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Allergologie

Publié le 29 mai 2023Lecture 6 min

La recherche de biomarqueurs dans les allergies cutanées

Catherine FABER, d’après les présentations de M.-A. Lefèvre (Saint-Priest-en-Jarez), M. Tauber (Toulouse) et V. Bourdenet (Lyon), CFA 2023

Le développement de biomarqueurs fiables dans les allergies cutanées est un enjeu important en termes d’amélioration diagnostique, de compréhension physiopathologique et de caractérisation des patients. État des lieux des données scientifiques actuelles sur ces outils dans l’eczéma de contact (EC), l’eczéma chronique des mains (ECM) et la dermatite atopique (DA).

Il est souvent difficile de distinguer l’EC allergique (ECA) et l’EC irritant (ECI) en pratique clinique. Le diagnostic de l’ECA repose sur les patch-tests réalisés dans un centre expert de l’eczéma (l’ECI est un diagnostic d’élimination). Cette démarche est limitée par le délai d’accès aux centres experts, par son coût et par la spécificité variable des patch-tests due à des réactions irritatives à l’origine de faux positifs. D’où la nécessité de développer de nouvelles approches diagnostiques pour améliorer la prise en charge des EC. La recherche sur les biomarqueurs (BM) a largement bénéficié de l’avènement des technologies « omics ». Aujourd’hui, l’analyse moléculaire semble la technique la plus sensible. Des profils moléculaires distincts ont été rapportés avec cette approche. Il s’agit toutefois d’études réalisées dans leur grande majorité chez la souris, avec un manque d’approche globale puisque les BM étudiés étaient préalablement sélectionnés. En outre, il y a eu peu d’investigations des lésions cliniques, les équipes s’étant concentrées sur des modèles expérimentaux de patch-tests. Comme l’indiquent des travaux basés sur plusieurs étu- des cliniques translationnelles, l’analyse transcriptomique est une méthode très prometteuse pour identifier des BM dans l’EC (1,2). Ils révèlent que l’expression combinée de 12 BM permet de distinguer clairement l’inflammation induite par les allergènes de celle induite par les irritants, que ce panel de BM d’allergie est exprimé dans les lésions cliniques d’ECA et dans celles induites par le patch-test, et que leur niveau d’expression corrèle avec l’intensité clinique des réactions et la dose d’haptène appliquée. Leur détection pourrait révolutionner le processus diagnostique de l’EC. Elle permettrait, en effet, de stratifier les patients dès la première consultation et d’adresser à un centre expert uniquement ceux qui présentent une signature d’allergie. Ces BM pourraient aussi aider à interpréter les patch-tests dans les cas douteux. Il est possible de détecter des BM sur des microbiopsies, qui sont peu invasives et mieux acceptées par les patients que les biopsies conventionnelles, et dont la réalisation ne nécessite pas de compétences particu-ières.   QUELLE AIDE DANS L’ECM ?   Dans l’ECM, l’essor actuel de la recherche thérapeutique laisse penser que les BM de réponse pharmacologique sus- citeront un grand intérêt à l’avenir. Pour l’heure, les données disponibles portent sur les BM associés à la maladie et sont limitées. Des éléments de la littérature suggèrent que leur recherche pourrait avoir un intérêt pour distinguer l’ECM hyperkératosique du psoriasis palmaire(3,4). Cependant, on est loin d’avoir identifié des BM permettant de différencier efficacement ces deux phénotypes. Du côté des BM pronostiques ou de sévérité, l’une des quelques publications rapporte une différence significative de la densité en Staphylococcus aureus entre les formes sévères et modérées d’ECM(5). Ce paramètre est connu dans la DA mais peu utilisé en routine en raison de l’existence de scores cliniques de sévérité. Il en sera probablement de même dans l’ECM. C’est sur les BM de stades ou de sous-classes pathologiques que la recherche semble plus intéressante, et ce dans le contexte d’une absence de consensus sur la classification de l’ECM. Une étude translationnelle menée dans le cadre de l’essai DUPECZEMAIN* a permis d’avancer dans la compréhension du phénotype complexe de l’ECM(6). Ses auteurs ont réalisé un séquençage de l’ARN total à partir de biopsies cutanées de patients atteints d’ECM avant intervention thérapeutique et de donneurs sains contrôles appariés en âge et en sexe. Ils ont identifié des gènes différentiellement exprimés entre les patients et les contrôles, et deux clusters de patients. Le premier se caractérise par une surexpression des gènes de la barrière et plutôt un profil inflammatoire, et le second, par une surexpression des gènes des peptides antimicrobiens. Après comparaison des signatures transcriptomiques observées à celles obtenues de bases de données publiques de patients atteints de diverses pathologies, il apparaît de façon surprenante que l’ECM partage pour au moins 50 % ces gènes variables avec la DA et le psoriasis en plaques. En revanche, le chevauchement avec les dermites de contact allergique et irritative, et le psoriasis palmoplantaire est faible. À noter que les méthodes utilisées pour conserver les gènes étaient différentes, ce qui a pu induire un biais d’analyse. Des résultats proches ont été observés dans la forme vésiculeuse récurrente d’ECM(7).   MIEUX CARACTÉRISER LA DA   Dans la DA, les BM de monitoring (sévérité, bonne réponse thérapeutique) ont un intérêt assez limité en pratique quotidienne. Il y a surtout un besoin de mieux caractériser la maladie. Plusieurs publications récentes sont consacrées la recherche sur les BM de stratification (caractérisation d’endotypes cutanés et inflammatoires). L’une d’entre elles a mis en évidence quatre endotypes cutanés avec une corrélation associée à la sévérité, et retrouve un rôle potentiel des lymphocytes B(8). Quatre clusters de patients possédant une signature spécifique de marqueurs inflammatoires ont été identifiés par une première équipe puis confirmés par une seconde(9,10). Ces endotypes inflammatoires déterminés à partir d’un nombre restreint de protéines sériques sont, eux aussi, corrélés à la sévérité. Deux endotypes de la DA, éosinophilique et non éosinophilique, ont été décrits dans une autre étude sur des prélèvements de sang(11). Les BM permettent donc une stratification endotypique des patients atteints de DA, mais il n’y a pas encore de consensus scientifique à ce sujet ni de réelle application clinique. Les BM de prédiction (réponse thérapeutique, histoire naturelle) constituent un deuxième domaine de recherche très active dans la DA. Dans l’étude précédemment citée, il y avait plus de super-répondeurs au dupilumab dans le groupe des patients caractérisés eosino-phil-low (32 % versus 11 %)(11) et des données sur le fézakinumab versus placebo font état d’une association entre une forte expression cutanée de l’IL-22 et une meilleure réponse au traitement en termes de SCORAD(12). Enfin, le suivi prospectif, jusqu’à l’âge de 2 ans, d’enfants chez qui un prélèvement cutané par tape stripping a été réalisé à 2 mois a fait ressortir des facteurs prédictifs de DA avec un odd ratio allant de 2,3 pour les antécédents familiaux jusqu’à 54 lorsqu’on y ajoute l’IL-13 et les anomalies des lipides de la couche cornée(13). L’ensemble de ces données nécessite une confirmation sur de plus grandes cohortes, mais on devrait pouvoir disposer d’ici peu d’outils utiles, avec la perspective de passer d’un traitement pour tous à un traitement adapté à chaque patient. * Essai clinique institutionnel français dupilumab vs placebo dans l’ECM modéré à sévère réfractaire aux DC d’activité très forte chez l’adulte (en cours). Session «Biomarqueurs dans les allergies cutanées à l’heure de la médecine 6P ». D’après les présentations de M.-A. Lefèvre (Saint-Priest-en-Jarez), M. Tauber (Toulouse) et V. Bourdenet (Lyon), 18e Congrès francophone d’allergologie (CFA), 25-28 avril 2023.

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