Publié le 06 déc 2009Lecture 6 min
Quand l’hyperhidrose s’attaque aux médecins
S. QASMI, T. MARCIL, J. BOUHLLAB, B. HASSAM, Y. AFIFI Service de dermatologie, CHU Ibn Sina, Rabat, Maroc
L’hyperhidrose peut être primaire ou secondaire, localisée ou généralisée. Son incidence est mal connue. Elle peut constituer un véritable handicap, pourtant rares sont les personnes atteintes qui consultent pour ce trouble. La littérature sur le sujet concerne des patients appartenant à la population générale. Nous avons voulu préciser, à travers cette étude, la fréquence et les caractéristiques de cette affection au sein d’une population de médecins.
L' hyperhidrose est une affection chronique qui peut être localisée ou généralisée. L’hyperhidrose dans sa forme localisée est souvent primitive et peut intéresser les paumes, les plantes, le visage et/ou les aisselles. L’hyperhidrose généralisée est souvent secondaire à une cause systémique ou à une prise médicamenteuse (1). Cette affection peut retentir considérablement sur la qualité de vie sociale et professionnelle des personnes qui en sont atteintes (2). Matériel et méthodes Nous avons réalisé une étude prospective transversale ayant inclus 100 médecins exerçant au sein du CHU Ibn Sina de Rabat. Chaque médecin a rempli un questionnaire anonyme pré-établi comportant les items suivants : l’âge, le sexe, les antécédents personnels et familiaux, la spécialité exercée, l’existence d’une hyperhidrose, l’âge de début de l’hyperhidrose, ses caractéristiques cliniques (généralisée ou localisée), le siège, l’intensité, le caractère intermittent ou permanent), les facteurs déclenchants, le retentissement sur la vie sociale et/ou professionnelle, la survenue de complications liées à cette hyperhidrose, la notion de consultation antérieure, les traitements antérieurs, l’évolution spontanée ou sous traitement. Résultats Ces médecins étaient âgés en moyenne de 27 ans. Il s’agissait de 56 hommes et de 44 femmes (sex-ratio = 1,2). La spécialité exercée était médicale ou chirurgicale dans 50 cas respectivement. Vingt-huit médecins présentaient une hyperhidrose. L’hypersudation était généralisée dans 4 cas (14,2 %) et localisée dans 24 cas (85,7 %). L’hyperhidrose localisée intéressait les paumes dans 18 cas (75 %), les plantes dans 13 cas (54 %), les aisselles dans 12 cas (50 %) et le visage dans 6 cas (25 %). L’âge de début était de 15 ans pour l’hyperhidrose localisée et 20,5 ans pour l’hyperhidrose généralisée. L’hyperhidrose était intermittente dans 24 cas (85,7 %) et permanente dans 4 cas (14,2 %). Elle était jugée minime dans 7 cas (25 %), modérée dans 19 cas (68 %) et sévère dans 2 cas. Certains facteurs déclenchants ont été rapportés tels que la chaleur dans 25 cas (89 %), le stress dans 16 cas (57 %), la consommation d’épices (1 cas) ou l’exercice physique (1 cas). Un seul médecin était suivi pour une hyperthyroïdie. L’existence d’antécédents familiaux d’hyperhidrose a été notée dans 8 cas (28,5 %). Sept médecins (25 %) estimaient que cette affection retentissait sur leur vie professionnelle, avec notamment une gêne lors de l’examen des patients et lors de la rédaction d’ordonnances dans 11 cas (39 %). Dix médecins (35,7 %) ont mentionné un retentissement de l’hyperhidrose sur leur vie sociale, avec un refus de serrer la main dans 6 cas (33 %). Sept médecins (25 %) affirmaient bien tolérer leur hyperhidrose, 15 autres (53,5 %) la toléraient moyennement et 6 (21,4 %) ne la toléraient pas du tout. Les complications liées à l’hyperhidrose étaient à type d’intertrigo dans 7 cas et d’eczéma dyshidrosique dans 9 cas. Soixante-dix médecins (70 %) ne considéraient pas l’hyperhidrose comme une maladie. Trois avaient déjà consulté pour l’hyperhidrose et 2 avaient déjà été traités pour cette affection respectivement par des crèmes antiperspirantes et des séances d’ionophorèse. Un médecin a bénéficié d’un traitement traditionnel. L’évolution sous traitement a été marquée par une amélioration dans un cas et par un état stationnaire dans un cas. Les sujets non traités (26 cas) ont rapporté une aggravation des symptômes dans 5 cas (20 %), un état stationnaire dans 20 cas (76 %) et une aggravation dans 1 cas (4 %). Discussion Notre série se caractérise par la prédominance des formes localisées d’hyperhidrose, modérées et bien tolérées par les participants à ce questionnaire. Nous avons choisi volontairement de mener cette étude chez des médecins et des chirurgiens afin de vérifier l’impact de l’hypersudation sur la vie professionnelle de ces personnes qui sont amenées à manipuler quotidiennement du matériel médical, rédigent des ordonnances, examinent des patients, etc. L’âge des participants à cette étude est relativement jeune, la majorité étant des internes et des résidents. Fréquence L’incidence réelle de l’hyperhidrose est mal connue et probablement sous-estimée. Aux États-Unis, la prévalence de l’hyperhidrose localisée est de l’ordre de 3 %(3). Ceci peut être expliqué par une abstention de consultation de la part des personnes qui présentent ce trouble malgré la gêne qu’il occasionne, considérant l’hyperhidrose comme un état « physiologique » auquel il faut s’adapter. Les résultats de notre étude viennent appuyer ceux d’une étude américaine où 38 % seulement des personnes atteintes ont consulté (4). La physiopathogénie de l’hyperhidrose n’est pas encore élucidée (5). Une dysfonction du système nerveux autonome a été incriminée (5). Il existerait par ailleurs une prédisposition génétique à développer une hyperhidrose (5). Cette hypothèse repose sur l’existence d’antécédents familiaux d’hyperhidrose, comme c’est le cas de 8 personnes dans notre série (28,5 %). Les facteurs déclenchants retrouvés dans notre série, tels que le stress et la chaleur, ont été rapportés dans la littérature (6). L’hyperhidrose est souvent localisée et primaire, pouvant intéresser comme pour nos patients, les paumes, les aisselles, les plantes ou le visage. L’hyperhidrose généralisée, plus rare, est habituellement secondaire à une pathologie infectieuse, endocrinienne ou neurologique (1,7). Retentissement social L’âge de début et la fréquence de l’atteinte palmaire chez nos patients concordent avec les données de la littérature (4,8). L’hyperhidrose peut occasionner un handicap social et psychologique important (9). Dans une large étude américaine, un tiers des patients jugeaient que leur hyperhidrose était intolérable (4). Les personnes atteintes sont gênées de serrer la main de quelqu’un en cas d’hyperhidrose palmaire et sont parfois obligées de changer de vêtements plusieurs fois par jour en cas d’hyperhidrose axillaire importante ou d’hyperhidrose généralisée. Traitement L’hyperhidrose pose des problèmes de prise en charge thérapeutique. Les solutions à base d’hydroxyde d’alumine et l’ionophorèse sont inconstamment efficaces (9). Par ailleurs, l’ionophorèse est difficile à pratiquer au niveau axillaire. Il semble, selon une étude française ouverte ayant porté sur 10 patients, que les injections de toxine botulique soient efficaces dans le traitement de l’hyperhidrose axillaire et palmaire et sans effet secondaire majeur (9). La sympathectomie thoracique endoscopique donne de bons résultats dans l’hyperhidrose palmaire isolée ou associée à une atteinte axillaire (10). Elle peut engendrer une hyperhidrose compensatoire, plus fréquemment dans les formes axillaires isolées que dans les formes palmaires (11). Une excision chirurgicale par curetage des glandes sudoripares ou par liposuccion a été proposée par certains auteurs dans le traitement des l’hyperhidrose axillaire ( 12,13).
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