Thérapeutique
Publié le 07 juin 2024Lecture 4 min
Feu vert pour la primoprescription des biothérapies en dermatologie de ville
Marius-Anton IONESCU, Polyclinique de dermatologie, pôle Maladies inflammatoires, Hôpital Saint-Louis, Paris
Les biothérapies ont modifié la prise en charge des maladies inflammatoires cutanées chroniques et en particulier le psoriasis en plaques modéré à sévère et le rhumatisme psoriasique. Jusqu’à présent cette classe de médicaments devait être prescrite initialement à l’hôpital (PIH) par des spécialistes dermato-vénérologues. À l’initiative de l’ANSM, une réévaluation des conditions de prescription et de délivrance des biothérapies vient tout récemment d’aboutir à la levée de la PIH ; l’initiation de la prescription des biothérapies par les dermatologues libéraux en cas d’échec ou CI d’un traitement non biologique (méthotrexate ou photothérapie en première ligne) est aujourd’hui possible. Explications.
Le traitement du psoriasis en plaques modéré à sévère a connu les vingt dernières années une évolution importante, due notamment à l’apparition des biothérapies, des anticorps monoclonaux ciblant spécifiquement les principales interleukines impliquées dans la cascade inflammatoire psoriasique. Depuis leur AMM en France, les biothérapies ont été classées comme «médicaments soumis à prescription restreinte/à prescription initiale hospitalière (PIH) »(1) – classe de médicaments réservée à la prescription initiale par les médecins spécialistes en dermatologie vénéréologie hospitaliers (prescription sur ordonnance d’exception). L’AMM de la prescription des biothérapies était strictement liée à la condition d’un échec thérapeutique ou à une contre-indication (CI) à deux sur trois traitements « conventionnels» du psoriasis en plaques modéré à sévère parmi le méthotrexate et/ou la ciclosporine et/ou la photothérapie.
En 2022, la prescription des biothérapies en France a été alignée avec la réévaluation européenne de la place des biothérapies dans la stratégie thérapeutique pour le traitement du psoriasis en plaques modéré à sévère : après l’échec ou CI à une première ligne de traitement systémique «non-biologique »(2) (figure). Les médecins dermatologues libéraux avaient le droit de renouveler la prescription d’une biothérapie uniquement après une PIH, avec l’obligation d’une réévaluation annuelle du patient sous biothérapie par un dermatologue hospitalier.
Figure. Les indications des traitements topiques et systémiques du psoriasis en plaques. PASI : Psoriasis Area and Severity Index ; BSA : Body Surface Area, surface cutanée atteinte; DLQI : Dermatology Life Quality Index : qualité de vie ; Anti-IL-17 : anti-interleukine-17; Anti-IL-23 : anti-interleukine-23; Anti-TNF : anti-Tumor Necrosis Factor-alpha ; Anti-IL12/23 : anti-interleukines-12/23.
En 2023, l’AnsM a initié (à la suite des démarches notamment du syndicat national des dermatologues-vénéréologues) le réexamen des conditions de prescription et de délivrance des biothérapies, afin de permettre l’initiation de la prescription des biothérapies par un médecin spécialiste de ville (toujours sur ordonnance d’exception), sans l’obligation que la prescription en ville succède à une PIH.
Le 17 avril 2024, l’obligation de la PIH des biothérapies pour le psoriasis en plaques modéré à sévère et pour le rhumatisme psoriasique a été levée par l’ANSM. Dans ce contexte, les médecins dermatologues libéraux pourront prescrire une biothérapie, sans PIH, pour les patients porteurs d’un psoriasis en plaques modéré à sévère ou d’un rhumatisme psoriasique, en cas d’échec ou de CI à une première ligne de traitement systémique «non biologique», et, dans ce cas, avant d’initier une biothérapie en ville, un bilan préthérapeutique doit être réalisé.
BILAN PRÉTHÉRAPEUTIQUE
Le bilan préthérapeutique à réaliser avant initiation en ville d’une biothérapie est le suivant(3).
• Prescription
Prescription de biothérapie en cas d’échec ou CI d’un traitement non biologique : méthotrexate ou photothérapie en première ligne.
• Vérification des antécédents
Tuberculose (ou contact), HIV, cancers, maladies cardiovasculaires, maladies chronique respiratoires, maladies auto-immunes (lupus, etc.), affections neurologiques (démyélinisantes, névrite optique), maladies hépatiques (hépatite B ou C, consommation excessive d’alcool), diabète, dépression, autres comorbidités du psoriasis. Écarter toute suspicion d’insuffisance cardiaque, pulmonaire, hépatique, neurologique, de troubles psychiatriques pouvant impacter l’observance. Pour les femmes : contraception en cours ou désir de grossesse.
• Vaccination
– Vaccins conseillés avant l’initiation d’une biothérapie : antipneumocoque, antigrippe.
– Vaccins recommandés : DTPolio, hépatite B, anti-COVID-19. Ne pas administrer des vaccins à germes vivants 4 semaines avant et pendant le traitement par biothérapie : vaccin anti-fièvre jaune, BCG, ROR, varicelle/zona.
• Bilan sanguin
– NFS
– Transaminases
– Créatinine
– Sérologies hépatite B, C
– Sérologie HIV : « accord patient(e) »
– Test QuantiFERON: préciser sur l’ordonnance «bilan préthérapeutique biothérapie»
– Bêta-HCG (femmes en âge de procréer)
– PSA (hommes > 50 ans)
– CRP
– Électrophorèse des protéines sériques
• Bilan radiologique
– Poumons/panoramique dentaire
– Articulations (en cas de suspicion d’atteinte articulaire)
– Mammographie (femmes > 50 ans)
• Bilan clinique
– Pas de signe d’infection
– Pas d’adénopathie
– Pas de signes de néoplasie pas d’insuffisance cardiaque.
EN CONCLUSION
La prescription des biothérapies en ville pour le psoriasis en plaques modéré-à-sévère et/ou pour le rhumatisme psoriasique, sans PIH, est une bonne nouvelle pour tous les dermatologues; le respect des règles de prescription restant un élément important pour le patient ainsi que pour le dermatologue prescripteur.
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