Publié le 25 sep 2023Lecture 4 min
Nævus de l’enfant : quelle prise en charge aujourd’hui ?
Olivia BOCCARA, dermatologue, Paris
Les nævi sont un motif fréquent de consultation en dermatologie chez l’enfant. Est-il vraiment utile de surveiller ces nævi ? Et dans les cas plus rares de nævi congénitaux multiples ou de grande taille, une prise en charge spécifique est-elle obligatoire ? Olivia Boccara fait le point sur ces questions.
Les nævi sont des lésions cutanées, parfois muqueu ses, correspondant à l’accumulation de mélanocytes de manière localisée dans la peau. Ce sont des lésions bénignes. Les nævi acquis apparaissent et se développent de façon physiologique pendant l’enfance. Ils seront plus nombreux sur peau claire et en cas d’expositions solaires précoces. Ils sont de petite taille, mesurant quelques millimètres en règle générale, dé passant rarement un centimètre de grand axe.
LES NÆVI CONGÉNITAUX CONCERNANT 1% DES ENFANTS
Les nævi peuvent être présents à la naissance, ce sont les nævi congénitaux, observés chez environ 1 % des nouveau-nés. Il s’agit d’une situation sporadique, c’est-à-dire non héréditaire. Dans ce cas, ils peuvent être de taille très variable, de quelques millimètres à plusieurs dizaines de centimètres, uniques ou multiples, quelle que soit leur taille. Ils grandissent naturellement avec la croissance physiologique de l’enfant. Ils peuvent se modifier en terme d’épaisseur, être pileux et volontiers s’éclaircir partiellement(1).
Chez l’adulte, les nævi sont volontiers surveillés ou régulièrement examinés, car ils peuvent être difficiles à discerner d’un mélanome, prolifération mélanocytaire maligne non exceptionnelle chez l’adulte et nécessitant une prise en charge la plus précoce possible. Si les nævi apparaissent de façon physiologique pendant toute l’enfance, l’observation d’une lésion mélanocytaire nouvelle chez un adulte est par définition un phénomène suspect. De la même manière, l’adulte n’étant plus un individu en croissance, les nævi acquis pendant l’enfance ne doivent plus se modifier ou augmenter en taille.
Contrairement à l’adulte, la survenue d’un mélanome chez l’enfant reste un événement exceptionnel(2,3). Par ailleurs, les nævi augmentent en taille et se modifient physiologiquement avec la croissance de l’enfant. Ainsi, les critères évolutifs cliniques conduisant à suspecter un mélanome chez l’adulte sont inappropriés chez l’enfant, chez qui l’apparition des nævi, leur modification et leur croissance sont des phénomènes physiologiques, quelle que soit la topographie de la lésion.
LE RISQUE DE MÉLANOME EST CORRÉLÉ À LA SÉVÉRITÉ DU NÆVUS CONGÉNITAL
S’il existe bien un risque accru de mélanome chez les enfants atteints de nævus congénital, celui-ci est corrélé à la sévérité du nævus, en termes de nombre et de taille. Il n’y a pas de démonstration que les nævi congénitaux de taille petite à moyenne soient associés à un risque plus élevé de mélanome. De plus, ce risque reste faible, autour de 1 à 2 % dans les présentations les plus sévères de nævi multiples nombreux et/ou occupant plus de 50 % de la surface corporelle. Ces mélanomes sont par ailleurs plus volontiers à point de départ viscéral(4-6). Ces situations sont aussi caractérisées par le risque d’atteinte systémique, et en particulier neurologique(5). Enfin, en fonction de l’étendue de la topographie et de la couleur des lésions, la problématique esthétique peut être majeure.
EN PRATIQUE
Ainsi, chez l’enfant les nævi acquis ou congénitaux de taille petite et moyenne ne présentent pas de risque particulier, et ne nécessitent donc pas de surveillance systématique, y com pris dans les localisations atypiques comme le cuir chevelu, les plan tes de pied ou les ongles. À partir de l’adolescence, la surveillance éventuelle sera adaptée en fonction des antécédents familiaux, du phototype, du nombre et du type de nævus du patient.
Il n’y a pas d’indication non plus à procéder de manière systématique à l’exérèse des nævi congénitaux. Cependant, si une lésion est jugée suspecte à l’examen clinique, elle sera retirée en vue d’une analyse histologique.
Les patients atteints de nævi multiples ou/et de grande ou très grande taille seront pris en charge de façon multidisciplinaire (dermatologue, pédiatre, chirurgien plasticien, psychologue) depuis leur naissance. Lors de la découverte à la naissance d’un nævus congénital, quelle qu’en soit la présentation, si l’examen clinique général est par ailleurs normal, il n’y a pas d’indication à faire des examens complémentaires, mais leur prescription pourra être discutée lors d’une consultation spécialisée(7). Le suivi permet de dépister les éventuelles complications médicales dermatologiques, neurologiques et de développement, et psychosociales, de répondre au mieux et de guider la de mande d’amélioration esthétique, le seul traitement disponible actuellement étant la chirurgie(8). La prise en charge repose de façon égale sur le suivi pédiatrique de proximité et le suivi spécialisé.
Pour tous les patients, la protection solaire doit être fortement recommandée sur la totalité du tégument.
Figure 1. Nævus congénital de taille moyenne.
Figure 2. Nævus congénital géant.
Figure 3. Pâlissement spontané, partiel, d’un nævus congénital de grande taille.
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