Publié le 29 avr 2024Lecture 4 min
Les séquelles non oculaires des nécrolyses épidermiques toxiques
Catherine FABER, d’après la présentation de B. Milpied, Bordeaux, 44e cours du GERDA
La phase chronique des nécrolyses épidermiques toxiques est dominée par des séquelles invalidantes quasi constantes (90 % des patients à 1 an)(1). Elles peuvent se développer même après la cicatrisation complète des lésions.
Les nécrolyses épidermiques toxiques (NET) incluent les syndromes de Stevens-Johnson, de Lyell et le syndrome de chevauchement. Parmi les séquelles de ces maladies rares, les séquelles oculaires sont les plus graves. Les séquelles non oculaires les plus fréquentes sont les séquelles psychologiques et psychiatriques, en particulier le syndrome de stress post-traumatique. Elles affectent également la peau, les phanères, les muqueuses orales et génitales ainsi que les sphères digestive et pulmonaire.
Peau et phanères
Les troubles pigmentaires cutanés surviennent dans 25 à 100 % des cas et sont plus fréquents chez les sujets à phototype élevé. Ils s’améliorent très lentement, au cours des 2 à 5 ans après la phase aiguë. Leur prise en charge repose sur les émollients et sur une protection solaire rigoureuse maintenue pendant les cinq étés suivant le syndrome de NET. Le développement de cicatrices hypertrophiques est plus rare. D’après certaines études, 53 % des patients ont un prurit chronique lié à une sécheresse cutanée qui nécessite un traitement par émollients. Des cas de photosensibilité ont été signalés dans les mois, voire les années, après un syndrome de Lyell. Cette séquelle encore mal comprise est le plus souvent transitoire. En ce qui concerne les troubles des phanères, des dystrophies unguéales sont rapportées chez 40 % et jusqu’à 70 % des patients selon les équipes. Elles peuvent être permanentes et, dans ce cas, avoir un impact esthétique et surtout fonctionnel important. Ces séquelles sont d’autant plus fréquentes que la nécrolyse a été sévère. Les déformations les plus communes sont les lignes de Beau (35 %), l’onychomadèse (28 %) et la dyschromie distale de la tablette unguéale (18 %)(2). De nombreuses autres atteintes unguéales peuvent apparaître comme une onycholyse, une onychorrhexis, des fissures, une anonychie, une érythronychie, un pterygium, une koïlonychie. Une alopécie est constatée dans près de 80 % des cas dans les six mois qui suivent la fin de la phase aiguë. Elle est habituellement transitoire.
Atteintes buccales, dentaires et génitales
Les lésions de la muqueuse orale se traduisent par un syndrome sec buccal avec des anomalies salivaires, des altérations de la muqueuse linguale et gingivale avec un érythème, une dystrophie papillaire et des synéchies gingivales, des atteintes lichénoïdes, voire un vrai lichen gingival ou lingual, des ulcérations buccales douloureuses rares mais persistant sur des mois ou des années, et des anomalies dentaires diverses chez les patients, adultes comme enfants (caries, anomalies des racines, perte de dents, parodontites sévères). Chez les enfants, on peut observer des anomalies de croissance de la deuxième dentition (agénésie, dysmorphie des racines, microdontie, etc.). Sur le plan génital, une étude du CHU Henri-Mondor* a montré que la fréquence respective des atteintes vulvaires et vulvovaginales en phase aiguë est de 70 % et de 11 %. Dans les 7 mois qui suivent, 12,5 % des patientes ont des séquelles fibrosantes entraînant des douleurs avec souvent des dyspareunies ou des synéchies. Chez l’homme, les séquelles génitales sont représentées par les balanoposthites et les synéchies. La prise en charge en phase aiguë est fondamentale, en particulier les soins génitaux avec, si possible, la pose d’un conformateur vaginal chez la femme. L’application de dermocorticoïdes forts au niveau des muqueuses génitales peut être envisagée. Les séquelles génitales ont à l’évidence des répercussions psychologiques majeures, indépendantes de la sévérité de l’atteinte.
Séquelles psychologiques
Les séquelles psychologiques et psychiatriques sont les deuxièmes en termes de fréquence après les séquelles oculaires. L’impact psychologique majeur à la phase aiguë concerne davantage l’entourage du patient qui est sédaté. À distance, plus de 50 % des patients souffrent soit d’un réel stress post-traumatique, soit de dépression associée ou non à des idées suicidaires. La fréquence de l’anxiété et de la peur du médicament, qui sont quasi constantes, justifie la mise en place systématique d’un suivi psychologique. Enfin, les séquelles ORL et pulmonaires sont beaucoup moins fréquentes. D’après des données du centre Henri-Mondor, 31 % des patients présentent une atteinte pulmonaire à la phase aiguë. Les explorations fonctionnelles respiratoires réalisées à 1 an révèlent une baisse modérée de la capacité de diffusion du monoxyde de carbone (DLCO) chez 40 % des patients. Cette anomalie est corrélée à l’importance du décollement cutané, mais pas à l’atteinte pulmonaire initiale.
Suivre et dépister
Les patients doivent bénéficier d’un suivi régulier durant la première année, à 2 mois, à 6 mois et à 12 mois de l’épisode aigu(1). Ce suivi peut être prolongé et/ou rapproché en fonction des séquelles observées. Les préconisations indiquent que le suivi systématique des patients sans séquelles à 1 an n’est probablement plus justifié. Certains médecins recommandent néanmoins un suivi annuel pendant au moins 5 ans. Il est réalisé en hôpital de jour et inclut un dépistage de toutes les séquelles. Le dépistage et la prise en charge des séquelles nécessitent une approche multidisciplinaire coordonnée par le dermatologue du centre national de référence ou de l’un des centres de compétence. L’association de patients AMALYSTE a aussi un rôle important dans ce cadre.
* Centre national de référence des dermatoses bulleuses toxiques et toxidermies graves, Créteil.
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