Publié le 31 oct 2022Lecture 5 min
Urticaire chronique - Conduite à tenir chez l’enfant
Denise CARO, Boulogne-Billancourt
On estime que 0,1 % à 1,5 % des enfants et 1,8 % des adultes présentent une urticaire chronique(1). En 2021, une conférence de consensus a précisé la stratégie thérapeutique à appliquer chez les patients âgés de plus de 12 ans(2). Bien qu'on manque de données pour faire des recommandations claires chez les enfants plus jeunes, les experts ont fait des propositions de prise en charge les concernant.
L'urticaire chronique (UC) est définie par l’apparition quotidienne ou quasi quotidienne de papules urticariennes et/ou de lésions d’angioœdèmes pendant au moins 6 semaines. On distingue, l’UC inductible (UC-i) systématiquement déclenchée par un facteur bien identifié (froid, chaleur, vibrations, eau, pression ou soleil) et l’UC spontanée (UCS) pour laquelle aucun facteur déclenchant n’est mis en évidence.
Des travaux récents ont permis de mieux comprendre la physiopathologie de l’UCS. On estime que ce serait une maladie auto-immune dans plus de 70 % des cas chez l’adulte(3). Deux types d’UCS sont décrits : l’UCS auto-immun de type I (ou UCS « auto- allergique ») et l’UCS de type IIb (ou UCS auto-immun à proprement parler). L’UCS de type I est associée à la présence d’auto-anticorps IgE dirigés contre des peptides du soi, notamment des IgE anti-TPO (thyroperoxydase).
Le complexe IgE-TPO se fixe sur le récepteur IgE et entraîne la dégranulation et le relargage d’histamine et de tryptases et la production de cytokines pro-inflammatoires à l’origine des papules urticariennes. Ces patients ont des taux IgE élevés et sont bons répondeurs à l’omalizumab. Au cours de l’UCS de type IIb, on retrouve des auto-anticorps IgG dirigés contre les IgE ou leur récepteur (FcERI), responsables de la dégranulation des mastocytes à l’origine du relargage d’histamine et des lésions d’urticaire. Ces patients ont fréquemment des IgG anti-TPO et répondent moins bien à l’omalizumab ; la ciclosporine donne chez eux de meilleurs résultats.
Le mastocyte et le basophile ne sont pas les seules cellules impliquées dans l’UC ; peuvent l’être également les cellules endothéliales, les facteurs de la coagulation (notamment pour le recrutement des cellules inflammatoires sur le site de l’urticaire) ou les éosinophiles. Toutes ces cellules sont des cibles thérapeutiques potentielles.
> Traitement chez l'enfant de plus de 12 ans
Une conférence de consensus tenue en 2021 à Berlin a proposé un algorithme thérapeutique très clair dans l’UC de l'enfant de plus de 12 ans(2).
En première intention, le traitement repose sur les antihistaminiques de type I (anti-H1) de 2e génération à dose usuelle, que l’on peut augmenter jusqu’à 4 fois, soit progressivement (toutes les 1 à 4 semaines), soit en une seule fois. Le traitement est ensuite diminué jusqu’à la dose minimale efficace. L’association de plusieurs anti-H1 n’est pas recommandée, même chez l’enfant. En cas d’échec, l’omalizumab (300 mg toutes les 4 semaines chez l’enfant de plus de 12 ans) est associé aux anti-H1. Si besoin la posologie peut être augmentée à 600 mg toutes les 2 semaines.
En 3e ligne, en cas de nouvel échec, le traitement de choix reste la ciclosporine à la dose de 3 à 5 mg/kg/jour, en surveillant de près la survenue d’effets secondaires.
Les experts ont rappelé que la corticothérapie par voie générale n’avait pas sa place dans le traitement au long cours de l’UC. Elle peut parfois être utile de façon très épisodique en cas de poussée importante. De même, aucun régime alimentaire n’est indiqué et l’éviction des AINS ne se justifie que si leur responsabilité dans l’urticaire est clairement démontrée. Enfin, les anti-H2, souvent utilisés chez l’enfant, n’ont pas d’intérêt dans l’UC, excepté s’il existe des signes digestifs.
Le traitement de l’UCS est un traitement au long cours d’au moins 6 mois. L’arrêt de l’omalizumab peut être envisagé 6 mois après une réponse complète et l’anti-H1est maintenu à pleine dose au moins un mois après l’arrêt de l’omalizumab. Les récidives sont fréquentes. On reprend les anti-H1, puis si besoin on leur associe à nouveau l’omalizumab avant de tenter une nouvelle interruption.
> Que proposer chez les moins de 12 ans ?
Même si les données de la littérature ne permettent pas d’émettre des recommandations chez l’enfant de moins de 12 ans, les experts à Berlin ont proposé quelques pistes. La prise en charge initiale doit être la même que chez l’enfant plus grand : anti-H1 simple dose, si besoin augmenté progressivement jusqu’à 4 fois la dose standard. Les anti-H1 de première génération, très utilisés chez l’enfant, ne sont pas recommandés en cas d’UCS. À noter qu’aucun anti-H1 n’a d’AMM chez les moins d’un an. La desloratadine et la cétirizine sont les plus étudiés chez le tout-petit. La desloratadine, bien tolérée, peut être utilisée si besoin.
En 2e et 3e lignes, les experts suggèrent également de suivre le même algorithme que chez les plus de 12 ans, à savoir : l’omalizumab associé aux anti-H1, et en cas d’échec les anti-H1 associés à la ciclosporine. Ils fondent leur position sur les résultats d’une étude récente(4), portant sur 18 enfants âgés de 5 à 12 ans réfractaires aux anti-H1 à fortes doses, qui ont reçu de l’omalizumab.
À 8 semaines, 13 patients avaient bien répondu au traitement et 5 n’avaient pas ou insuffisamment répondu. Les 2 enfants avec une réponse partielle ont poursuivi le traitement en augmentant la dose d’omalizumab ce qui a permis une réponse complète à 12 mois. Les 3 autres enfants en échec d’omalizumab ont reçu de la ciclosporine durant 3 mois. Un enfant a eu une réponse complète. Le dupilumab a été essayé en 4e ligne chez les deux autres enfants. L’un des deux avec un terrain atopique a été amélioré très rapidement par l’anti-IL-4 et anti-IL-13. Les auteurs ont estimé que le dupilumab n’était pas recommandé en cas d’UCS, mais qu’il pouvait être une alternative intéressante chez les enfants avec un terrain atopique sévère(5,6). En pratique chez l’enfant de moins de 6 ans, les traitements de 2e, de 3e et de 4e ligne sont discutés en RCP. La posologie d’omalizumab est adaptée à la surface corporelle. La tolérance semble bonne(7).
D’après la communication de Laura Polivka, Hôpital Necker (Paris)
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