Publié le 07 nov 2021Lecture 3 min
Traitement adjuvant du mélanome
Michèle DEKER, Neuilly-sur-seine
Le traitement adjuvant est proposé après résection complète de la tumeur afin de retarder ou d’éviter une récidive tumorale. La population cible du traitement adjuvant n’est pas homogène dans la mesure où seule une fraction, non identifiable, le requiert réellement. On traite ainsi un « risque », si bien que les effets indésirables sont moins acceptables, surtout s’ils sont irréversibles.
Quelles sont les dernières données cliniques ?
L’essai COMBI-AD (dabrafenib + trametinib) est un essai pivotal de phase 3, contrôlé en double aveugle versus placebo, dont les résultats à 5 ans ont été mis à jour cette année. Un total de 870 patients en stades IIIA, IIIB ou IIC (AJCC 7) ayant eu une résection ≤ 12 semaines avant la randomisation ont été inclus. Les patients ont reçu 1 an de traitement combiné adjuvant (anti-BRAF/anti-MEK) aux doses usuelles, et ont été suivis avec une stratification sur la mutation BRAF et le stade. Une nouvelle modalité d’évaluation, RMST, a été proposée, laquelle fournit une évaluation moyenne du temps gagné. Dans la sous-population des stades IIIA, les récidives surviennent progressivement tout au long des 5 ans de suivi. Inversement, dans la population des stades IIIC, on observe un pic de récidives dans les 12 premiers mois, suivi d’une stabilisation en plateau.
L’autre stratégie consiste à proposer un anti-PD-1 (les deux anti-PD-1 sont autorisés en traitement adjuvant). L’étude Keynote 054, essai pivot de phase 3, a évalué le pembrolizumab vs placebo chez 1 019 patients en stades IIA, IIIB, IIC et IIIC ≥ 4 ggl positifs. Un cross-over était possible chez les patients du groupe placebo qui récidiveraient dans les années suivant le traitement. Les données de survie sans récidive à 1 an sont à l’avantage du traitement par pembrolizumab (75,4 % vs 61 %), avec un hazard ratio de 0,59.
Les résultats de ces deux essais sont à confronter à ceux de l’étude CheckMate 238 qui évaluait nivolumab + ipilimumab comparativement à l’ipilimumab seul qui avait déjà prouvé son effet préventif de la récidive, ce qui explique le HR un peu plus bas (tableau) .
Comment choisir l'adjuvant ?
Le choix entre anti-PD-1 et BRAF/MEK inhibiteur est compliqué en l’absence de consensus ou de recommandation. Néanmoins certaines situations offrent une option simple :
chez les patients sans mutation BRAF, une monothérapie anti PD-1 est le seul traitement possible ;
chez les patients en stade IV, le nivolumab est la seule molécule évaluée et ayant une AMM dans cette population.
En revanche, chez les patients en stade III ou BRAF mutés, la décision est moins simple, mais pourrait s’appuyer sur des critères d’agressivité de la maladie, qui feraient pencher la balance en faveur de dabrafenib-trametinib en raison de la prévention précoce des récidives dans les stades les plus avancés. Toutefois se pose la question de la définition des maladies agressives en l’absence de critères sûrs (forte charge tumorale, LDH, cinétique rapide, effraction capsulaire, mesure radiologique, classification AJCC 7), à moins de se fier à l’intuition du clinicien. La classification AJCC est malheureusement un très mauvais marqueur pronostique et prédictif de réponse pour guider les traitements adjuvants.
Dans tous les autres cas, la décision pourrait reposer sur les attentes du patient ou sur les données de survie globale. Il faut aussi tenir compte du rôle de la première ligne de traitement anti-PD-1 sur l’évolution de la maladie, car il a été montré que l’incidence des métastases cérébrales est significativement réduite chez les patients qui ont reçu ce traitement.
Et demain ?
Il serait intéressant d’évaluer des schémas optimisés, de durée plus courte, éventuellement combinés pour les populations à très haut risque. Inversement, les populations à faible risque global, correspondant au stade II de la classification AJCC, ne sont pas concernées actuellement par les traitements adjuvants, alors qu’elles incluent des patients à haut risque, non identifiés, mais qui expliquent la majorité des décès. Ces derniers mériteraient d’être reconnus et de bénéficier d’un traitement adjuvant.
Il reste que l’intérêt des traitements adjuvants est toujours discuté chez les patients ayant un risque supposé très faible, correspondant au stade IIIA AJCC7, en particulier l’immunothérapie qui est susceptible de provoquer des complications permanentes (rares), mais graves.
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