Publié le 15 aoû 2011Lecture 11 min
Alopécie androgénétique. La microgreffe de cheveux folliculaire : une technique de pointe
P. GUIGUI, Université de Lyon
Depuis plus de 50 ans, de nombreux médecins dans le monde se sont intéressés à la greffe de cheveux qui, par leurs travaux et découvertes, feront progresser la technique, mais c’est seulement au début des années 1990 que cette discipline franchit une étape décisive, et acquiert ses véritables lettres de noblesse. La microgreffe folliculaire est née. Dans le même temps, est créée l’International Society of Hair Restoration Surgery, société américaine de référence, qui compte à ce jour plus d’un millier de membres parmi les plus éminents, répartis sur les cinq continents.
L’évolution de la technique de la transplantation de cheveux Pour mieux saisir les différentes facettes de cette révolution, un bref retour en arrière s’impose qui permettra de mieux mesurer les avancées accomplies au fil des ans. Reculons dans le temps, il y a quelques décennies, à une époque où certaines images restent dans toutes les mémoires, comme celles de ces hommes flanqués sur le dessus du crâne, ou pire encore, en plein milieu du front, de petites touffes de cheveux, qui leur donnaient l’aspect, très inesthétique, du classique champ de poireaux ou de têtes aux cheveux de poupées. Hier Le procédé de transplantation consistait, à l’époque, à prélever au moyen de punchs de gros calibre de multiples « carottes » de cuir chevelu, de 4 voire 5 millimètres de diamètre ou plus, dans la région de la couronne derrière les oreilles, ou plus bas vers la nuque. Chacun de ces fragments de peau, qui pouvaient contenir jusqu’à 15 ou 20 cheveux, étaient alors immédiatement réimplantés sur la région dégarnie, sans précautions particulières. Hormis le petit nombre d’implants posés à chaque séance, et donc la nécessité de répéter les séances un très grand nombre de fois pour couvrir efficacement une zone, le moins que l’on puisse dire est que les résultats esthétiques laissaient plus qu’à désirer, tant au niveau de la bordure frontale, qu’au niveau de la région du prélèvement, criblée d’autant de cicatrices circulaires que de greffons prélevés, donnant au cuir chevelu un aspect mité des plus curieux. Figure 2. Préparation des implants folliculaires sous microscope. Ces quinze dernières années ont permis aux experts de la greffe de cheveux de progresser comme ils ne l’avaient jamais fait auparavant. S’il fallait trouver une explication à cette progression, il semble qu’elle réside essentiellement dans l’intérêt croissant des médecins et chirurgiens esthétiques pour cette discipline, qui, ajoutés au nombre croissant de patients désireux de se faire traiter, ont créé les circonstances favorables au développement de la technique. Aujourd’hui Qu’en est-il exactement de cette microgreffe ou, mieux encore, de cette microtransplantation folliculaire, terme qu’on utilise aujourd’hui pour parler de transplantation de cheveux ? Ce qui était hier technique de base est devenu technique de pointe ; ce qui était « gros » est devenu « micro ». Une explication s’impose ici. La technique de transplantation de cheveux implique la mise en oeuvre de trois étapes successives, réalisées dans la même matinée ou le même après-midi. Figure 3. Unités folliculaires préparées sous microscope. Tout d’abord, le prélèvement ou récolte des cheveux consiste à prélever, sous anesthésie locale, une fine bandelette de cuir chevelu, au plus bas de la couronne, au niveau des cheveux les plus définitifs (figure 1). La taille du prélèvement varie en fonction du travail à effectuer, c’est-à-dire de la surface chauve à combler ; en moyenne 1 à 1,2 cm de large sur 10 à 12 cm de long suivant les cas. Néanmoins, dans les cas de très grandes calvities, le prélèvement peut atteindre 25 cm de long ou plus, et s’étendre d’une oreille à l’autre. Il n’est pas rare, dans ces cas-là, d’obtenir un nombre d’implants supérieur ou égal à 1 500. Une fois le prélèvement réalisé, la perte de substance cutanée est traitée au moyen d’une suture en deux plans au Vicryl résorbable 3.0 et 4. La deuxième étape consiste dans la préparation des implants. Une fois cette bandelette prélevée, celle-ci est découpée sous microscope en multiples fragments d’une taille inférieure ou égale au millimètre (figure 2). Selon la taille et le nombre de cheveux contenus dans chacun de ces fragments, nous parlerons de mini- ou micro-implants. Un mini-transplant contient entre 3 et 4 cheveux ; un microtransplant entre 1 et 2 cheveux. Ce travail, que l’on pourrait comparer au travail des diamantaires, est réalisé par des assistantes spécialement formées, dont la compétence, au même titre que celle du praticien, conditionne le succès de l’entreprise. À ce niveau, une observation s’impose. En effet, si l’on étudie, sous un fort grossissement, la disposition des cheveux sur le crâne, on constate qu’ils se répartissent naturellement en groupements de 1, 2, 3 ou 4. En pratique, cela veut dire qu’ils émergent non pas, comme nous pouvions le croire, de façon isolée, mais par bouquets, par le même orifice ; chacun de ces groupements forme ce que l’on appelle l’unité folliculaire, dont la lésion, selon certaines études, pourrait contrarier de façon non négligeable la qualité de la repousse. On pourrait comparer ces unités folliculaires à des familles, par exemple un célibataire (pour les 1 cheveu), un couple (pour les 2 cheveux), un couple avec enfants (pour les 3 ou 4 cheveux Figure 4. Phase d’implantation. … Ainsi, le principe adopté par une grande majorité de spécialistes dans le monde, est « que l’on ne doit pas séparer des familles unies ». Pour ce faire, l’utilisation d’appareils de fort grossissement, comme par exemple le microscope ou la loupe binoculaire, facilite grandement le travail des assistantes (figure 3). En clair, il se dégage de toutes ces années de pratique un consensus qui recommande de ne pas chercher à obtenir deux transplants de 2 cheveux chacun, à partir d’une unité folliculaire contenant 4 cheveux. Les cheveux, séparés artificiellement de la famille à laquelle ils appartiennent, seraient en effet séparés des glandes sébacées, dont la preuve est aujourd’hui faite qu’elles participent à leur bonne croissance. À l’inverse, il est parfois nécessaire, voire recommandé, dans certains cas de zones donneuses de faible densité, de réunir des cheveux ou des familles isolés, afin d’obtenir un plus grand nombre d’implants de 2 ou 3 cheveux, indispensables à l’obtention d’une densité suffisante. Ce travail, d’une infinie délicatesse, est un travail long et laborieux pour toute l’équipe médicale, et ne peut trouver son application que dans une structure dotée de tous les moyens techniques et humains nécessaires. Il faut donc insister sur le rôle capital que jouent les assistantes, plus particulièrement lors de cette étape de « façonnage » des implants, où il leur faut user de tout leur talent pour préserver, dans un premier temps, et restituer, dans un deuxième temps, l’organisation décidée par la nature. Figure 5. Direction de la réimplantation en zone frontale (A) et de la tonsure (B). La troisième étape est celle de l’implantation. Après avoir réalisé une nouvelle anesthésie locale au niveau de la région destinée à être greffée, c’est au moyen de microlames ou microaiguilles que sont réalisées les micro-incisions (figure 4). La technique des mini- ou microfentes permet d’implanter dans des localisations encore chevelues, sans risquer d’abîmer les bulbes des cheveux restants, au contraire des mini- ou microtrous qui, eux, risqueraient de détruire des bulbes encore sains. Quel que soit le type de calvitie, il est certain que la réalisation des microfentes est de très loin la meilleure technique, car elle permet, entre autres, de rapprocher les implants le plus possible les uns des autres. Mille incisions ou plus peuvent être réalisées lors d’une seule séance. Les cheveux sont alors réimplantés dans le sens de l’implantation d’origine, selon un axe de 45 degrés, et selon une orientation en éventail pour la région frontale, ou en rayons de roue pour la tonsure, à partir du tourbillon, qui, s’il n’existe plus, est lui aussi reconstitué (figures 5 et 6). Figure 6. Micro-implantation au niveau de la tonsure, après deux séances. Le terrain ayant été préparé, l’étape ultime consiste dans l’implantation proprement dite des implants. Cette dernière étape relève à la fois des compétences du médecin et des assistantes qui, là encore, ont été spécialement formées à implanter les unités folliculaires dans les petites niches préalablement réalisées. La réalisation de cette dernière étape nécessite un grand savoir-faire alliant vitesse et dextérité, et ne supporte aucune improvisation, d’autant plus qu’il s’agit du traitement de grandes calvities, où un nombre considérable d’implants doivent être implantés en un minimum de temps. Figure 7. FUE : technique de prélèvement au micropunch. Ne perdons jamais de vue qu’il s’agit d’un acte qui se déroule sous anesthésie locale, et qu’il faut agir en tenant compte des limites du temps d’action des produits anesthésiques. Rappelons enfin que les trois étapes — prélèvement, préparation des implants et implantation — se réalisent dans le même temps opératoire, et que la durée moyenne d’une grosse séance est de 4 à 6 heures. _ Autre technique de prélèvement : la FUE Il est certainement opportun de rappeler ici une technique ancienne récemment remise au goût du jour et qui consiste, non pas en un prélèvement par bandelette, mais par micropunch. Les unités folliculaires sont ainsi prélevées une par une (figure 7) ; cette technique excessivement longue et laborieuse est parfois présentée comme révolutionnaire, car évitant la rançon cicatricielle. En réalité, le résultat d’un tel prélèvement consistera en la création de centaines ou de milliers de microcicatrices punctiformes criblant le cuir chevelu sur une très grande surface, aboutissant à la longue à un cuir chevelu globalement éclairci, voire transparent, dans le cas de patients présentant une faible densité au niveau de la zone pariéto-occipitale. Une telle méthode ne devrait être réservée qu’à des patients ayant épuisé les possibilités de la technique par bandelette, et qui présentent un cuir chevelu tendu à l’extrême du fait des prélèvements précédents, mais qui conservent certaines réserves de cheveux qu’il serait regrettable de ne pas exploiter dans le cadre de grandes calvities par exemple. Cette technique couramment dénommée FUE pour Follicular Unit Extraction, présente par ailleurs le risque de fréquemment léser l’unité folliculaire, du fait d’un prélèvement réalisé, par définition, à l’aveugle. Figure 8. Classification de Ludwig des alopécies féminines. Là encore, la pratique d’une telle technique oblige à un très long apprentissage, et ne peut s’improviser pour qui respecte un tant soit peu le patient. Les réserves en cheveux sont limitées, il importe de les préserver. Suites opératoires Quelle que soit la méthode de prélèvement employée, et pour qui maîtrise parfaitement l’anesthésie locale, il faut préciser au chapitre des modalités opératoires qu’à l’opposé des méthodes d’hier, cette intervention est devenue parfaitement indolore, et permet au patient de repartir dans l’heure qui suit sa séance sans devoir afficher le moindre pansement. Il peut effectuer son premier shampooing dans les 48 heures, au rythme d’un shampooing tous les jours ou tous les deux jours, jusqu’à cicatrisation définitive, ce qui prend 15 jours en moyenne. La transplantation de cheveux chez la femme Tout comme l’homme, la femme perd ses cheveux. Si certaines causes qui tendent à expliquer ce phénomène sont communes à celles retrouvées chez l’homme, d’autres causes sont spécifiques à la femme, et bien connues. Figure 9. Micro-implantation au niveau du golfe temporal chez une femme. Résultat après une séance. D’autres causes encore ne trouvent, à ce jour, pas d’explication. Concernant le traitement de l’alopécie féminine, la microtransplantation peut trouver son application, dans le cas d’un éclaircissement prédominant au niveau du vertex, avec une zone donneuse relativement indemne de processus pathologique. Cela peut se produire dans le cas de l’alopécie de la femme ménopausée ou en période périménopausique, celle-ci répondant à la classification de Ludwig (figure 8). Dans ce cas, l’indication de greffe de cheveux est justifiée, les résultats sont, comme chez l’homme, excellents. On privilégie alors l’implantation de minitransplants de 4 à 4 cheveux, et ce, afin de réduire au maximum la clairsemance. Figure 10. Résultat de micro-implantation chez l’homme après deux séances. La calvitie de la femme jeune, plus difficile à comprendre, est également bien plus compliquée à traiter, du fait de la présence d’un éclaircissement diffus s’étendant jusqu’à la couronne occipitale. Un cas particulier concerne la perte de cheveux suite à une intervention de chirurgie esthétique, et notamment après un lifting, où les femmes peuvent perdre leurs petits cheveux en avant des oreilles, ou présenter en région temporale quelques cicatrices inesthétiques. Sans aucun doute, il se trouve ici une formidable indication de microtransplantation. Cette technique donne des résultats exceptionnels, et permet à la femme, en une ou deux séances de transplantation, cheveu par cheveu, de retrouver une implantation presque similaire à ce qu’elle possédait à l’origine (figure 9).
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