Publié le 30 mai 2010Lecture 7 min
Rosacée : épidémiologie, classification, traitement
D. FARHI, Paris
La rosacée est une dermatose inflammatoire chronique de l’extrémité céphalique d’étiologie inconnue. Son retentissement psychosocial peut être considérable, la rosacée pouvant non seulement être très affichante, mais également évocatrice (le plus souvent à tort) pour l’entourage d’une exogénose. Un retentissement fonctionnel, rare, est néanmoins à craindre dans certaines formes oculaires ou fulminantes.
Illustration/ figure 1 :Figure 1. Rosacée hypertrophique (collection Dr D. Wallach).
Physiopathologie
La physiopathologie de la rosacée a fait l’objet de nombreuses hypothèses. Les facteurs évoqués peuvent être classés en plusieurs catégories : infectieuses, vasculaires, immunologiques, climatiques, neuro-hormonales. Il est probable que le polymorphisme clinique de la rosacée résulte d’une combinaison variable de plusieurs facteurs physiopathologiques. Le rôle de ces facteurs reste controversé, mais il semble acquis que des anomalies microcirculatoires de la thermorégulation céphalique seraient au premier plan. En l’absence de compréhension des mécanismes pathogéniques de la rosacée, le traitement reste symptomatique et suspensif.
Épidémiologie
La rosacée débute souvent chez l’adulte jeune et, en l’absence de traitement, reste stable ou s’aggrave progressivement (figure 1) au cours de la vie. Sa prévalence est maximale chez les sujets à peau claire, en particulier d’Europe du Nord, âgés de 30 à 50 ans. Dans la population générale, la prévalence de la rosacée a été estimée entre 1 et 20 % selon les études. Ces variations d’estimation sont liées non seulement à des facteurs géographiques et ethniques, mais aussi à des variations dans la méthodologie de mesure (sélection de l’échantillon, définition de la rosacée, etc.). Il est souvent considéré que la rosacée est plus fréquente chez les femmes et plus grave chez les hommes. Cependant les données épidémiologiques sont contradictoires. Une récente étude transversale de 50 235 patients ayant consulté en externe entre 1995 et 2002 montrait une prévalence comparable dans les deux sexes (1).
Classification de la rosacée : de la controverse à la pratique
Les classifications française et anglo-saxonne (2) divergent sensiblement (tableau). En résumé, la classification française distingue les formes avec érythème transitoire des formes avec érythème permanent et considère l’atteinte oculaire non comme une des quatre formes cliniques de la rosacée mais comme une complication.
En pratique, comme dans d’autres dermatoses polymorphes, c’est l’analyse sémiologique qui importe, car c’est en identifiant les différentes catégories et l’intensité respective des lésions élémentaires présentes chez le patient que le traitement le plus adapté peut être choisi.
Moyens thérapeutiques
Trois molécules ont l’AMM en France dans la rosacée : le métronidazole topique à 0,75 %, l’acide azélaïque à 15 % et la doxycycline orale. De nombreuses autres molécules sont en pratique régu- lièrement utilisées, avec un niveau de preuve variable, mais n’ont pourtant pas l’AMM dans cette indication.
Traitements topiques
● Métronidazole
Utilisé depuis les années 1980 dans cette indication, le métronidazole est, avec l’acide azélaïque, un des deux traitements topiques de première intention de la rosacée papulo-pustuleuse légère à modérée. Au total, les différentes formes galéniques et les différents dosages du métronidazole ont montré leur efficacité et leur tolérance versus placebo dans 9 études (3). Le métronidazole 0,75 % appliqué 2 fois/jour a démontré son efficacité et sa tolérance chez 582 patients présentant une rosacée légère à modérée. Le score moyen d’intensité de l’érythème était diminué d’environ 50 % à la 12e semaine (4).
Figure 2. Rosacée papulo-pustuleuse sévère (collection Dr D. Wallach).
La forme galénique, crème, gel ou émulsion, ne semble pas avoir d’effet significatif sur l’efficacité, que ce soit pour une ou deux applications par jour (5). Dans une étude récente, le métronidazole 1 % gel (1 fois/jour) et l’acide azélaïque 15 % gel (2 fois/jour) avaient une efficacité similaire, mais le nombre d’effets indésirables était moins élevé dans le groupe métronidazole (6).
La forme galénique du métrodinazole topique ne semble pas avoir d’effet significatif sur l’efficacité.
● Acide azélaïque
L’acide azélaïque a montré son efficacité dans la rosacée papulopustuleuse légère à modérée au cours de deux essais de phase III randomisés, versus placebo, incluant au total 664 patients. Dans ces deux études, une amélioration de la rosacée était observée chez 44 % et 46 % des patients sous acide azélaïque versus 29 % et 28 % des patients sous placebo (7).
● Autres traitements topiques
Les dérivés soufrés, l’érythromycine, la clindamycine, le peroxyde de benzoyle, les rétinoïdes et le tacrolimus sont parfois utilisés hors AMM dans le traitement topique de la rosacée légère à modérée. Toutefois, le niveau de preuve de leur efficacité reste bas.
Traitements oraux
Les antibiotiques sont utilisés dans la rosacée depuis les années 1950, initialement en se fondant sur l’hypothèse que la rosacée était une maladie infectieuse. Actuellement, il paraît clair que l’efficacité des antibiotiques dans la rosacée repose avant tout sur leurs effets anti-inflammatoires.
L’efficacité des antibiotiques dans la rosacée repose avant tout sur leurs effets anti-inflammatoires.
● Tétracyclines
L’efficacité des tétracyclines dans la rosacée implique plusieurs effets combinés :
– inhibition de l’angiogenèse ;
– inhibition du chimiotactisme des polynucléaires ;
– inhibition des cytokines proinflammatoires ;
– inhibition des métallo-protéinases matricielles.
Aux États-Unis, aucune des cyclines n’avait l’AMM dans cette indication jusqu’à 2006. Le premier médicament oral approuvé dans la rosacée par la FDA est le monohydrate de doxycycline à dose anti-inflammatoire (30 mg à libération immédiate et 10 mg à libération retardée), en 1 seule prise par jour (8). Son efficacité et sa tolérance ont été montrées dans deux essais de phase III multicentriques randomisés (en double aveugle, sur 16 semaines) dans la rosacée papulo-pustuleuse. Dans ces deux essais, la réduction moyenne du nombre de lésions était de -11,8 et -9,5 sous doxycycline versus -5,9 et -4,3 sous placebo (p < 0,001 pour les deux comparaisons versus placebo). L’utilisation de faibles doses présente l’avantage de diminuer les risques d’effets indésirables et de sélection de résistance bactérienne.
● Macrolides
L’érythromycine orale est parfois utilisée à 250-1 000 mg par jour dans la rosacée papulo-pustuleuse, bien que le niveau de preuve de son efficacité soit faible. Elle est essentiellement utilisée en seconde intention, notamment en cas de contreindication (grossesse, hypersensibilité) aux cyclines. L’azithromycine (9) et la clarithromycine (10) ont également montré leur efficacité dans la rosacée, toutefois dans des essais de méthodologie discutable. Ces données méritent d’être confirmées.
● Métronidazole
L’utilisation du métronidazole dans la rosacée a été rapportée pour la première fois en 1976. Un essai randomisé a montré une efficacité similaire à celle du métronidazole (200 mg, 2 fois/jour) et de l’oxytétracycline (250 mg, 2 fois/jour) pendant 6 semaines, dans la rosacée (11).
● Isotrétinoïne
L’isotrétinoïne a montré son efficacité à faibles doses (0,1-0,2 mg/kg/j) orales sur les atteintes érythématotélangiectasiques et papulo-pustuleuses de la rosacée, dans plusieurs séries et petits essais de qualité méthodologique discutable. Son action reposerait sur plusieurs mécanismes : réduction de l’hypertrophie sébacée, amincissement de l’épiderme et action anti-inflammatoire directe. Un essai de phase III multicentrique randomisé (ratio 2/1) versus placebo, en double aveugle, vient d’évaluer l’efficacité et la tolérance de l’isotrétinoïne orale à faible dose (0,25 mg/kg) pendant 4 mois, dans la rosacée papulopustuleuse résistante au traitement standard (cycline orale avec ou sans topique). Le critère de jugement principal était la proportion de patients répondeurs (réduction d’au mois 90 % du nombre de lésions papulo-pustuleuses) à 4 mois. L’inclusion (n = 156 adultes) était terminée en septembre 2009. Les résultats n’en sont pas encore publiés.
Indications thérapeutiques
● Érythèmes paroxystiques du visage (flush)
La première étape consiste à informer le patient des facteurs aggravants : émotions, changements de température, repas rapide, chaud et épicé, alcool. Le maintien d’un glaçon dans la cavité buccale entraîne une vasoconstriction faciale permettant d’atténuer le flush. La clonidine a été proposée.
● Rosacée érythémato-télangiectasique (couperose)
Le traitement de premier choix est le laser vasculaire (par exemple, colorant pulsé ou KTP). Le patient doit être averti que l’efficacité, certes souvent nette, est transitoire (12 à 18 mois en moyenne).
● Rosacée papulo-pustuleuse
• Les cyclines orales sont le traitement de première ligne des rosacées papulo-pustuleuses modérées à sévères. Les schémas thérapeutiques suivants sont le plus souvent prescrits, à titre indicatif :
– doxycycline : 100 mg/j pendant 3 mois, puis 50 mg/j en traitement d’entretien ;
– lymécycline : 300 mg/j pendant 3 mois, puis 150 mg/j en traitement d’entretien. La minocycline, rapportée pour certains comme efficace dans les formes résistantes à la doxycycline, présente un risque notable de syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse et ne devrait logiquement être envisagée dans cette indication qu’en 2e ligne.
• Le métronidazole ou l’acide azélaïque topique constituent les traitements de première intention des rosacées légères à modérées.
De façon générale, leur prescription peut schématiquement s’envisager dans quatre grandes circonstances :
– en monothérapie dans la rosacée papulo-pustuleuse paucilésionnelle ;
– en association avec une cycline orale, pour le traitement d’attaque d’une rosacée papulo-pustuleuse particulièrement floride ou quand une plus grande rapidité d’action est recherchée ;
– en relais d’une cycline orale, pour le traitement d’entretien d’une rosacée papulo-pustuleuse bien contrôlée ;
– chez les patients présentant une contre-indication, une intolérance ou un échec aux cyclines orales.
● Rosacée hypertrophique
Dans les formes légères, l’isotrétinoïne orale (0,5-1 mg/kg/j, pendant 6 mois) a été associée à des rémissions complètes et prolongées. Les formes modérées à sévères relèvent avant tout des traitements physiques. Selon le terrain et l’expérience du praticien, le traitement reposera soit sur l’abrasion chirurgicale, soit sur le laser CO2.
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