Publié le 30 mai 2024Lecture 6 min
Eczéma de contact : du petit enfant au sujet âgé
Catherine FABER, d’après les communications de Brigitte Milpied-Homsi (Bordeaux), Fabienne Nadia Raison-Peyron (Montpellier) et Camille Leleu (Dijon)
L’eczéma de contact allergique peut survenir à tout âge, et ce dès la petite enfance. Il existe des caractéristiques cliniques, étiologiques et exploratoires propres à chaque catégorie d’âge. Quel que soit l’âge du patient, un interrogatoire policier est nécessaire pour identifier la cause de l’eczéma et guider l’exploration allergologique, et tous ses produits « personnels » (produits d’hygiène, cosmétiques, topiques médicamenteux…) doivent être testés.
Chez l’enfant de moins de 3 ans, les antiseptiques locaux sont des allergènes auxquels il faut penser. La Biseptine® est le plus utilisé de ces produits en France. Ses trois composants, la chlorhexidine, le chlorure de benzalkonium et l’alcool benzylique ont un potentiel allergisant. Dans une étude chez 641 enfants atteints de dermatite atopique (DA), la chlorhexidine est apparue comme le deuxième allergène le plus fréquemment en cause dans l’eczéma de contact, après les émollients (respectivement 42 % et 47 %)(1). Les données d’une série pédiatrique de 14 patients montrent qu’une réaction allergique de contact aux antiseptiques peut se développer chez de très jeunes enfants(2). Il s’agissait d’enfants pour la plupart non atopiques. Dans la majorité des cas, un diagnostic initial erroné d’érysipèle ou de cellulite avait conduit à leur mise sous antibiothérapie orale. Les trois composants de la Biseptine® pouvaient être impliqués, principalement la chlorhexidine et/ou le chlorure de benzalkonium. Les auteurs de cette étude pointent du doigt la responsabilité des soins du cordon ombilical dans la sensibilisation à la chlorhexidine dès le plus jeune âge (6 patients sur 8 avaient eu un retard de cicatrisation du cordon). Un eczéma de contact a par ailleurs été rapporté chez 15 % des prématurés après l’application de compresses imprégnées autour d’un cathéter veineux ombilical pendant 7 jours. Pour les soins du cordon, le lavage à l’eau et au savon est suffisant dans les pays industrialisés. Quelques cas de réactions d’hypersensibilité immédiate IgE médiée à la chlorhexidine, avec choc anaphylactique, ont été décrits chez l’enfant.
En ce qui concerne les autres allergènes, les enfants peuvent se sensibiliser très tôt aux parfums. L’utilisation des huiles essentielles est contre-indiquée jusqu’à l’âge de 3 ans en raison des risques toxiques et non pour des risques allergiques. Les isothiazolinones sont encore largement utilisés dans de nombreux produits. Dans une série de 15 cas pédiatriques d’eczéma de contact aux isothiazolinones, les sources d’exposition chez les enfants de 2 et 3 ans étaient des cosmétiques de type lingettes, lait et lotion hydratante(3). Depuis l’évolution de la législation sur ces conservateurs, les allergies aux MCI/MI (méthylisothiazolinone/méthylchloroisothiazolinone) présents dans les produits cosmétiques sont moins fréquentes. Comme dans cette étude, les cas observés chez les plus grands enfants sont donc essentiellement liés à des produits non cosmétiques comme les peintures à l’eau et des jeux.
Les granulomes post-vaccinaux, dont la fréquence ne cesse d’augmenter, sont associés à une sensibilisation de contact à l’aluminium qui survient au cours de la première année de vaccination et sont favorisés par les injections trop superficielles. Ils régressent spontanément dans un délai de plusieurs mois à quelques années. Cette sensibilisation est probablement transitoire et ne remet pas en cause la vaccination. Quoi qu’il en soit, l’aluminium devrait être inclus dans la batterie standard des enfants. Son inclusion dans la batterie standard européenne (BSE) des adultes est à discuter.
PAS DE BATTERIE STANDARD CONSENSUELLE CHEZ L’ENFANT
Il faut se rappeler que l’enfant de moins de 3 ans est le terrain par excellence de l’eczéma par procuration(4). Dans cette population, les topographies d’eczéma devant faire évoquer un eczéma de contact sont en priorité l’atteinte péri-ombilicale ou sous les élastiques, celle du siège et du visage, ainsi que les atteintes palmaire et plantaire(4). Les tests peuvent être réalisés même chez le tout-petit, avec la possibilité de les étendre au-delà du dos. En France, il n’y a pas de batterie standard consensuelle chez l’enfant, quel que soit son âge. On utilise donc des « batteries maison ». Certains allergènes « forts » doivent être testés à concentration réduite. Il est important de faire des ajouts à cette batterie standard en fonction du contexte. La lecture des tests chez le petit enfant, surtout s’il est atopique, peut être difficile en raison de la fréquence des tests irritatifs à cet âge.
Chez l’enfant d’âge scolaire et chez l’adolescent, le diagnostic d’eczéma de contact est longtemps sous-estimé, car c’est une période de la vie où la DA est fréquente. Or, qu’ils soient atopiques ou non, tous les enfants peuvent se sensibiliser à des produits chimiques environnementaux. En cas de DA connue, il faut y penser devant des lésions de topographie inhabituelle, résistantes à un traitement bien conduit ou s’aggravant sous traitement, ou à début tardif.
Comme chez l’adulte, la topographie initiale des lésions est un élément d’orientation. Chez l’adolescent, le spectre des allergènes de contact est également similaire à celui des adultes, incluant des sensibilisants professionnels.
Les tests épicutanés chez les enfants sont considérés comme sûrs et sont recommandés lorsqu’une dermatite de contact allergique est suspectée ou doit être exclue comme chez l’adulte(5). À partir de l’âge de 10-12 ans, la batterie standard européenne (BSE) peut être utilisée. Pour les enfants entre 6 et 12 ans, il n’y a pas de consensus. On utilise le plus souvent la BSE plus ou moins réduite en fonction de l’histoire clinique et de la fréquence de certains allergènes. Une «mini » batterie standard européenne a été proposée en 2015 par l’EAACI (European Academy of Allergy and Clinical Immunology) mais sans distinction en fonction de l’âge de l’enfant(6).
Le sport est une source importante d’exposition des enfants et des adolescents. Les allergènes incriminés incluent les thiourées, présents dans les chaussures et les combinaisons et chaussons de plongée sousmarine, et l’acétophénone azine dans la mousse d’éthylène vinyle acétate des protègetibias, mais aussi dans des baskets et des tongs(7). Douze cas d’eczéma de contact à cet allergène ont été publiés, dont 11 chez des garçons de 6 à 17 ans et 1 seul chez un adulte de 29 ans. Dans l’Union européenne, il est classé comme sensibilisant cutané. Compte tenu du faible pourcentage de sensibilisation à l’acétophénone azine chez l’adulte, son inclusion dans la BSE n’est pas justifiée. En revanche, elle est à discuter pour la batterie standard enfant.
Dans le domaine des loisirs créatifs, la littérature fait état de plusieurs observations d’allergie de contact aux isothiazolinones contenus dans le slime(8) et à des résines époxy dans des produits achetés sur Internet : petits objets de décoration(9), durcisseur des kits de Fantasy resi(10). Par ailleurs, l’isobornyl acrylate est le premier allergène des capteurs de glycémie et des pompes à insuline chez les jeunes diabétiques(11). Enfin, parce qu’elles cèdent, elles aussi, à la mode des faux ongles et des vernis semi-permanents, les préadolescentes et adolescentes sont de plus en plus susceptibles de développer des eczémas de contact aux acrylates présents dans ces produits(12).
PRINCIPALES SOURCES ALLERGÈNES CHEZ LES + 65 ANS
Les principales sources de sensibilisation chez la personne âgée sont les cosmétiques, les topiques médicamenteux et les collyres, les pansements et les implants métalliques cardiaques, dentaires ou orthopédiques(13) (cobalt, titane, nickel). Les crèmes anti-âge sont à l’origine de cas rapportés d’eczéma de contact au magnolia(14), au Pro-Xylane®(15), à des dérivés de la vitamine C, comme l’acide ascorbique et le tétraisopalmitate d’ascorbyle(16), au caprylic/capric triglycéride (issu de l’huile végétale extraite de la noix de coco)(17) et au pentylène glycol(18).
L’allergie aux collyres se manifeste par un eczéma périoculaire et/ou des paupières, uni- ou bilatéral associé à une hyperhémie conjonctivale et, parfois, à une atteinte des joues en lien avec l’écoulement du collyre. Elle évolue sur le long terme et peut survenir après plusieurs années d’utilisation du collyre, ce qui ne fait pas forcément évoquer le diagnostic(13). Les agents responsables sont multiples : conservateurs, antibiotiques, antiseptiques, antiviraux, antiglaucomateux, mydriatiques, myotiques, anesthésiques, antiallergiques, AINS, corticoïdes. Par conséquent, il faut tester l’ensemble des topiques médicamenteux utilisés. Les acrylates, présents notamment dans les colles chirurgicales et des appareils auditifs, sont fréquemment retrouvés dans les allergies de contact des sujets âgés(13). Chez ces patients, les ulcères de jambe sont également une source bien connue de sensibilisation de contact aux antiseptiques, lotions nettoyantes, crèmes cicatrisantes, antibiotiques topiques et aux pansements. Il a été montré dans une étude sur 36070 patients testés que les allergènes significativement plus fréquents chez les sujets âgés sont les «vieux allergènes » avec lesquels ils ont été en contact(19).
D’après les communications de Brigitte Milpied-Homsi (Bordeaux), Fabienne Nadia Raison-Peyron (Montpellier) et Camille Leleu (Dijon).
Session conjointe avec le groupe dermato-allergologie de la Société française de dermatologie.
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