaire ? Actuellement, selon les études, la prévalence de lésions génitales PVH-induites chez l’homme varie de 30 à 80 % des cas. Blecker et coll. (J Am Acad Dermatol 2002) retrouvent des lésions PVH chez 68 % des hommes lorsque la partenaire a un CIN (Cervical Intraepithelial Neoplasia classée de I à III par gravité croissante) et dans 37 % des cas une PCR PVH (+) parmi les hommes asymptomatiques. De même, Franceschi et coll. (Br J Cancer 2002) relèvent une PCR positive pour PVH chez 18 % des hommes dont la partenaire a un cancer du col utérin. Dans cette même série, les auteurs détectent 21 % de PCR PVH (+) parmi les hommes partenaires de femmes ayant une CIN III et chez 13 % des hommes dont la partenaire n’a aucune détection de PVH, femmes contrôles. Ces études et d’autres confirment le rôle d’un portage du PVH chez l’homme. L’examen génital masculin doit s’inscrire dans le champ de la prévention, mais en gardant à l’esprit qu’actuellement l’identification des lésions PVH-induites est clinique. L’intérêt de la péniscopie est de dépister et de traiter des lésions péniennes que l’homme ne réalise pas comme étant infectieuses. De petites lésions PVH-induites condylomateuses ou néoplasiques se développent sans aucune symptomatologie et ne gêne aucunement l’homme (figures 11 à 14). Figure 11. Condylome dans le sillon balanique. Figure 12. Papules PVH-induit. Figures 13 et 14. Fissure de la muqueuse préputiale ; histologie : condylome endophytique. Lésion présente depuis plusieurs mois. L’infection génitale à PVH est l’une des infections sexuellement transmissibles les plus fréquentes en France (figures 15 et 16). En 2000, le réseau Sentinelles a évalué l’incidence des condylomes à 15 000 cas par an diagnostiqués par le médecin de famille et à 47 000 cas par an par le dermatologue, détectée chez 58 % des hommes. Cette étude a révélé également que 81 % des femmes n’avaient qu’un partenaire unique. Aussi, nous restons bien dans le cadre de la prévention d’une MST. Figures 15 et 16. Deux cas de lésions PVH péniennes dépistées après une récidive d’une conisation in sano : 15. Lésions PIN III, 16. Leucoplasie urétrale. L’examen génital masculin permet également de dépister des néoplasies intra-épithéliales. Si l’incidence de ces néoplasies péniennes est légèrement inférieure à celle de la vulve, il n’en demeure pas moins que les deux courbes suivent la même trajectoire évolutive (figure 17). Figure 17. Incidence des néoplasies génitales en Ile-de-France (Aynaud O. Ann Dermatol Vénéréol 2000). De même, la corrélation du pic âge/sexe autour de la trentaine de l’identification des néoplasies intraépithéliales génitales – PIN, VIN, VaIN – confirme l’intérêt de ce dépistage (figure 18). Figure 18. Pourcentage de néoplasies génitales selon les groupes d’âge. Quand examiner le partenaire ? Les PVH ont une transmission sexuelle majoritaire, mais d’autres modes de transmission existent : soit une contamination via les doigts, la bouche, les gadgets érotiques, le matériel gynécologique, soit une contamination lors de l’accouchement (< 3 %). D’autre part, si l’utilisation du préservatif diminue le risque de contamination par PVH, il ne permet pas une protection à 100 %. Aussi, l’examen du partenaire doit être proposé en fonctions des facteurs behavioristes. Conclusion La connaissance et la conscience par la personne que l’infection à PVH est sexuellement transmissible sont un élément de l’interrogatoire qui permet d’évaluer le risque. De même, les éléments des comportements sexuels, âge des premiers rapports sexuels, nombre de partenaires, présence ou antécédent d’une infection sexuellement transmissible sont également des éléments qui conduiront à la décision de l’examen du partenaire.
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