Publié le 05 mai 2010Lecture 5 min
Ulcères de jambe et santé publique
P. HUMBERT, H. TAUZIN, Hôpital Saint-Jacques, Besançon
L’ulcère de jambe est l’un des principaux motifs d’hospitalisation en dermatologie. Sa prise en charge est souvent longue et difficile, engageant un coût important pesant sur le budget de la santé.
Physiopathologie L’ulcère de jambe est une pathologie cutanée, chronique et fréquente, impliquant une perte de substance (au même titre que les brûlures ou les exérèses tumorales) et se caractérise par une absence de guérison spontanée. La perte de substance intéresse l’épiderme, le derme et éventuellement l’hypoderme, et siège préférentiellement au tiers distal de la jambe. La perte de substance cutanée est le plus souvent de nature ischémique, généralement déclenchée par un traumatisme local plus ou moins important. Cette ischémie tissulaire est la conséquence de lésions vasculaires variées, souvent macroscopiques. Les mécanismes pathologiques sont variables : il est classique de distinguer trois types étiologiques principaux au sein des ulcères de jambe : – les ulcères veineux, qui sont les plus fréquents (70 à 90 %) (1) ; – les ulcères artériels ; – les ulcères d’origine capillaritique. Outre les phénomènes circulatoires sous-jacents, le blocage de la cicatrisation est lié à une sénescence des fibroblastes du derme, dont la prolifération et l’activité contractile et migratoire sont diminuées (2), de même que leur capacité de synthèse de la matrice extracellulaire (collagène…). Une déficience en facteurs de croissance tels que le transforming growth factor-β (TGF-β) et le fibroblast growth factor-β (FGF-β) est également observée (3). Épidémiologie L’ulcère de jambe est une maladie chronique fréquente dans les pays développés. La Haute Autorité de santé (HAS), dans le cadre de ses recommandations sur la prise en charge de cette pathologie, a effectué une analyse exhaustive des données épidémiologiques rapportées dans la littérature. La prévalence des ulcères de jambe dans la population générale varie de 0,045 à 0,63 % selon les études. Ces évaluations reposent sur des données étrangères, en l’absence de disponibilité de données françaises. Néanmoins, si l’on extrapole ces prévalences à la population française, entre 28 000 et 395 000 personnes seraient atteintes d’un ulcère de jambe. Ces conclusions sont cohérentes avec celles de B. Begaud (4) qui a analysé 13 études épidémiologiques publiées entre 1983 et 1997 et a retrouvé une prévalence dans la population générale de 0,1 à 0,8 %, ce qui extrapolé à la population française, conduit à une estimation de 63 000 à 502 000 personnes atteintes d’un ulcère de jambe. La fréquence est plus élevée chez les sujets âgés de plus de 65 ans (0,5 à 3,6 %) (4). Cette pathologie a comme caractéristique d’être récurrente dans 62,7 % des cas. Dans 30 à 40 % des cas, 4 ou 5 rechutes successives peuvent survenir. Elles sont plus fréquentes si l’ulcère est de cause veineuse (45 à 72 %) et si la surface est supérieure à 10 cm2 (25 à 58 %) (5). En tenant compte de l’épisode initial et des rechutes ultérieures, la durée moyenne des ulcères est de 13,4 mois s’ils sont d’origine veineuse (6). Ulcère de jambe et santé publique La présence d’ulcère de jambe altère incontestablement l’autonomie et donc la qualité de vie des patients (7), du fait de la douleur, de la diminution de leur activité et des contraintes liées à la présence de pansements et aux soins fréquents. Par ailleurs, l’immobilisation des patients et les arrêts de travail, pour les plus jeunes, concourent à l’appauvrissement de la vie sociale des malades. Le retentissement socio-économique des ulcères de jambe est très important. En effet, les soins, les hospitalisations et les arrêts de travail qu’ils impliquent constituent des dépenses importantes pour la société, évaluées à près de 1 % du budget de la Santé en France. Leur coût en France est estimé entre 126 et 882 millions d’euros par an (4) et, aux États-Unis, de 0,75 à 1 milliard de dollars par an (8). À titre d’exemple, au CHU de Besançon, l’ulcère de jambe est un motif très fréquent d’hospitalisation, correspondant pour les PMSI de 2004 (programmes de médicalisation des systèmes d’information) à environ 3 500 journées d’hospitalisation par an pour le seul service de dermatologie. En France, le manque d’études sur ce sujet montre que cette pathologie constitue un problème de santé sous-estimé (9). Prise en charge La prise en charge de l’ulcère de jambe recommandée par la HAS, hors pansements(9), est axée sur la compression, le traitement de la pathologie veineuse ou artérielle associée, ainsi que le soulagement de la douleur. Le traitement local est réalisé tous les 2 à 5 jours par un(e) infirmier(ère). Après un nettoyage de l’ulcère par irrigation au sérum physiologique, la détersion a pour but de débarrasser la plaie des débris nécrotiques et des tissus fibrineux. Après détersion, différents types de pansements peuvent être utilisés pour assurer le bourgeonnement cutané et la cicatrisation, notamment les hydrocolloïdes, les hydrocellulaires et les pansements gras (10-13). La HAS recommande d’envisager le recours aux greffes en pastilles ou en filet si l’ulcère est résistant aux traitements conventionnels depuis plus de 6 mois ou s’il est de grande taille (> 10 cm2). Ces greffons autologues ne couvrent pas la surface de la plaie dans son intégralité. Parallèlement, il est primordial de traiter la cause de l’ulcère (traitement étiologique) et de mettre en place des règles d’hygiène de vie pour le patient afin de favoriser la guérison et prévenir les rechutes.
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