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Cas cliniques

Publié le 20 oct 2022Lecture 5 min

Une éruption ayant l’aspect d’une floraison angiomateuse sans en avoir les caractéristiques

Pierre FRANCES et coll.

Une jeune enfant de 2 ans est amenée au cabinet du fait de la présence de lésions multiples cutanées dont l’apparition a été soudaine au niveau des bras et des avant-bras.

En reprenant l’interrogatoire, nous apprenons que 5 jours avant, une consultation avait été réalisée pour la même personne du fait d’une oropharyngite fébrile avec une hyperthermie importante durant plus de 3 jours. Le confrère qui avait examiné cette enfant lui avait uniquement administré un traitement symptomatique (paracétamol), car, selon son avis, il s’agissait d’une vraisemblable virose. Sur un plan clinique, nous remarquons de nombreux éléments au niveau des 2 bras et avant-bras (figure 1). Figure 1. Lésions érythémateuses ceinturées par un halo blanc au niveau du bras et de l’avant-bras.   Ces formations présentent des caractéristiques particulières :   Il s’agit de maculo-papules rouge-violet, lésions qui disparaissent lors de la vitropression ; En périphérie de ces lésions existe une auréole blanche qui semble ceinturer les lésions. En fait, en reprenant la totalité des caractéristiques de ces lésions cutanées, mais aussi du fait qu’elles ont été précédées d’une probable virose, nous pouvons poser le diagnostic de pseudoangiomatose éruptive. ⇒ Origine La pseudoangiomatose éruptive a été décrite pour la première fois en 1969 par Cherry qui avait observé des lésions ayant l’aspect d’angiomes sur 4 jeunes de moins de 10 ans(1). Cette entité demeure rare, et elle est essentiellement observée chez les enfants, surtout entre 8 jours et 10 ans(2,3). Cependant, en 2000, le premier cas de pseudoangiomatose éruptive a été objectivé et décrite chez une femme de 37ans(4). L’origine n’est pas définie de manière claire. Cependant, comme nous pouvons le voir dans ce cas, l’origine virale est le plus souvent évoquée. Dans ce contexte, plusieurs virus ont été incriminés lors de la survenue de ce tableau clinique : entérovirus (cas des échovirus 25 et 32), virus d’Epstein-Barr, cytomégalo-virus, ou un autre virus à ADN non formellement identifié(2,3,5,6). Par ailleurs, des formes familiales sont dans certains cas décrites avec des atteintes retrouvées chez des frères et des sœurs, ou chez les parents (mère ou père)(2,3,7). Une autre origine est parfois discutée : celle d’une participation, lors la genèse de cette dermatose, d’une piqûre d’insecte(2,3). Cette hypothèse été retenue à la suite de la description de cas au sein de communautés d’enfants(8). Dans cette situation, un moustique (culex pipiens pallens) donnerait un tableau clinique superposable à celui de l’érythème ponctué d’Higuchi(8). Ce type d’érythème se caractérise par une plage érythémateuse de petite taille, bien localisée, conséquence d’une réaction immunitaire due aux toxines du diptère, apparenté à une urticaire adrénergique(8). Il a été décrit pour la première fois au Japon en 1943 par Higuchi, puis a été référencé de manière plus exhaustive, 40 ans plus tard, par Walter et Dorinda Shelly(8). Ces hypothèses diagnostiques ne sont pas retenues chez l’adulte, car chez ce dernier la pseudoangiomatose éruptive est le plus souvent due à une immunosuppression liée à l’âge ou d’origine iatrogène (chimiothérapie, traitements comme les corticoïdes ou les immunosuppresseurs administrés dans le cadre de greffes). Elle peut aussi être secondaire à certaines affections néoplasiques (cancers solides ou leucémie)(2,9). ⇒ Discussion Des prodromes sont classiquement décrits dans le cadre de cette dermatose chez l’enfant, manifestations qui précèdent les signes cutanés observés. Il peut s’agir d’une hyperthemie, de plaintes ORL (pharyngite, angine, otite, rhinite), d’une gêne ophtalmologique de type conjonctivite, ou de troubles du transit (essentiellement diarrhée)(10). Le tableau clinique est le plus souvent brutal. Il se caractérise par l’apparition de formations maculo-papuleuses érythémateuses dont la taille est inférieur(2,3,11). Le nombre de ces formations varie ; il n’y a souvent pas de prurit. Les lésions érythémateuses observées disparaissent lors de la vitropression et se recolorent (de la partie centrale vers la partie périphérique) rapidement lorsque cette pression n’est plus appliquée(2,3). D’autre part, on met en évidence dans de nombreux cas un halo blanc qui arrive à encercler la lésion érythémateuse tout comme le nævus de Sutton (figure 2). Figure 2. Nævus de Sutton chez une adolescente de 14 ans, avec au niveau de la plage centrale un nævus et un halo blanc en périphérie. Ces éléments décrits précédemment sont le plus souvent objectivés au niveau de la face, du cou et des joues, ou comme dans notre cas au niveau des membres(2,11). Des atteintes du tronc peuvent être mises en évidence, mais ces dernières sont moins fréquentes(12) . La résolution de cette dermatose est le plus souvent rapide (deux ou trois jours), cela sans donner de quelconques cicatrices ou de troubles pigmentaires résiduels(2). Cependant, il est possible d’observer des formes persistantes durant quelques semaines voire quelques mois(2). Enfin, certains auteurs mettent en avant des possibilités de récurrence, en fait assez rares(2). ⇒ Diagnostic Il est le plus souvent clinique. Cependant, il est possible de recourir à un prélèvement cutané, et à une analyse anatomopathologique qui permet de noter au niveau du derme superficiel et moyen une dilatation des vaisseaux, mais aussi une turgescence des cellules endothéliales(3,13). On ne met pas en évidence de modifications structurelles des vaisseaux comme une augmentation de leur nombre. En revanche existe un infiltrat inflammatoire très léger lymphocytaire (absence de polynucléaires éosinophiles, cependant) autour des vaisseaux du derme superficiel(13). L’épiderme est par ailleurs indemne de toute atteinte vasculaire caractéristique, qui est à l’origine de son identification comme une pseudoangiomatose, ce qui différencie cette entité d’un angiome(12). ⇒ Prise en charge La prise en charge consiste à dédramatiser la situation dès lors que les parents anxieux viennent avec leurs enfants. On doit leur expliquer que cette pseudoangiomatose éruptive est une dermatose bénigne dont l’évolution sera toujours favorable en l’absence de traitement. Il est possible de prescrire des antihistaminiques en cas de prurit, rarement observé.

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