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Congrès

Publié le 11 mai 2020Lecture 6 min

Où en est-on de la prévention des dommages photo-induits ?

Denise CARO, Paris

Les effets délétères des ultraviolets sur la peau — vieillissement, carcinomes cutanés, mélanome — ne sont pas contestés. En revanche, comment s’en prémunir donne lieu à bien des spéculations.

En dehors de la protection vestimentaire, de la limitation des expositions et de l’utilisation des produits photoprotecteurs solaires (PPS), différentes stratégies ont été envisagées pour tenter de prévenir les méfaits des ultraviolets sur la peau. L’une d’elles consiste à booster les capacités de la protection naturelle, notamment en stimulant la production de mélanine, pour passer d’un phototype clair à un phototype foncé. Le recours à l’exposition aux lampes UV est totalement déconseillé en raison du surrisque de cancers cutanés qui lui est associé (en particulier chez la femme et lorsque l’exposition est commencée jeune). Il est également possible de stimuler la production de mélanine par l’administration de peptides de la MSH (melanocyte stimulating hormone). Ce type de médicament a une AMM européenne pour traiter certaines porphyries, mais n’est pas disponible en France. Et en tout état de cause, il est totalement exclu de l’utiliser en protection solaire, en raison de ses effets indésirables mal maîtrisés. Une autre approche (envisagée dans le traitement du xeroderma pigmentosum) vise à utiliser une endonucléase (enzyme réparateur des D-dimères) pour compenser les dommages UV induits. Dans ce contexte, la photolyase, dérivée du plancton, a montré qu’elle était capable de réparer les dimères de thymine sous l’effet de la lumière bleue. L’intérêt de cette approche mérite d’être confirmé. Le recours à la vitamine PP (nicotinamide) pour prévenir les cancers cutanés a également été envisagé. Le nicotinamide a été utilisé avec un certain succès en prévention secondaire chez des patients ayant déjà eu plusieurs cancers cutanés. Cependant, la protection cesse à l’arrêt du traitement(1). Son utilisation n’est pas envisagée en prévention primaire. Les rétinoïdes peuvent être intéressants chez les sujets à haut risque comme les patients greffés. Enfin, l’idée d’agir sur la dysbiose induite par les expositions solaires n’a pour le moment donné aucun résultat concret. Les antioxydants par voie orale L’utilisation d’antioxydants pour prévenir les risques solaires est souvent proposée. Son intérêt est très débattu. Il est d’autant plus difficile à déterminer que de nombreux paramètres interviennent : mode de vie, modalités de la prise des antioxydants et de quels antioxydants il s’agit. L’étude SUVIMAX, qui a évalué l’impact de la prise orale au long cours d’un cocktail d’antioxydants (bêta-carotène 6 mg, vitamine C 120 mg, vitamine E 30 mg, sélénium 100 μg et zinc 20 mg), a montré une diminution de 37 % de la mortalité (p < 0,02) et de 31 % des cancers solides (p < 0,02) chez les hommes, mais pas chez les femmes. Le taux de cancers de la peau (carcinomes et mélanomes) était réduit chez les hommes (AO 0,12 % vs 0,17 % placebo) et augmenté chez les femmes (AO 0,12 % vs 0,07 % placebo)(2). L’arrêt de la supplémentation était suivi de l’arrêt de l’effet : la protection chez les hommes et le sur-risque chez les femmes(3). Selon une métaanalyse, un effet protecteur des traitements antioxydants sur les cancers de la peau n’est démontré ni en prévention primaire ni en prévention secondaire(4). Il faut même éviter d’en donner aux femmes qui s’exposent au soleil et qui ont potentiellement des lésions précancéreuses. Ils sont également déconseillés aux enfants à risque de mélanome. Si une supplémentation n’est pas indiquée, un apport alimentaire en tel ou tel antioxydant pourrait l’être. La consommation d’huile d’olive est significativement associée à la réduction des signes d’héliodermie dans les deux sexes(5). De même, la cohorte australienne de Nambour qui a suivi 1 325 participants pendant dix ans à l’aide de questionnaires sur leurs habitudes alimentaires a montré que la consommation de 4 tasses de café par jour diminuait le risque de carcinomes baso-cellulaires (CBC) chez les patients ayant déjà eu un cancer cutané ; le café n’avait pas d’effet sur les cancers épidermoïdes cutanés (CEC)(6). Autre enseignement des cohortes nutritionnelles, le rôle délétère de l’alcool sur les cancers de la peau. Cet impact négatif est particulièrement marqué avec le vin blanc et les liqueurs et concernant les CBC (p < 0,0001) et le mélanome (p < 0,01)(7). Des données précliniques intéressantes  En marge des résultats décevants d’une supplémentation en antioxydants et des données insuffisantes pour conclure sur l’intérêt de la prise alimentaire de tel ou tel composé, qu’en est-il de l’application locale d’antioxydants pour prévenir les cancers cutanés liés à l’exposition solaire ? Des études précliniques conduites dans des modèles animaux suggèrent qu’un certain nombre d’antioxydants (polyphénols extraits du thé vert, proanthocyanidine du raisin, resveratrol, silymarine, génistéine) ont un effet protecteur vis-à-vis des dommages cutanés induits par les UV, y compris vis-à-vis du risque de cancers(8). De même, l’application locale d’une préparation contenant 2 % d’épigallocatéchine-3- gallate (EGCG) extrait du thé vert, 30 minutes avant l’exposition aux UVB-A prévient les dommages aigus (diminution des cellules sunburn et de l’activation dermo-épidermique) chez des rats albinos(9). Un autre travail est en faveur de la protection des extraits de thé vert sur cultures de peau humaine(10). Enfin, la caféine empêche les dommages cutanés induits par les UVB sur cultures de kératinocytes humains(11). Au vu de ces résultats, y a-t-il un bénéfice à ajouter des antioxydants dans les produits solaires ? Il semble que oui selon une étude menée chez 30 volontaires, montrant que l’ajout d’un mélange d’antioxydants (extraits de raisin, vitamine E, ubiquinone et vitamine C) à un produit avec un facteur de protection solaire de 30 (SPF 30) procure une protection vis-à-vis des UVA, ce que ne permet pas le produit solaire seul (p < 0,05)(12). Qu'attendre des produits de protection solaire ? Plus généralement, quelles qualités exiger d’un PPS ? Les recommandations de la Commission européenne relatives aux PPS de 2006 sont toujours d’actualité. Un PPS doit être rémanent (résister à l’eau et à la sudation), photostable, offrir une protection harmonieuse UVB et UVA, en respectant le rapport coefficient de protection UVB/coefficient de protection UVA supérieur à 3 ; il doit protéger contre les UVA longs (> 370 nm), avoir une protection SPF minimale supérieure à 6 et l’indice affiché ne doit pas excéder 50+. Rappelons que le SPF, fondé sur l’érythème (méthode in vivo de Schulze), mesure la protection UVB. Il n’est pas contesté et reste le gold standard pour toutes les agences réglementaires. En revanche, il n’y a pas de consensus international concernant la façon de mesurer la protection UVA. En Europe (et en France), on utilise la pigmentation immédiate à lecture retardée (ou persistant pigment darkening PPD). Celle-ci mesure surtout la protection vis-à-vis des UVA courts. Le coefficient de protection UVA (CO-UVA) doit aussi tenir compte de la protection vis-à-vis des UVA longs. Enfin, il importe d’évaluer l’effet protecteur des PPS vis-à-vis des dommages cutanés induits par les UV, ce qui a été fait dans de nombreuses études. L’utilisation de PPS diminue le risque de CEC et de kératoses actiniques tant chez le sujet sain que le patient immunodéficient(13,14,15). L’utilisation correcte de PPS diminue le risque de mélanome, aussi bien pour se protéger de l’exposition UV dans la vie quotidienne que des expositions intentionnelles (bains de soleil)(16, 17). De plus, le risque de mélanome diminue si on utilise régulièrement un PPS depuis l’enfance et au long de la vie(18). Les PPS ont également leur utilité pour prévenir le vieillissement cutané. L’application régulière d’un PPS (SPF 15+) retarde les signes de vieillissement chez les moins de 50 ans, alors que le bêta-carotène n’a pas d’effet(19). Et, élément important, pour être efficace tant visà- vis du vieillissement que des cancers cutanés, le PPS doit obligatoirement comporter une protection UVA(20, 21).

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