Dermatologie pédiatrique
Publié le 28 sep 2020Lecture 7 min
La peau du nouveau-né : 6 points clés en pratique pour préserver la peau saine du bébé dès la naissance en maternité
C. DE BELILOVSKY(1), S. GUILLAUME(2) 1. Dermatologue, Institut Fournier Paris, Laboratoires Expanscience Epernon 2. Sage-femme, Hôpital Necker Paris
Quelles sont les différences entre la peau du bébé, de l’enfant et de l’adulte ? Que sait-on de la peau des prématurés ? Y a-t-il plusieurs types de peaux ? Quelles conséquences pratiques pour la toilette dès le premier jour ? Pour l’hydratation ? Comment adapter les pratiques aux dernières découvertes sur la peau de l’enfant ? Cet article présente en plusieurs points clés les conclusions d’une table ronde multidisciplinaire ayant rassemblé 8 experts allergologue, dermatologue, dermato-pédiatres, pédiatre, pharmacien et sages-femmes* sur le thème des bonnes pratiques pour l’hygiène et les soins de la peau des bébés.
Point clé n°1 : de la peau de bébé à la peau d'adulte
• La peau néonatale et infantile est immature et continue à subir un processus de maturation variable selon la région du corps. Sa structure est différente avec des couches plus minces, des cellules plus petites et moins bien soudées, (peau plus fragile), ses taux d’absorption sont plus élevés (risque de toxicité), sa colonisation bactérienne (microbiote) se met en place lentement (risque de déséquilibre). Chez le nouveau-né, le pH à la surface de la peau est plus élevé et l’hydratation plus faible. Cette maturation se fait sur une période prolongée pouvant atteindre 1 à 2 ans.
• La peau est aussi un véritable organe des sens, le sens du toucher étant le premier à apparaître.
• Les caractéristiques cutanées génétiques ne permettent pas de tout savoir, car la peau des enfants diffère de celles des parents. La peau est impactée durablement par des facteurs extérieurs (épigénétique).
• En routine, la peau du nourrisson ne devrait donc pas être traitée en utilisant les mêmes hypothèses que la peau des adultes.
Point clé n°2 : les différents types de peau
• Certains bébés ont des peaux qualifiées par les parents de « sensible », « fragile », « sèche ». L’environnement (la géographie et la qualité de l’eau, plus ou moins calcaire par exemple) joue un rôle dans cette différenciation de peau.
• Une sensibilité de la peau (rougeurs exagérées) peut être également déclenchée par des facteurs chimiques (cosmétiques inadaptés), mécaniques (frottement, sueur...) ou climatiques (froid, humidité, pollution...).
• Une peau sèche chez le nouveau-né, et même de petites irritations dans les plis du cou, peuvent précéder le développement de l’eczéma atopique.
• Le rôle de la nutrition est également à noter.
• En pratique, la peau du nourrisson doit être examinée minutieusement car sa nature peut évoluer avec le temps. Des rougeurs sous la peau peuvent signaler une peau sensible, des plaques rèches/rugueuses une peau sèche. Une agitation et des tentatives de grattage, qui traduisent une démangeaison chez le tout-petit et donc souvent un eczéma, peuvent apparaître durant le premier mois de vie, surtout si les parents ont eux-mêmes un terrain allergique. Les soins doivent être adaptés le plus tôt possible.
Point clé n°3 : focus sur la peau du prématuré
• La peau du bébé prématuré est particulièrement immature et fragile : la moindre agression, par exemple l’ablation d’un adhésif collé sur la peau, risque d’entraîner un décollement cutané. Chez lui, le risque infectieux est également plus important. La maturation de la peau du bébé prématuré s’effectue rapidement, mais pas à la même vitesse pour les différentes zones de la peau. La prématurité n’est pas un facteur de risque pour les affections ultérieures de la peau, de dermatite atopique par exemple.
• Le bébé prématuré est sensible à la douleur.
• Le bain est recommandé uniquement avec de l’eau chaude au cours de la première semaine de vie avant un âge gestationnel de 32 semaines. Il sera le plus bref possible afin d’éviter un « choc thermique » car le prématuré est incapable de thermorégulation. Un bain tous les 4 jours peut être suffisant. Il n’a pas de visée hydratante.
• Aucun soin spécifique n’est préconisé pour la peau du bébé prématuré. En particulier l’application quotidienne d’émollients reste discutée (risques d’infection staphylococcique coagulase-négative). Cependant, la vaseline est tolérée comme occlusif et pansement en cas de plaie pour faire bourgeonner la peau.
• La technique du « peau à peau » est un vrai soin. C’est de plus un moment privilégié de c›omplicité avec les parents.
Point clé n°4 : vernix caseosa : quand l'enlever ?
• La présence du vernix caseosa dépend de la date de la naissance par rapport au terme (il n’y en a pratiquement pas avant le terme de 35 semaines, il y en a beaucoup à partir du terme de 35-37 semaines, puis en terme dépassé il n’y en a plus). C’est un biofilm qui sert de lubrifiant pendant l’accouchement. Il a un rôle anti infectieux, hydratant, et facilite la maturation. Il a également des effets sur la thermorégulation et la guérison des plaies.
• Il ne doit pas être enlevé immédiatement : l’OMS recommande au moins 6 h après l’accouchement, mais en pratique le délai va jusqu’à 12-24 h après l’accouchement.
• En pratique, immédiatement après la naissance, sécher doucement l’enfant, retirer délicatement sang ou méconium. Ne pas retirer le vernix => le laisser sécher et peler naturellement jusqu’à ce que le nouveau-né soit baigné.
Point clé n°5 : le bain des nouveaux-nés
• Le bain est d’abord un élément de contact, de plaisir et de confort avant d’être une question d’hygiène, lié à la saleté relative du bébé et à son odeur. Il doit être adapté au cas par cas et selon le type de peau.
• La fréquence à recommander est liée à chaque enfant. Elle est correctement évaluée par les parents interrogés, qui citent souvent une fréquence de un jour sur deux.
• Les sages-femmes sont d’abord « dans le conseil sécuritaire non stressant », souvent avant même l’accouchement, mais conseillent aussi cette fréquence, voire un jour sur trois en fonction de l’état de la peau : il faut préciser aux mamans que baigner n’implique pas hydrater.
• Trois types d’agents lavant sont cités : les vrais savons, les savons surgras et les syndets ; seuls les syndets sont recommandés.
À retenir
• La différence entre les « savons » (type savon de Marseille, à pH élevé, à base de soude, qui décapent) ; les savons surgras ou doux comportent en plus de la glycérine ou de l’huile et les « syndets » (« synthetic detergents ») ou « pains sans savon » (qui sont des savons « sans savon »), à pouvoir tampon ; qui laissent un pH légèrement acide et sont adaptés à la peau de bébé.
• La notion de pH de la peau (entre 6 et 7 pour le nouveau-né et 5 à 5,5 chez l’adulte) et son importance.
• La différence entre « sans parfum» et « sans odeur » (les constituants naturels d’un produit peuvent avoir une odeur intrinsèque).
• La relation entre la concentration d’un ingrédient dans un produit, son efficacité et le risque qui y est éventuellement lié.
• La notion de conservateurs (listés ou non c’est-à-dire appartenant ou non à une liste officielle des conservateurs, avec le caractère relatif du « sans conservateur » et la notion de niveau de risque allergique ou autre).
• L’intérêt et l’interprétation de la liste INCI (indiquée sur tous les produits cosmétiques) (Cf fiche technique bientôt en ligne).
• Que disent les publications scientifiques sur les premiers bains ? (N Garcia-Bartels. Pediatric Dermatol 2010 ; M Ness. Int J Dermatol 2013 ; U Blume-Peytavi. J Eur Acad Dermatol 2009 et Pediatric Dermatol 2016 ; A Cooke. Midwifery 2018)
• Fréquence du bain : pas de consensus : 2 fois par semaine ou 1 jour sur 2. Avec le temps, la fréquence peut augmenter (augmentation d’exposition à la saleté).
• Durée : 5-10 minutes ou pas plus de 5 minutes, surtout si un savon est utilisé.
• Horaire du premier bain : retardé jusqu’à température et état cardio-respiratoire stabilisés pendant 2-4 heures (OMS : recommande à 6 heures à cause du risque d’hypothermie. Boston Medical Center : bain retardé à 12 heures dans la chambre avec la participation des parents, placer le bébé en peau-à-peau immédiatement après le bain augmente le taux d’allaitement à l’hôpital).
• Modalités : bain préférable au lavage en frottant avec une éponge. L’eau du robinet est sûre dans la plupart des pays, mais eau stérile en cas de plaie de la peau. Toilette ++ : visage, cou, plis et fesses.
• Température : pas de consensus.
• Séchage : éviter de frotter avec une serviette (risque de blessure épidermique).
• Agents lavant conseillés : nettoyants ou syndets (détergents synthétiques) liquides ou solides doux similaires à l’utilisation d’eau claire dès le premier bain (hydraTation de la peau, maintien du manteau acide, réduction du contenu en graisse ou colonisation bactérienne). La date d’introduction des syndets est discutée : entre la chute du cordon ombilical et l’âge de 6 semaines. Cuir chevelu et cheveux du nouveau-né : mêmes nettoyants liquides doux. Les shampoings ne sont pas indispensables.
Point clé n°6 : les soins hydratants des nouveaux-nés
• Plus la peau est sèche, plus les produits appliqués doivent être gras. Les émollients sont des produits riches en lipides qui lissent et qui retiennent l’eau dans la couche cornée.
• Les soins peuvent être différents selon la zone du corps et la zone exposée (ex : fesses) et les saisons (en hiver, il est souhaitable d’utiliser plus d’émollients, et de donner moins de bains).
• L’hydratant idéal est relativement épais, avec un pH neutre à légèrement acide, sans parfum, sans colorant, avec un minimum de conservateurs, très doux. Il faut favoriser des produits qui n’irritent pas la peau du nouveau-né et qui contiennent un équilibre physiologique de lipides améliorant la fonction barrière (cholestérol, céramide, linoléate, palmitate).
Conclusion
Cette rencontre entre professionnels d’horizons différents a permis de conforter et de préciser les bonnes pratiques d’hygiène et de soin, mais aussi d’apporter d’autres dimensions à la prise en charge des bébés, telles que contact et sensoRialité, douleur et plaisir, sécurité, prévention, famille et expertise des parents. Des besoins d’informations sur la nature et la formulation produits utilisés sont apparus.
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