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Dermatologie pédiatrique

Publié le 12 nov 2008Lecture 5 min

Un enfant qui "fait" des bulles

J.-N. DAUENDORFFER, E. MAHÉ, Hôpital Ambroise-Paré, Boulogne-Billancourt

Une fillette de 4 ans est adressée en consultation pour une éruption vésiculobulleuse apparue 2 mois auparavant sur les membres inférieurs et évoluant par poussées.
Observation Une fillette de 4 ans est adressée en consultation pour une éruption vésiculobulleuse apparue 2 mois auparavant sur les membres inférieurs et évoluant par poussées. Initialement considérée comme un impétigo bulleux, mais résistante à un traitement anti-staphylococcique par acide fusidique, l’éruption s’est ensuite étendue à tout le tégument. La fillette était sans antécédent particulier. À l’examen clinique, on notait une éruption bulleuse prurigineuse constituée d’éléments d’âge différent : bulles sur base inflammatoire, disposées en rosettes et formant des placards à bordure irrégulière ; croûtes postbulleuses et cicatrices hypopigmentées. Les lésions touchaient le tronc (figure 1), les membres, la zone péribuccale et la vulve (figure 2) et respectaient le cuir chevelu, la région palmo-plantaire et la muqueuse oropharyngée. L’état général était conservé, sans fièvre. Le reste de l’examen clinique était normal. Figure 1. Lésions cervicales : bulles réparties en rosettes, dépigmentation postbulleuse, croûtes. Figure 2. Même aspect au niveau vulvaire. L’examen bactériologique et virologique du contenu d’une bulle est négatif. La biopsie cutanée montre une bulle de siège sousépidermique. Le derme superficiel est le siège d’un infiltrat inflammatoire constitué de quelques lymphocytes et surtout de polynucléaires neutrophiles regroupés en micro-abcès au sommet des papilles dermiques. L’immunofluorescence cutanée directe met en évidence un dépôt linéaire d’IgA au niveau de la jonction dermo-épidermique. La recherche d’anticorps antimembrane basale par immunofluorescence indirecte est négative. L’aspect clinique des lésions et les résultats histologiques ont fait retenir le diagnostic de dermatose bulleuse à IgA linéaire. Après vérification de l’absence d’anémie et de déficit en glucose- 6-phosphate déshydrogénase (G6PD), un traitement par dapsone (Disulone®) a été débuté à la dose de 25 mg/j, sous surveillance de l’hémoglobinémie et de la méthémoglobinémie. La disparition des lésions est obtenue après 15 jours de traitement. Commentaires  La dermatose à IgA linéaire (DIgAL) est une dermatose bulleuse auto-immune sous-épidermique définie par la présence, en immunofluorescence cutanée directe, d’un dépôt linéaire d’IgA sur la membrane basale, à la jonction dermo-épidermique. Il s’agit de la plus fréquente des dermatoses bulleuses auto immunes sous-épidermiques rencontrée chez l’enfant.  L’aspect clinique est plus stéréotypé chez l’enfant que chez l’adulte. L’éruption, parfois prurigineuse, débute le plus souvent avant 5 ans, sous la forme de bulles ou de vésicules survenant sur peau saine ou érythémateuse et se disposant de façon arciforme pour former la caractéristique image en rosette. Les lésions siègent préférentiellement sur les régions périnéales et périorales et sur la face interne des membres, mais peuvent être plus diffuses. L’atteinte muqueuse est plus rare.  L’évolution est le plus souvent marquée par des rechutes, mais la rémission spontanée est possible. La guérison s’observe dans 64 % des cas après 2 ans d’évolution.  L’examen histologique permet un diagnostic de groupe en identifiant une dermatose bulleuse sous-épidermique. C’est l’immunofluorescence cutanée directe qui oriente vers le diagnostic de DIgAL en montrant au niveau de la membrane basale un dépôt linéaire d’IgA, parfois associé à un dépôt moins intense d’IgG, IgM ou de C3. La détection d’autoanticorps circulant par immunofluorescence indirecte est plus souvent positive chez l’enfant que chez l’adulte. Diagnostics différentiels Les principaux diagnostics différentiels à éliminer sont :  l’impétigo bulleux. Ce diagnostic est écarté devant l’étendue des lésions bulleuses, la négativité des prélèvements bactériologiques, la positivité de l’immunofluorescence cutanée directe et l’absence d’évolution favorable sous antibiothérapie adaptée ;  la dermatite herpétiforme, autre dermatose bulleuse autoimmune sous-épidermique, se présente sous la forme de lésions plus symétriques, plus vésiculeuses que bulleuses, sans disposition en rosette, avec des dépôts d’IgA, granuleux et non linéaires ;  le diagnostic d’épidermolyse bulleuse acquise (EBA), dermatose auto-immune très rare, doit être évoqué devant un aspect de DIgAL associé à une atteinte muqueuse importante et une cicatrisation avec formation de grains de milium. Traitement En l’absence de déficit en G6PD, la dapsone constitue le traitement de première intention, à la dose de 1 à 2 mg/kg/j. Elle est efficace dans 75 % des cas. L’amélioration des lésions s’observe après seulement quelques jours de traitement. Celui-ci doit être poursuivi jusqu’à négativation de l’immunofluorescence cutanée directe, sous réserve d’une bonne tolérance hématologique (anémie, méthémoglobinémie). En cas d’échec ou de récidive lors de la réduction des doses de dapsone, une corticothérapie locale ou générale peut être associée. Des cas isolés ou de courtes séries rapportent l’efficacité de la colchicine, de la sulfapyridine, de certains antibiotiques (oxacilline, cotrimoxazole) et d’immunosuppresseurs (mycophénolate mofétil, azathioprine, ciclosporine).

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