Quels moyens pour lutter contre la sécheresse cutanée ?

« On n’hydrate pas la peau, on l’empêche de se déshydrater. » Dr R. Aron-Brunetière   L’eau dans le stratum corneum Les fonctions de l’eau dans le stratum corneum (SC) sont d’assurer sa solidité, sa flexibilité et une perméabilité minimale pour que l’eau endogène puisse jusqu’à la surface cutanée activer les enzymes responsables de la desquamation. Le processus d’hydratation naturelle se fait en 3 étapes : la diffusion de l’eau à partir du derme (sa teneur en eau sert de réservoir pour hydrater naturellement les couches supérieures), la diffusion par la jonction dermo-épidermique puis au sein de l’épiderme grâce aux aquaporines de type III et son maintien dans la couche cornée grâce aux NMF (Natural Moisturizing Factor), au ciment intercellulaire et au film hydrolipidique. Cette eau se présente sous trois états : – « fortement liée » aux protéines dans les couches profondes de l’épiderme ; – « moyennement liée » retenue par les NMF dans les couches moyennes (la paroi du cornéocyte étant semi-perméable, l’eau peut la traverser mais pas le NMF) ; – « eau libre » présente essentiellement dans les espaces intercellulaires, constituée de celle qui a quitté les cornéocytes et de celle qui vient directement de l’épiderme. Dans les peaux sèches, on observe principalement une diminution de la teneur en eau des couches moyennes et superficielles. Quelques rappels La capacité de la peau à emmagasiner de l’eau dépend en grande partie de la formation de la barrière lipidique dans la couche cornée. Provenant des corps d’Odland, les lipides épidermiques de l’espace extracellulaire, représentent 10 à 30 % du volume total du SC et sont constitués de céramides d’acides gras libres et de cholestérol. Ils forment le ciment intercellulaire et assurent la régulation de la teneur en eau et en fluide ; fonction cruciale puisque l’élasticité et la fermeté de la couche cornée dépendent de son niveau d’hydratation. Cette fonction barrière minimise la perte insensible en eau (PIE) et protège ainsi le corps de la déshydratation (il est normal et souhaitable qu’une certaine évaporation de l’eau contenue dans la peau se produise de façon constante, afin d’assurer notamment le maintien de la température corporelle). Les NMF, ou facteurs naturels d’hydratation, sont naturellement synthétisés lors du processus de cornification des kératinocytes. Parmi ses constituants, l’acide pyrrolidone carboxylique, l’urée et les lactates possèdent un fort pouvoir hydratant par leur action hygroscopique (capables de retenir jusqu’à 70 % de leur poids en eau) permettant ainsi de fixer l’eau dans la couche cornée. La structure protéique des cellules cornées influence par conséquent la capacité de la peau à fixer l’eau. Le film hydrolipidique de surface est constitué pour sa partie hydrosoluble de la sueur (provenant de la perspiration insensible en eau et de la sécrétion sudorale) et pour sa partie liposoluble de sébum et de lipides libérés par l’épiderme lors de la kératinisation. La fonction principale de ce film est de retenir l’eau à la surface de la peau. Quelles sont les zones les plus fragiles ? L’intensité de la sécheresse varie selon les zones anatomiques : l’état de la peau dépend de nombreux facteurs comme sa structure, la quantité de glandes sudoripares et sébacées qui s’y trouvent ou l’exposition aux éléments extérieurs… La peau du visage, où le stratum corneum et l’épiderme sont les moins épais, mais sont régulièrement exposés aux agressions environnementales, constitue souvent le point de départ de dermatoses (en particulier pour l’eczéma ou la dermite atopique, qui apparaissent préférentiellement aux endroits où la peau est la plus fine). Elle contient de plus une des plus fortes concentrations en lipides cutanés (environ 7 à 10 %, contrairement aux jambes où ce taux est de l’ordre de 2 à 4 %), or ces lipides sont facilement extractibles par des lavages à l’eau ou aux détergents. Les mains, constamment en contact avec des produits irritants (produits ménagers, liquide vaisselle, savon, etc.), exposées au froid et à l’air sec en hiver, présentent un terrain favorable aux problèmes de sécheresse, tout comme les pieds et les jambes (exposés dès l’arrivée des beaux jours). Perte insensible d’eau dans la peau. Pourquoi a-t-on la peau sèche, ou pourquoi la peau devient sèche ? On naît avec la peau sèche ou on l’acquiert au cours du temps, mais on y échappe rarement. Déséquilibres alimentaires, expositions chroniques au soleil, nettoyages de peau trop fréquents, vieillissement naturel sont autant de facteurs favorisant l’apparition d’une xérose (tableau). Quoi qu’il en soit, les modifications qualitatives et/ou quantitatives des lipides épidermiques, qui altèrent la cohésion intercellulaire, sont le facteur commun à l’ensemble des peaux sèches. La couche cornée ne peut plus jouer son rôle de barrière au passage de l’eau.   Comment éviter la sécheresse cutanée ? Préserver la couche protectrice naturelle De simples gestes permettent de prévenir ou de limiter la peau sèche : • Éviter de se nettoyer de façon abusive : éviter les bains répétés ou les bains chauds (qui dissolvent les substances grasses présentes à la surface de la peau), privilégier les douches à l’eau tiède et ne pas y exposer la peau plus de 10 à 15 minutes. Éviter une eau trop calcaire ou trop chlorée. Après un bain en eau de mer ou en piscine, bien rincer la peau à l’eau claire. • Privilégier des savons de type surgras ou à la glycérine ou des syndets. Quel que soit le nettoyant utilisé, bien le rincer. Préférer un démaquillant en lait ou en crème qui se retire à l’aide d’un coton et favoriser les nettoyants non parfumés, ultra-doux et non moussants (les agents moussants contiennent des ingrédients qui enlèvent la barrière protectrice de la peau). Éviter les produits qui contiennent de l’alcool (savons antibactériens et produits parfumés) qui contribuent à déshydrater la peau et/ou qui contiennent du lauryl sulfate, agent qui dissout les graisses. Ne pas savonner inutilement les bras et les jambes. Étalement d’une goutte d’eau sur la peau : une peau sèche est beaucoup plus hydrophobe qu’une peau hydratée. • Laver ses cheveux avant son visage : les résidus de shampoing ne doivent pas rester, car comme tous les ingrédients moussants, ils contiennent des agents et des détergents qui peuvent irriter la peau. En nettoyant le visage en dernier, cela permet de retirer toute trace de produit. • Ne pas laisser une peau humide sécher seule, car l’eau s’évapore et la peau tiraille : l’essuyer en tamponnant plutôt qu’en frottant, afin de ne pas l’irriter inutilement. • Éviter de porter des vêtements trop serrés pour éviter l’effet frottement (porter de préférence des vêtements en fibres naturelles comme du coton ou de la soie). Laver sans assouplissant. • Se protéger du soleil (porter un chapeau, des vêtements légers et utiliser une crème à forte protection solaire). Éviter les séances d’UV qui favorisent le vieillissement cutané. • Le chauffage et l’air sec déshydratent la peau. Mieux vaut donc utiliser un humidificateur et baisser le thermostat de quelques degrés avant de se coucher, quitte à utiliser plus de couvertures (hygrométrie idéale à privilégier : autour de 50 % en été et 30 % en hiver) (la chaleur favorise la transpiration et donc la déshydratation). Par temps froid et lors de travaux ménagers, porter des gants. • Boire suffisamment pour conserver un bon niveau d’hydratation interne (il est recommandé de boire au moins 1,5 à 2 litres d’eau par jour). Éviter une consommation trop importante de caféine et/ou d’alcool en raison de leur effet diurétique (rester en dessous de 4 tasses de café/j). • Avoir une alimentation saine et équilibrée (la sécheresse peut être engendrée par des carences), consommer des acides gras (huiles alimentaires…). Éviter le tabac, ne pas manquer de sommeil, bien gérer son stress. Recréer une couche protectrice • Il est important d’hydrater la peau du corps et du visage (idéalement lorsque la peau est encore humide, pour retenir l’humidité). Il est possible de combattre la déshydratation par deux moyens : soit en contribuant à limiter la perspiration insensible, en utilisant des substances occlusives qui forment un film hydrophobe en surface (huiles minérales ou végétales, cires, silicones, etc.), soit par des substances humectantes qui permettent de fixer l’eau dans l’épiderme (urée, acide lactique, polyols, constituants du NMF, etc.). • Une peau sèche est souvent réactive : éviter les gommages trop fréquents, utiliser un gommage très doux non irritant puis appliquer un produit de soin tel qu’un masque hydratant (éviter les masques terreux) et/ou une crème de soin. • Éviter les peelings faciaux trop forts en hiver ou en été où la peau est souvent déjà irritée, mais les réaliser de préférence au printemps ou à l’automne. • Respecter le rythme biologique circadien naturel : durant la journée, la peau se protège des agressions et c’est le soir ou la nuit qu’elle se renouvelle (mitoses épidermiques, pic de flux sanguin capillaire, couche cornée plus volumineuse). Bien démaquiller, nettoyer et soigner la peau le soir et faire attention à appliquer les crèmes de jour le matin et les crèmes de nuit le soir… • L’application d’une crème de protection solaire ne remplace pas l’application d’une crème de jour ou d’un lait corps, mais s’applique en plus. • Il est possible d’ajouter à l’eau du bain des huiles spécifiques. Conclusion C’est dans l’enfance que la barrière cutanée fonctionne de manière optimale : renouvellement cellulaire rapide, peau non endommagée par le soleil… Avec l’âge, l’effet barrière diminue. Pour garder une peau bien hydratée, quel que soit son type de peau (grasse ou non), il faut éviter les facteurs déshydratants et compenser la perte en eau par des soins hydratants, au niveau du visage comme au niveau du corps.