Publié le 21 jan 2009Lecture 15 min
Chute de cheveux chez la femme : quels traitements ?
J.-A. AMAR, Hôpital Saint-Louis, Paris
La chute de cheveux diffuse chez la femme est un motif fréquent dans nos consultations de dermatologie ; elle n’en est pas moins évoquée chez le gynécologue. La prise en charge thérapeutique sera dépendante de l’étiologie. Dans des situations chroniques insolubles médicalement, la greffe de cheveux pourra apporter une grande satisfaction et un grand soulagement chez nos patientes.
Généralités Définition On parle de chute aiguë lorsque l’évolution dure moins de 3 mois, et de chute chronique lorsque l’évolution est supérieure à 6 mois. Il existe deux mécanismes physiopathologiques de la chute de cheveux : ● l’effluvium anagène : arrêt brutal de la phase de croissance anagène (ex. pelade diffuse) ; ● l’effluvium télogène : passage d’un nombre excessif de cheveux en phase télogène de façon synchrone (ex. lors du post-partum). L’examen Lors de la consultation, on s’informera de l’âge de la patiente, du contexte général, des antécédents familiaux, de la prise de médicaments, de la contraception et des événements gynéco-obstétricaux. L’examen comprend : ● un examen visuel des cheveux et un test de traction si possible. Une traction est exercée sur 3 mèches de 10 cheveux chacune environ, l’une en occipital, une autre en pariétal et enfin une en frontal ; le test est anormal si chaque mèche ramène plus de 3 cheveux télogènes, c'est-à-dire un cheveu avec le petit renflement terminal blanc caractéristique ; ● un examen général de règle ; ● plus rarement un trichogramme et/ou une biopsie du cuir chevelu. Chute aiguë : évolution depuis moins de 3 mois Éliminons d’emblée les fausses chutes (1) : l’examen, la densité et le test à la traction sont normaux. Il peut s’agir d’un état capillaire fin ou peu abondant constitutionnel. Il faut se méfier des états dépressifs où la supposée chute n’est qu’un moyen d’expression de cette dépression et rassurer ces patientes. Il peut s’agir : ● d’un effluvium télogène réactionnel aigu (+++) ; ● d’une alopécie toxique et/ou médicamenteuse ; ● d’une pelade diffuse ; ● ou d’une autre cause. Quelques chiffres Notre tête compte 80 000 à 160 000 cheveux. Le cheveu a une croissance cyclique avec un renouvellement en 3 à 5 ans. La perte physiologique journalière est de 25 à 60 cheveux avec deux pics saisonniers, au printemps et à l’automne. Environ 85 % des cheveux sont en phase anagène (phase de croissance), 1 à 2 % en phase catagène (phase de repos) et 15 à 20 % en phase télogène (phase d’élimination et donc de chute). Effluvium télogène réactionnel aigu Il se rencontre après un accouchement, une fièvre, une hémorragie aiguë, un traumatisme, une intervention chirurgicale, un régime brutal, un stress psychologique, une modification de la contraception (1-3). Le test à la traction est très positif, la densité est faible ou normale ; l’événement déclenchant est survenu 3 mois auparavant. Le bilan biologique comprend : NFS, fer sérique et ferritinémie (+++), TSHus (thyroïde) et selon le contexte, sérologie de la syphilis et des anticorps antinucléaires (AAN). La repousse est spontanée en 4 à 6 mois ; on prescrira des vitamines qui aideront à passer ce cap. Alopécie toxique et médicamenteuse La relation de cause à effet n’est pas toujours facile à établir. On distingue plusieurs groupes, en fonction de la fréquence de l’alopécie occasionnée(1,2,4) : ● l’alopécie est fréquente : antimitotiques, colchicine, interféron, rétinoïdes, anabolisants stéroïdiens ; ● l’alopécie est occasionnelle : anticoagulants, anticonvulsivants, antithyroïdiens, corticoïdes, progestatifs androgéniques ; ● l’alopécie est exceptionnelle : antidépresseurs, bêtabloquants, hypocholestérolémiants ; ● intoxication professionnelle ou accidentelle : thallium, arsenic, acide borique, chloroprène. Ces listes ne sont pas exhaustives. Pelade diffuse La pelade est une chute massive, diffuse et brutale (1,2). Tout le scalp est touché et surtout la zone occipitale. Il est sage de confier la patiente au dermatologue. Le pronostic est bon avec repousse spontanée en quelques mois. Autres causes Les autres causes peuvent être : une syphilis secondaire, une maladie systémique aiguë, une maladie générale, une anémie, une dysthyroïdie débutante. Toutes ces chutes aiguës s o n t r é s o l u t i v e s e n quelques mois après bien sûr suppression des facteurs supposés déclenchants ; cependant, elles peuvent quelquefois cacher d’authentiques alopécies androgéniques (AAG) débutantes sous-jacentes ou passer à la chronicité. Chute chronique : l’alopécie évolue depuis plus de 6 mois Le test à la traction est positif ou normal, la densité capillaire est faible. Selon la topographie, on va distinguer (1) : ● les alopécies à topographie diffuse non androgénique ; ● l’alopécie à topographie androgénique avec typiquement une atteinte du vertex, de la zone fronto-pariétale, un respect paradoxal d’une bande frontale antérieure et conservation d’une zone occipitale riche et fournie. Alopécies à topographie diffuse non androgénique Tout le scalp est touché, et notamment les zones antérieures et occipitales. Le bilan comprend : NFS, VS, fer sérique, ferritinémie (+++), TSHus. Différentes causes sont à évoquer. Carence martiale. Avec ou sans anémie, une carence martiale est fréquente chez les patientes consultant pour une chute de cheveux(1,2,5). On considère qu’une ferritinémie < 40 ng/ml est pathologique (pour certains, le seuil est 70 ng/ml). La supplémentation en fer ne résout pas toujours le problème (AAG sous-jacente ? effluvium télogène chronique ?). Autres causes nutritionnelles (1,2,5) : régime amaigrissant, carence en acides gras essentiels ou en zinc. Causes endocriniennes : dysthyroïdies (+++), hypoparathyroïdie, hypopituitarisme. Causes métaboliques (1,2,5,6) : insuffisance hépatique, insuffisance rénale, hémopathie, hypoprotidémie, tous les syndromes inflammatoires, les connectivites (LES, dermatomyosite). Ici l’alopécie, le plus souvent, n’apparaît pas comme un possible signe de dépistage de la maladie générale, mais plutôt comme un épiphénomène malheureux noyé dans un ensemble. Effluvium télogène chronique (ETC) (1,2,7) : le bilan de l’alopécie diffuse chronique est négatif et surtout celui de la recherche d’une AAG. C’est un diagnostic d’exclusion. L’ETC atteint les femmes entre 30 et 50 ans, la densité des cheveux est presque normale, le test à la traction est positif, de façon diffuse à la fois sur le vertex et en occipital (dans l’AAG, l’atteinte prédomine sur le vertex et en rétro-frontal), il n’existe pas de cheveux miniaturisés ni d’éclaircissement de la zone médiane contrairement à l’AAG. L’évolution de l’ETC est capricieuse avec arrêt au bout de 3 à 4 ans ou plus. Malgré la chute, une bonne densité est conservée. L’effluvium télogène chronique est un diagnostic d’exclusion. Le traitement comprend principalement la vitaminothérapie (+++) ; le minoxidil (2 % ou 5 %) est proposé par certains auteurs et à éviter pour d’autres ; le traitement antiandrogénique n’est pas indiqué. Alopécie diffuse chronique à topographie androgénique L’alopécie androgénogénétique (AAG) est la cause la plus fréquente de chute de cheveux diffuse chronique chez la femme (figure 1) (1,2,8). Figure 1. Alopécie androgénogénétique typique. Diagnostic positif Le test à la traction est positif ou normal, la densité est diminuée essentiellement dans les zones androgéniques : vertex et zone pariéto-frontale. Les cheveux sont miniaturisés. L’alopécie peut suivre le schéma topographique classique en 3 stades de Ludwig (9). Parfois le diagnostic différentiel n’est pas toujours facile avec l’ETC. Chez la femme ménopausée (1,2,8), l’AAG est à différencier de l’alopécie progressive frontale qui correspondrait en fait à un lichen plan pilaire (biopsie). Rôle des hormones dans l’AAG La question de la dépendance réelle de l’AAG féminine vis-àvis des androgènes n’est pas réglée(8,10) ; elle peut être (si son rôle est admis) : ● soit isolée : hyperandrogénie périphérique avec susceptibilité individuelle aux androgènes endogènes intracellulaires des cellules de la matrice pilaire, sans hyperandrogénie biologique ; rôle des récepteurs aux androgènes, de la 5-alpha-réductase et d’autres enzymes impliquées dans le métabolisme périphérique des androgènes et dont l’expression est d’origine possiblement génétique ; ● soit intégrée dans un tableau d’hyperandrogénisme avec hirsutisme, troubles des règles ; l’exploration hormonale décèle un hyperandrogénisme ovarien ou surrénalien. Bilan endocrinien devant une AAG (8,10) Association à un hirsutisme et/ou une acné sévère et/ou un trouble du cycle : faire un bilan endocrinien et une échographie ovarienne à la recherche d’une hyperandrogénie d’origine ovarienne (syndrome des ovaires polykystiques) ou d’un bloc surrénalien par déficit en 21 hydroxylase ; dosage de la testostérone libre, SHBG, index de T libre, 17 OH progestérone, ± test au synacthène). Ces tests sont réalisés chez une femme le matin d’un des 6 premiers jours du cycle sans contraception hormonale depuis 3 mois, ni prise de cortisone. AAG isolée : aucun bilan hormonal. AAG en cas de ménopause et périménopause : aucun bilan hormonal. Chez la jeune fille dans les 3 ans qui suivent l’installation des règles : pas de bilan. Figure 2. Alopécie androgénogénétique ; avant (a) et après greffe de cheveux (b). Traitement (1,8,11) Les antiandrogènes : acétate de cyprotérone (CPA) et spironolactone. Ils n’ont pas d’AMM dans l’alopécie féminine. Le CPA à 50 mg/j (Androcur®) est administré à 1 cp/j + estrogène naturel en comprimé, gel ou patch 20 j/28 j. L’amélioration est notée en 6 mois sur l’hirsutisme ; sur l’alopécie, l’effet est lent, inconstant et subjectif. La spironolactone (Aldactone®) est surtout utilisée aux États-Unis. Elle est prescrite à 100 ou 200 mg/j + progestatif non androgénique (15 j/mois). CPA et spironolactone ont une efficacité similaire. La contraception : on évitera les substances potentiellement androgéniques et on conseillera une association estroprogestative avec un progestatif antiandrogénique : acétate de cyprotérone (Diane 35®), chlormadinone (Belara®), drospirénone (Jasmine®, Jasminelle®) ou norgestimate (Triafemi®). Le minoxidil (+++) 2 % et 5 %. Même si classiquement la forme à 5 % est dévolue uniquement à l’homme, pour notre part, nous l’utilisons sans problème chez la femme. Une forme mousse existe aux États-Unis et sera prochainement disponible en France. Théoriquement, la dose est de 1 ml matin et soir. Compte tenu de l’effet irritant possible et/ou de l’effet cosmétique immédiat désagréable que peut avoir le produit sur les cheveux en application matinale, certains préconisent une seule application le soir (2 ml ou 1 ml). Rappelons qu’il est contre-indiqué chez la femme enceinte ou allaitante. Le minoxidil sera prescrit en association aux antiandrogènes. Le finastéride (Propecia®). Une étude a montré son échec chez la femme ménopausée ; il est contreindiqué chez la femme (risque de féminisation du foetus mâle en cas de grossesse). De futures évaluations sont nécessaires pour connaître son efficacité chez la femme jeune sous contraceptif. La prescription la plus efficace dans l’AAG semble être l’association du minoxidil et d’un antiandrogène(8,11). En termes d’efficacité, l’essai comparatif des deux produits semble conclure à une supériorité du minoxidil sur le CPA quand l’AAG est isolée, alors que le CPA semble plus efficace que le minoxidil quand l’AAG est associée à une hyperandrogénie clinique ou biologique. Figure 3. Alopécie chronique post-ménopausique; avant (a) et 1 an après greffe de cheveux. La greffe de cheveux Lorsque l’alopécie chronique dure depuis des années, avec un traitement médical tant symptomatique qu’étiologique bien conduit, sans amélioration cosmétique visible, chez une patiente motivée, il est logique de proposer une greffe de cheveux (12-14). Principe et technique Le principe est le même que pour l’homme, c’est-à-dire que l’im-plantation de cheveux avec leur bulbe pris à l’arrière occipital dans une zone plus sensible sur le plan esthétique, à savoir les zones fronto-pariétales antérieures. Une bandelette occipitale horizontale de 1 cm de large est prélevée sur une longueur en fonction de la surface à couvrir (généralement entre 16 à 22 cm). La zone prélevée est immédiatement refermée, aboutissant à une fine cicatrice linéaire horizontale définitive. La bandelette est découpée au microscope en multiples implants. Cette découpe respectera la répartition naturelle des cheveux en unités folliculaires de 1, 2, 3 ou 4 cheveux (15). Ces implants seront ensuite insérés dans des microfentes pré-réalisées à cet effet dans les zones à couvrir. L’intervention se passe sous anesthésie locale et dure 2 h à 2 h 30. La patiente repart sans pansement. Cette i n t e r v e n t i o n e s t u n t r a v a i l d’équipe qui nécessite 2 à 4 assistantes. Les suites postopératoires Les shampooings sont autorisés dès le 2e jour. Une petite sensibilité peut exister à l’arrière durant quelques jours. Un oedème postopératoire frontal éphémère peut survenir pendant 2 à 3 jours (prescription de corticoïdes). Des croûtes apparaissent aux points d’implants et vont persister 8 à 10 jours. La fine cicatrice linéaire occipitale définitive est facilement camouflable par les cheveux arrières qui la recouvrent. Une petite chute de cheveux postopératoire est possible et peut durer 2 à 3 mois. Elle peut amener la patiente à se questionner sur le bien-fondé de l’intervention. De nombreuses consultations explicatives postopératoires et la prescription de vitamines sont ainsi nécessaires pour la rassurer et passer ce cap désagréable. Une petite chute de cheveux postopératoire peut amener la patiente à se questionner sur le bien-fondé de l’intervention. Les résultats La repousse est visible au bout de 6 mois, mais les beaux résultats cosmétiques définitifs ne s’apprécieront qu’au bout d’un an. Les cheveux implantés sont censés ne plus jamais tomber ou du moins avoir la même longévité qu’ils auraient eue s’ils étaient restés dans leur site originel arrière. Ils sont vivants, poussent normalement et sont traitables exactement comme les autres cheveux : coupe chez le coiffeur, couleur… Le résultat est fonction de plusieurs paramètres plus ou moins associés à des degrés divers ; leur addition va augmenter le résultat cosmétique définitif : ● l’épaisseur des cheveux de la zone donneuse : la couverture augmentera logiquement avec l’épaisseur ; ● le caractère frisé ou non des cheveux : plus ils frisent et bouclent et meilleure sera leur aptitude volumétrique couvrante ; ● la densité des cheveux/cm2 et le nombre d’implants : une belle bande de 20 à 23 cm de long peut fournir 3 000 à 4 000 cheveux qui se répartiront en 900 à 1 200 implants ; ● le contraste de couleur entre peau et cheveux : des cheveux clairs sur peau claire couvriront mieux que des cheveux très noirs sur peau blanche ; ● la longueur des cheveux : plus ils seront longs et plus ils se couvriront les uns les autres afin d’augmenter le volume d’ensemble. Les cheveux arrières transplantés peuvent être de mauvaise qualité et tomber un jour : même dans cecas, l’ajout arithmétique de 2 000 voire 3 000 cheveux à l’avant peut, pour plusieurs années, procurer une satisfaction cosmétique inestimable pour la patiente. La greffe ne résout pas le problème de la texture des cheveux. Des cheveux fins arrières apporteront des cheveux aussi fins à l’avant. Il faut se méfier des états dépressifs sousjacents et des demandes utopiques. Cette technique permet d’apporter de façon ciblée des cheveux exactement là où la patiente le désire, c’est-à-dire le plus souvent à l’avant. Elle met fin à une période où la femme ne pouvait se permettre aucune coiffure et prenait des traitements pendant des années sans résultat esthétique tangible. Cette amélioration, si minime soit-elle, est vécue comme une victoire chez des femmes qui ne voyaient jamais d’issue à leur problème. Les indications Les indications de la greffe de cheveux sont : ● surtout les AAG avec un potentiel donneur occipital de bonne qualité ; ● les alopécies diffuses chroniques, pour lesquelles une étiologie est découverte, mais dont le traitement supposé causal ne restaure pas l’état capillaire antérieur avec passage à la chronicité ; ● le vécu malheureux de tout état capillaire chronique avec déficit fronto-pariétal affichant ; ● le cas difficile des alopécies frontières (AAG/alopécie diffuse chronique mal étiquetée/ETC) et des formes intriquées ; ● les alopécies circonscrites stabilisées, même cicatricielles (lupus, lichen plan…) ; ● les plaques de pelade stables et fixes depuis des années et voyantes. Quelle que soit la cause de la chronicité de l’alopécie, le résultat dépend de la zone arrière potentielle donneuse : meilleure elle sera et meilleurs seront les résultats esthétiques. La greffe de cheveux ne sera jamais proposée en première intention, elle succédera toujours aux traitements médicaux essayés sans succès pendant des années et chez une patiente motivée. Quelle que soit la cause de la chronicité de l’alopécie, le résultat dépend de la zone arrière potentielle donneuse. Les compléments capillaires (1) Totaux ou partiels, utilisant des cheveux naturels ou synthétiques, les compléments capillaires peuvent être d’un grand secours. Il faut toutefois se méfier des alopécies de traction qui peuvent résulter des fixations du complément aux cheveux sains (tressage, utilisation de petits cylindres en plomb). En cas d’alopécies post-chimiothérapie et de pelade totale, ils sont partiellement pris en charge par la Sécurité sociale. Conclusion La prise en charge d’une alopécie chez une femme dépendra de l’étiologie. Aiguë, elle sera résolutive en quelques mois ; chronique, il faudra dépister et traiter les différentes étiologies parmi lesquelles domine l’AAG avec son corollaire hormonal sous-jacent possible. Quelle que soit la cause de cette alopécie chronique, chez une patiente motivée, on peut proposer une greffe de cheveux qui apportera de façon concrète une amélioration spectaculaire et soulageante.
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