Publié le 26 fév 2025Lecture 4 min
Prescription des biothérapies en ville : résultats d’enquête
Olivier BRUNEL, d’après les communications de la FFFCEDV

Alors que les dermatologues libéraux peuvent depuis avril 2024 prescrire des biothérapies en ville, la Fédération française de formation continue et d’évaluation en dermatologie-vénéréologie (FFFCEDV) a consacré une journée de formation le 14 novembre 2024 au sujet. Intitulée « Tout savoir sur les biothérapies », cette formation avait pour objectif de fournir aux praticiens de ville toutes les informations concernant la délivrance et le suivi de ces traitements, à la suite de la levée de la prescription initiale hospitalière (PIH).
Cette décision sonne, sans con teste, comme l’événement dermatologique marquant de l’année 2024. Pourtant, il semblerait que les dermatologues, encore un peu frileux, ne se soient pas pleinement emparés de cette nouvelle opportunité. Vingt ans de PIH – Remicade® et Enbrel® ont eu leur AMM au début des années 2000 – ont largement contribué à sacraliser les biothérapies en laissant planer une « atmosphère de danger » pas toujours fondée. La crainte du produit et celle de ne pas avoir le temps pour le gérer correctement constituent très certainement un frein à la prescription.
Le concept d’inertie thérapeutique
Le Dr Florence Corgibet (Dijon) a exposé à ce sujet le concept d’« inertie thérapeutique » (IT), notion bien connue pour des maladies chroniques comme l’hypertension artérielle ou le diabète mais qui concerne toutes les spécialités y compris la dermatologie. L’IT est à mettre en parallèle avec le concept plus connu de la nonobservance thérapeutique, dans lequel le patient est au courant de l’existence d’une prescription mais ne prend pas le traitement. L’IT, elle, se définit à l’inverse par le fait que le médecin connaît la recommandation pour la prescription d’un trai tement mais ne le prescrit pas au patient. Ces deux attitudes ont pour conséquence l’absence de gué rison et donc une perte de chan ce pour le patient.
Ce concept est à bien considérer dès lors que les dermatologues ont accès à des thérapeutiques innovantes qui bouleversent la prise en charge du patient. Les conséquences peuvent être graves pour le patient (perte de chance) et coûteuses pour la société (surcoût lié aux éventuelles complications). On estime qu’environ 30 % des facteurs sont liés aux patients, 20 % au système de santé et 50 % aux médecins. Les raisons évoquées par les médecins pour expliquer cette IT sont la typologie du patient, la nature du traitement, la nature du système de santé et l’exercice médical.
Il faut néanmoins bien comprendre que tout le monde fait plus ou moins de l’IT, et en prendre conscience pour que cela ne se répète pas. Écouter, faire preuve de bon sens et de discernement, réévaluer régulièrement le traitement, adresser, se former et crée une alliance thérapeutique pour arriver à une décision médicale partagée sont autant d’éléments d’action à envisager.
Une abondance de molécules et un besoin de formation
Début 2024, la FFFCEDV a réalisé une enquête en ligne afin de connaître le ressenti des dermatologues, de recueillir leurs attentes et de faire un état des lieux sur la prescription de ces médicaments en ville.
D’après les conclusions rapportées par le Dr Nicole Jouan (Brest) – cette enquête devrait faire bientôt l’objet d’un poster et d’une publication –, il ressort en priorité de cette enquête les difficultés rencontrées par les dermatologues dans le choix des molécules et la volonté de bénéficier de formations et d’un accompagnement collégial à la prescription. En effet, si la plupart des répondants souhaitent pouvoir prescrire des biothérapies « dès que possible », la principale difficulté identifiée est celle de l’abondance de molécules rendant difficile le choix de la prescription, suivie de la crainte de manquer de médicaments. Certains se méfient des effets indésirables et souhaiteraient pouvoir discuter de la prescription avec des confrères. L’attente de formation complémentaire et d’une aide au choix des molécules est donc nette. Certains médecins craignent également l’impact sur les comptes publics d’une augmentation des prescriptions.
Avenir et perspectives des traitements par biothérapies
Quel avenir et quelles perspectives donc pour ces traitements biothérapiques ? Pour le Pr Jean David Bouaziz (hôpital Saint-Louis, Paris), la révolution dans la prise en charge des maladies chroniques inflammatoires qu’ont entraînée ces traitements n’est certainement pas finie.
De nouvelles biothérapies classiques émergent dans des maladies orphelines. De nouvelles classes de biothérapies incluant les CAR-T cells, les anticorps bispécifiques et les agonistes du checkpoint émergent. Nous approchons de l’ère des médicaments modifiant les maladies (disease modifying drugs), qui guériront peut-être les malades sans traitement (off treatment). Les CAR-T cells ou Cellules T à récepteur antigénique chimérique sont une avancée majeure en immunothérapie. Ce sont des cellules T modifiées génétiquement pour mieux reconnaître et attaquer des cibles qu’on leur a désignées. Des cellules T extraites du sang du patient sont modifiées génétiquement pour exprimer un récepteur spécifique (appelé CAR pour « Chimeric Antigen Receptor »). Ce récepteur permettra aux cellules T de reconnaître un antigène spécifique. Une fois réintroduites chez le patient, ces cellules se multiplient et attaquent leur cible. Les anticorps bispécifiques sont des anticorps artificiels conçus pour se lier simultanément à deux cibles distinctes, à la différence des anticorps monoclonaux traditionnels qui ne reconnaissent qu’une seule cible spécifique. Ils possèdent donc deux régions liaison distinctes : une pour s’attaquer à la cible et une pour recruter des cellules immunitaires. Les agonistes des checkpoints sont des molécules qui stimulent des récepteurs spécifiques du système immunitaire.
Les médicaments modificateurs de la maladie ou DMDs (Disease Modifying Drugs) sont donc des traitements conçus pour modifier l’évolution de la maladie en ralentissant ou en arrêtant sa progression plutôt que d’en traiter simplement des symptômes.
Schéma. Le concept d’inertie thérapeutique, selon le Dr Florence Corgibet.
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