Publié le 27 fév 2019Lecture 4 min
Psoriasis - Tenir compte des comorbidités dans les choix thérapeutiques
Denise CARO, Paris
Congrès JDP
Le psoriasis est une maladie inflammatoire chronique qui partage un certain nombre de points communs avec d’autres maladies inflammatoires comme les maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI) ou l’athérosclérose. L’inflammation est également au centre des atteintes ostéoarticulaires du rhumatisme psoriasique. Les similitudes et les spécificités de ces diverses entités pathologiques doivent être prises en compte dans les choix thérapeutiques.
Vingt à 24 % des patients atteints de psoriasis développent un rhumatisme psoriasique.
Le psoriasis articulaire (PsoA) peut revêtir différentes formes. La plus fréquente est une arthrite asymétrique distale (enthésite, dactylite, onychopachydermo-périostite psoriasique) (48 %) ; mais le PsoA peut également se présenter sur la forme d’une monoarthrite (17 %), de polyarthrites asymétriques (15 %), d’une spondylite (2 %), d’une oligoarthrite (9 %), d’une arthrite mutilante (2 %) ou encore d’une polyarthrite symétrique (7 %). L’atteinte unguéale multiplie par 2,3 le risque de développer un rhumatisme psoriasique(1).
Le dermatologue doit s’attacher à dépister le plus tôt possible l’atteinte articulaire pour ne pas retarder sa prise en charge et éviter que des lésions irréversibles se soient constituées. Il faut poser régulièrement la question aux patients qui ne pensent pas toujours à relier une douleur articulaire à leur problème cutané. En cas de retard de diagnostic supérieur à 6 mois, le risque relatif d’avoir des érosions osseuses est de 4,6 (p < 0,001) ; celui d’avoir des déformations articulaires est de 1,1 (p < 0,01), une sacro-iliite de 2,3 (p < 0,05), une arthrite mutilante de 10,6 (p < 0,05) et enfin une atteinte fonctionnelle de 2,2 (p < 0,01)(2). Selon l’étude TICOPA (Tight CObtrol of inflammation in early Psoriatic Arthritis), traiter tôt et efficacement selon la stratégie du Treat and Target (T2T : évaluation fréquente et adaptation du traitement en fonction du résultat) améliore significativement les réponses cutanées et articulaires chez le patient avec un rhumatisme psoriasique récemment diagnostiqué, cela au prix d’une tolérance acceptable(3).
Les anti-TNF alpha sont indiqués en 1re ligne des biothérapies. Selon les recommandations NICE 2017, lorsqu’une biothérapie est indiquée, l’adalimumab (anti-TNF) est proposé est première intention s’il existe une atteinte articulaire ; si l’atteinte cutanée prédomine, le choix porte sur l’adalimumab ou l’ustékinumab (anti-IL12/23). Dans les deux cas, le sécukinumab (anti-IL17) est une alternative possible(4).
Pour sa part, l’EULAR a inclus dans son algorithme thérapeutique l’ixekizumab (anti-IL17) et de l’aprémilast (inhibiteur PDE4), mais continue de considérer que les anti-TNF alpha doivent être privilégiés en première intention du fait des 15 ans de recul de leur utilisation(5).
Quand une MICI vient s'associer au psoriasis
Maladie inflammatoire chronique le psoriasis peut être associé ou faire le lit d’autres pathologies inflammatoires, en particulier une MICI.
Il existe un lien statistiquement significatif entre psoriasis et maladie de Crohn (RR : 2,49 ; p < 0,001) et entre psoriasis et rectocolite hémorragique (RCH) (RR : 1,64 ; p = 0,006)(6).
Les deux pathologies partagent certains gènes de susceptibilité ; il existe en effet un recoupement entre les 13 loci de susceptibilité du psoriasis et les 28 loci des MICI. Ainsi, une étude portant sur une cohorte hongroise a retrouvé un polymorphisme du gène codant pour IL23R chez des patients atteints de psoriasis, de maladie de Crohn ou de RCH(7).
Par ailleurs, le microbiote très étudié dans les MICI semble jouer également un rôle dans le psoriasis. Chez la souris, les modifications du microbiote peuvent stimuler la voie des Th17(8).
Enfin, les voies de signalisation du psoriasis et des MICI présentent bon nombre de similitudes et quelques spécificités, les unes et les autres pouvant avoir des implications thérapeutiques.
Les anti-TNF alpha sont proposés en première ligne des biothérapies. L’infliximab et l’adalimumab ont démontré leur efficacité dans le psoriasis, le PsoA, la colite ulcéreuse et la maladie de Crohn(9). L’étanercept n’est pas indiqué dans les MICI. L’ustékinumab (anti-IL12/IL23) donne des résultats intéressants dans la maladie Crohn, mais il n’est indiqué qu’après échec des anti-TNF.
En revanche, les anti-IL17 sont contre-indiqués en cas de MICI (arrêt prématuré de l’étude de phase 2 avec sécukinumab dans Crohn)(10).
Comme pour le PsoA, la stratégie T2T vaut pour les MICI ; elle permet d’éviter les lésions de destruction intestinale, les complications et l’handicap à long terme(11).
Des patients à haut risque cardiovasculaire
Autre pathologie inflammatoire souvent associée au psoriasis, l’athérosclérose. L’élévation du risque de maladie cardiovasculaire est corrélée à la sévérité du psoriasis. Le psoriasis augmente le risque d’obésité (OR de 1,18 à 5,49), de diabète (OR de 1,20 à 2,80) et d’HTA (OR de 1,09 et 3,27)(12). En cas de psoriasis, le risque de mortalité globale est augmenté (OR = 1,73 ; p < 0,001), ainsi que celui de mortalité cardiovasculaire (OR = 1,57 ; p < 0,001), d’accidents cardiovasculaires (OR = 1,57 ; p < 0,001), d’IDM (OR = 1,45 ; p < 0,001) et de revascularisations coronariennes (OR = 1,77 ; p < 0,001)(13).
Ces associations fréquentes s’expliquent par certaines similitudes physiopathologiques avec des acteurs communs comme l’IL10 et le TGF bêta qui sont des facteurs protecteurs, et le TNF alpha qui induit l’inflammation. Mais d’autres acteurs comme l’IL17 et l’IL12/23 semblent jouer des rôles fort différents dans les deux maladies ; l’IL17 est pathogène dans le psoriasis, mais joue un rôle ambigu dans l’athérosclérose. Il doit être tenu compte de ces similitudes et divergences dans les choix thérapeutiques. Les anti-IL17 doivent être évités chez les patients atteints d’athérosclérose, de même que les anti-IL12/23 avec lesquels on a observé une augmentation des événements cardiovasculaires(14).
En conclusion, dermatologues, rhumatologues, cardiologues et gastroentérologues doivent travailler ensemble. Il faut rechercher une atteinte articulaire, stratifier le risque cardiovasculaire, prendre en compte des troubles digestifs et considérer ces différents éléments pour décider de la meilleure stratégie thérapeutique.
D. CARO
D’après un symposium des laboratoires Abbvie avec la participation de D. Jullien, Y. Bouhnik, Z. Reguiai et H. Ait-Oufella.
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