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Cas cliniques

Publié le 27 avr 2022Lecture 4 min

Lipoïdoprotéinose d’Urbach-Wiethe : une grande variabilité phénotypique

Omar BOUDGHENE STAMBOULI, Président du CPRS de l’Ouest de dermatologie, Responsable de l’enseignement des maladies cutanées, faculté de médecine CHU de Tlemcen (Algérie)

La maladie d’Urbach-Wiethe, encore appelée lipoïdoprotéinose (LP) ou hyalinose cutanéo-muqueuse est une maladie très rare, héréditaire autosomique récessive (OMIM 247100), dont le gène en cause (ECM1) a été mis en évidence.

Observations Nos observations concernent B.-R et H., des jumelles âgées de 3 ans, issues d’un mariage consanguin de premier degré. Quelques individus de la famille avaient signalé des épisodes de voix rauque sans atteinte cutanée. L’histoire de la maladie semble remonter à l’âge d’un mois, lorsque les parents avaient constaté des lésions vésiculo-bulleuses, initialement sur le visage des deux fillettes, puis sur la face dorsale des mains et des pieds. Les lésions disparaissaient spontanément en laissant des cicatrices atrophiques sur les fesses (figure 1) et dépigmentées. L’évolution était marquée par une alternance de période de poussées et de rémissions. L’examen clinique mettait en évidence une infiltration cireuse de la peau du visage (figure 2), de nombreuses lésions atrophiques pseudo-varioliformes, des érosions du visage, des bras et du tronc, de nombreuses lésions pigmentées avec une surface plus au moins verruqueuse des coudes (figure 3) et des genoux, sans photosensibilité. Des lésions papuleuses translucides réalisaient un aspect perlé du bord des paupières (figure 4). À l’examen de la cavité buccale existaient une langue infiltrée et dépapillée, des lèvres épaissies, éversées et une limitation de l’ouverture buccale. Une infiltration similaire de la muqueuse pharyngolaryngée était présente avec une voix rauque depuis la naissance. Les deux filles avaient un retard de croissance (-2DS), tandis que la courbe pondérale et le périmètre crânien étaient normaux. L’examen neurologique était normal avec un développement psychomoteur satisfaisant. Une blépharite moniliforme sans madarose a été confirmée par l’examen ophtalmologique. Les examens biologiques ont seulement dépisté une anémie microcytaire hypochrome. L’examen histologique d’une lésion cutanée et muqueuse retrouvait un dépôt de substance hyaline homogène, amorphe, éosinophile à la coloration par hématoxyline éosine, PAS (+), prédominant au niveau du derme papillaire ou du chorion superficiel. La coloration rouge Congo était négative. Discussion La lipoïdoprotéinose d’Urbach-Wiethe est une pathologie héréditaire rare transmise sur le mode autosomique récessif ; elle se caractérise par l’accumulation d’une substance anormale, responsable de l’atteinte cutanéo-muqueuse et vraisemblablement systémique. Initialement décrite en Afrique du Sud, 400 cas de LP ont été répertoriés dans la littérature, 70 dans une revue turque, compilés de la littérature française, anglophone et turque, et 29 en Afrique du Sud. Nos deux observations reproduisent les caractéristiques sémiologiques et histologiques de cette rare affection. La maladie se révèle le plus souvent dans la petite enfance et même à la naissance par un enrouement de la voix souvent négligé. Cette dysphonie est le signe d’appel le plus fréquent et le plus précoce. Le spectre dermatologique varie de lésions papuleuses jaunâtres en plaques à des lésions cicatricielles varioliformes. La blépharose moniliforme, traduction clinique de la localisation des lésions papuleuses jaunâtres aux bords libres des paupières, est un signe pathognomonique de la maladie. Elle se manifeste par des papules alignées en colonne faisant évoquer l’aspect de perles enfilées. Les manifestations muqueuses sont généralement les premières à apparaître ; elles sont à l’origine de difficultés d’alimentation : les deux fillettes avaient un retard staturo-pondéral. Les lésions intéressent essentiellement les muqueuses buccale, pharyngée et laryngée, sous forme de plaques blanc jaunâtre sur une muqueuse pâle épaissie donnant un aspect porcelaine caractéristique. Ces lésions sont à l’origine de protrusions, avec des difficultés de parole et de gustation, ulcération des lèvres et de la langue. Chez nos malades, l’atteinte muqueuse était à l’origine de difficulté d’alimentation. L’atteinte des phanères est aussi très caractéristique : la pilosité est peu développée ; les cheveux sont fins et clairsemés avec la présence de plaques alopéciques éparses. Pour expliquer le retard staturo-pondéral, une anomalie de l’ostéoblaste a été suggérée qui deviendrait défectueuse, ressemblant biologiquement aux fibroblastes. Des atteintes systémiques ont été rapportées dans la LP. Elles sont essentiellement neurologiques, constituées de troubles mnésiques, de comitialité ou de troubles neuropsychiatriques survenant tardivement, à l’âge adulte(4,5). La mise en évidence de calcifications temporales bilatérales en forme de haricots sur la tomodensitométrie cérébrale est inconstante, mais elle serait pathognomonique de l’affection pour certains auteurs(4). La pathogénie pourrait être en rapport être en rapport avec un dépôt hyalin cérébral, avec une prédilection pour les capillaires de la région du gyrus hippocampique. Sur le plan histologique, la LP est caractérisée par dépôts de substance hyaline du derme papillaire et du chorion superficiel. Cette substance est éosinophile à l’hématoxyline éosine, homogène, amorphe, diastase résistante, se colorant fortement au PAS, soudanophile. Le diagnostic différentiel peut se poser avec un myxœdème du fait de la raucité de la voix. Avant les résultats histologiques, les papules jaune brunâtre peuvent donner le change avec une xanthomatose disséminée. La protoporphyrie érythropoïétique est éliminée par le dosage des porphyrines. L’évolution de la LP est habituellement bénigne en dehors de la possibilité de survenue de complications laryngées à type de dyspnée aiguë nécessitant parfois le recours à la trachéotomie. Le traitement de fond est décevant ; cependant, des essais thérapeutiques utilisant le diméthylsulfoxyde (DMSO)(6) ou l’étrétinate ont été tentés avec une relative efficacité.

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