Publié le 30 nov 2024Lecture 4 min
Indications et réalisation pratique des injections intralésionnelles de corticoïdes retards
Catherine FABER, d’après les communications des Drs Robin Zagala et Olivier Cogrel, CHU de Bordeaux
Les injections intralésionnelles de corticoïdes retard sont une technique ancienne, simple, peu coûteuse et largement pratiquée. Néanmoins, la littérature comporte peu de données sur le sujet.
Au niveau du cuir chevelu, la pelade est l’indication majoritaire des injections intralésionnelles de corticoïdes. La corticothérapie intralésionnelle vise à bloquer l’inflammation, qu’elle soit active ou chronique, et à induire une repousse rapide. Elle apparaît comme un traitement de première intention de la pelade non sévère à partir de l’âge de 13 ans dans le consensus international de 2020(1). La décision d’y recourir dépend de l’âge du patient (les injections peuvent être mal tolérées par l’enfant) et de l’étendue de la surface cutanée atteinte. Ce traitement présente un intérêt particulier sur des zones spécifiques comme les sourcils chez l’homme et les zones réfractaires en association avec d’autres traitements. Les injections sont réalisées avec une seringue à pas de vis et une aiguille de 30 G, en intradermique profond et à un angle variable selon l’épaisseur du derme.
On recommande l’acétonide de triamcinolone (KENACORT® RETARD) à une concentration de 8 mg/mL (dilué au 1/5e dans du sérum physiologique) pour le scalp, les sourcils et le menton, et de 5 mg/mL (1/8e ) pour la barbe. Si besoin, celle-ci sera ensuite adaptée avec une diminution en cas d’atrophie ou une augmentation, parfois jusqu’à 15 mg/mL sur le scalp, en cas de réponse insuffisante. Il n’y a pas d’indication dans les cils. Le rythme des injections dépend de la stratégie. Elles peuvent être pratiquées soit en une seule fois pour accélérer la repousse avec l’application de propionate de clobétasol (DERMOVAL® gel), soit de façon répétée tous les 3 mois en entretien. Leur efficacité sera jugée après quelques semaines de traitement. L’atrophie constitue le principal risque. C’est l’un des cas de figure, avec les réactions d’hypersensibilité et les difficultés d’approvisionnement en triamcinolone, dans lesquels la bétaméthasone (DIPROSTÈNE®) peut être proposée en alternative(2). Il faut aussi être attentif à l’imprégnation cortisonique, surtout chez l’enfant. La règle est d’utiliser au maximum une ampoule de triamcinolone par séance. Un traitement prolongé peut justifier une évaluation de la densité minérale osseuse.
Pelade chez une patiente blonde.
Autres indications : lichen plan ou folliculite fibrosante
Dans le lichen plan pilaire, les concentrations préconisées sont plus importantes (10 à 15 mg/mL) et les injections plus superficielles. Sur les zones réfractaires où le test de traction est positif, quelques rares données plaident pour l’association de la corticothérapie intralésionnelle à d’autres traitements. Dans le lupus discoïde, la tendance est de l’éviter en raison du ris que d’atrophie.
Dans l’alopécie frontale fibrosante, les injections intralésionnelles de corticoïdes sont peu efficaces sur le recul de la ligne capillaire, mais elles pourraient avoir un intérêt sur le sourcil(3).
Dans la folliculite fibrosante de la nuque (ex-acné chéloïdienne de la nuque), elles ont l’avantage d’agir à la fois sur l’inflammation et sur la fibrose. L’acétonide de triamcinolone 40 mg/mL est utilisée pour les lésions très fibreuses ou les chéloïdes. Pour l’injection, il faut forcer et passer un peu en dessous du nodule. C’est un geste douloureux à réaliser après application d’un anesthésique topique (crème EMLA® sous occlusif). Dans les formes frontières de folliculite fibrosante – décalvante – disséquante, la concentration de triamcinolone employée est de 15-20 mg/mL sur les nodules inflammatoires et de 40 mg/mL en cas de fibrose importante ou de chéloïde, là encore en association avec les traitements systémiques (doxycycline, isotrétinoïne, anti-TNF).
Syndrome d’occlusion folliculaire
Le syndrome d’occlusion folliculaire associe différentes entités qui ont une physiopathologie commune : l’hidradénite suppurée (HS), l’acné conglobata, la cellulite disséquante du cuir chevelu (triade folliculaire) et éventuellement le sinus pilonidal (tétrade folliculaire). Ces pathologies ne sont pas à l’origine d’authentiques abcès mais de collections inflammatoires susceptibles d’évoluer vers une fibrose et des fistules. D’où l’importance d’instituer une prise en charge très précoce, au stade initial, en particulier avec les injections intralésionnelles de corticoïdes retards. Dans une série de 30 cas d’HS, ce traitement (triamcinolone 10 mg/mL ; 1 à 2 mL) a entraîné un aplatissement complet des nodules inflammatoires en 7 jours(5). Depuis sa publication en 2016, environ une quinzaine d’études prospectives ou rétrospectives ont été rapportées dans la littérature. Leurs résultats sont assez inégaux, mais des améliorations significatives ont tout de même été obtenues, notamment sur les zones génitales. Une revue systématique de sept études regroupant un total de 426 patients atteints d’HS a mis en évidence un taux de réponse complète de l’ordre de 44 à 66 % et peu d’effets indésirables, notamment d’atrophie(6).
Dans les cellulites disséquantes, la technique consiste à faire une ponction-aspiration avec drainage de la collection inflammatoire avant d’injecter le corticoïde retard. Un traitement systémique y est toujours associé. Les injections intralésionnelles de corticoïdes font partie des stratégies proposées dans un récent algorithme de traitement des cellulites disséquantes(7). Dans les « abcès » faciaux (HS faciale, acné conglobata), elles doivent être pratiquées en urgence. L’incision des collections et des nodules et a fortiori l’adressage aux chirurgiens sont proscrits. L’intérêt des injections intralésionnelles de corticoïdes, avec ou sans corticothérapie locale, dans les collections aiguës est peu documenté. La littérature fait état de concentrations de triamcinolone variables (de 2,5 mg/mL à 10 mg/mL). Ce traitement intralésionnel peut donner des résultats très intéressants(8-10).
D’après les communications des Drs Robin Zagala et Olivier Cogrel, CHU de Bordeaux,
2e journée du groupe DEFI (DErmatoses FacIales) de la Société française de dermatologie,
Paris, 2024.
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