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Laser et autres techniques

Publié le 07 sep 2011Lecture 10 min

La microscopie confocale par réflectance in vivo : une nouvelle technique d’imagerie non invasive

J. KANITAKIS, Clinique dermatologique, hôpital Édouard Herriot, Lyon
La microscopie confocale par réflectance (en anglais : Reflectance Confocal Microscopy) est une nouvelle technique d’imagerie microscopique introduite en dermatologie, qui permet d’examiner la peau in vivo de façon non invasive, en temps réel. Par ses propriétés, elle se situe entre la dermatoscopie et l’examen histologique classique.
La microscopie confocale par réflectance (MCR) est une technique relativement récente d’imagerie microscopique qui permet, entre autres, d’examiner la peau in vivo de façon non invasive, en temps réel, sans utilisation de colorants ou fluorochromes. Elle a été inventée en 1995 et s’est rapidement développée depuis, notamment avec l’utilisation de rayons laser de longueurs d’onde différentes et l’utilisation en mode fluorescence. La MCR permet d’examiner in vivo au niveau cellulaire la partie superficielle de la peau (épiderme, derme papillaire), jusqu’à une profondeur de 200 à 300 μm, de façon indolore, sans provoquer de lésions cellulaires ou tissulaires. Elle permet dans certains cas de se passer de la biopsie cutanée pour le diagnostic d’une lésion, essentiellement de nature tumorale, ou de guider le choix du site à biopsier d’une lésion suspecte (p. ex. mélanome de Dubreuilh). La MCR in vivo se situe ainsi à l’interface entre la derma toscopie et l’examen histologique classique, car elle a en commun avec la première la réalisation non invasive in vivo, en temps réel, et avec le second la possibilité d’examiner la peau à l’échelle cellulaire. La MCR permet dans certains cas de se passer de la biopsie cutanée pour le diagnostic d’une lésion, ou de guider le choix du site à biopsier.   Principe de fonctionnement Le principe de la MCR repose sur le réfléchissement de la lumière par les molécules contenues dans la peau. Le microscope éclaire (habituellement avec un rayon laser de 830 nm) un petit volume de tissu après focalisation à l’aide d’un objectif. La lumière réfléchie par le tissu est recueillie par l’objectif et transmise à un détecteur à travers un diaphragme, qui permet de recueillir la lumière provenant du seul point éclairé (figure 1).  Figure 1. Microscope à réflectance laser commercialement disponible et principe de fonctionnement. Les images obtenues correspondent à des coupes optiques horizontales (dites « en face ») d’une épaisseur inférieure à 5 μm (à l’opposé de l’histologie classique où les coupes de peau sont généralement réalisées perpendiculairement à la surface cutanée). La MCR produit des images en niveaux de gris de 0,5 x 0,5 mm. Des images adjacentes (ou superposées) peuvent être combinées pour former une image mosaïque sur le plan horizontal de 4 x 4 mm, ou sur le plan vertical ; à l’aide d’un logiciel approprié, les coupes verticales séquentielles peuvent être observées en mouvement, reproduisant une véritable « plongée » dans la peau. Le contraste des images dépend de la capacité de réflectance (mesurée par l’indice de réflectance [IR]) des molécules contenues dans la peau (essentiellement mélanine, kératine, collagène). Les molécules fortement réfléchissantes paraissent blanches/ claires, les non réfléchissantes paraissent sombres/noires. La mélanine possède un IR élevé, supérieur à celui de la kératine et du collagène ; par conséquent, le contraste des images en MCR varie entre autres en fonction du phototype du sujet (VI > I), de l’exposition aux rayons UV et de la couche épidermique étudiée, la couche basale étant plus fortement réfringente que les couches suprabasales. Par ailleurs, l’IR de la kératine varie selon le degré de différenciation des kératinocytes. Lors de la maturation de ceux-ci, le poids moléculaire des kératines augmente parallèlement à l’IR ; les kératinocytes de la couche cornée sont donc plus réfléchissants/ clairs que ceux du corps muqueux. La résolution obtenue par la MCR est proche de celle du microscope optique sur des coupes histologiques classiques (0,5-1 μm), et permet d’obtenir des informations sur des détails architecturaux, cellulaires et nucléaires. Le contraste des images en MCR varie entre autres en fonction du phototype du sujet.   Aspect de la peau normale en MCR in vivo La couche cornée est la première couche visible à la surface cutanée, à une profondeur de 0 à 15 μm sous la surface. Les cornéocytes sont visualisés comme des cellules polygonales anucléées d’environ 30 μm de diamètre, agencés en îlôts séparés par des dépressions. Figure 2. Corps muqueux de l’épiderme normal : aspect caractéristique « en nid d’abeille ».  Figure 3. Mélanocytes basaux et anneaux papillaires dermiques marginés (edged papillae) d’une peau normale pigmentée. La couche granuleuse est constituée de 2 à 4 couches de cellules nucléées de 25 à 35 μm de diamètre, observées 15 à 20 μm sous la couche cornée ; ces cellules ont un cytoplasme granuleux clair et des noyaux ovalaires sombres. Les kératinocytes du corps muqueux, observables entre 20 et 100 μm sous la surface cutanée, sont polygonaux, mesurant 15 à 25 μm de diamètre, et produisent un aspect régulier caractéristique « en nid d’abeille » (figure 2). Les kératinocytes de la couche basale, visibles à 50-100 μm de la surface, apparaissent généralement clairs en raison de leur contenu élevé en mélanine ; ils bordent les papilles dermiques, produisant l’image caractéristique des « anneaux papillaires dermiques », qui ont une forme homogène dans la peau normale ; on les désigne sous le terme de papilles « marginées » (edged papillae) (figure 3). Les annexes épidermiques (follicules pileux et glandes sudorales eccrines) peuvent être observées dans leur partie superficielle (figure 4). Dans le derme papillaire, les fibres de collagène se présentent comme des trousseaux moyennement réfringents, entre lesquels on peut observer les vaisseaux sanguins (cavités sombres) (figure 5). Figure 4. Trajet spiralé intraépidermique d’un acrosyringium (canal excréto-sudoral).  Figure 5. Aspect du derme papillaire : réseau de fibres moyennement réfléchissantes. Les espaces sombres arrondis correspondent à des vaisseaux capillaires. La MCR permet de visualiser la circulation de cellules sanguines dans les vaisseaux capillaires du derme superficiel en temps réel. L’aspect de la peau en MCR présente évidemment de nombreuses variations en fonction de la zone du corps étudiée, de l’âge de l’individu et de son phototype.   Aspect en MCR in vivo de quelques dermatoses courantes Il existe déjà de nombreuses observations sur des dermatoses inflammatoires (psoriasis, eczéma), qui montrent que la MCR in vivo permet de visualiser les altérations histologiques caractéristiques de ces maladies (hyperparakératose, papillomatose, spongiose/vésiculation) et donc de faciliter leur diagnostic. La différenciation entre eczéma et psoriasis, voire entre eczéma allergique vs irritatif est théoriquement possible. Cependant, la majorité des études en MCR ont porté sur des tumeurs cutanées, bénignes ou malignes, d’origine mélanique ou non. Les principaux aspects de ces lésions sont connus, et il existe même des critères diagnostiques spécifiques à la MCR. La majorité des études en MCR ont porté sur des tumeurs cutanées, bénignes ou malignes, d’origine mélanique ou non.  Les kératoses séborrhéiques présentent une architecture cérébriforme de l’épiderme, un aspect pavimenteux du corps muqueux, et contiennent des formations kératiniennes kystiques, des mélanophages dans le derme papillaire.  Les kératoses actiniques sont caractérisées par le pléomorphisme et les atypies kératinocytaires, la grande taille des noyaux, la désorganisation architecturale de l’épiderme avec une perte de l’aspect régulier en nid d’abeille de l’épiderme. Figure 6. Carcinome basocellulaire : présence de massifs tumoraux (MT) dans le derme, dont la disposition palissadique des cellules basales est bien visible.  Les carcinomes basocellulaires contiennent des noyaux monomorphes allongés, polarisés selon le même axe, des cellules à disposition palissadique en périphérie des massifs tumoraux, un infiltrat péritumoral et de nombreux vaisseaux péritumoraux (figure 6).  Les carcinomes spinocellulaires présentent une désorganisation de la couche cornée, une parakératose, une désorganisation architecturale de l’épiderme avec perte de l’aspect en nid d’abeille, et contiennent des kératinocytes atypiques, pléomorphes dans l’épiderme et le derme.  Les nævi (bénins) sont symétriques, bien limités, conservent l’aspect en nid d’abeille de l’épiderme, contiennent des anneaux papillaires dermiques réguliers et relativement monomorphes. Les thèques næviques sont homogènes en taille et en forme, et sont réparties uniformément (figure 7).  Les nævi dysplasiques (atypiques) montrent une distorsion plus ou moins importante de l’architecture en nid d’abeille de l’épiderme et de la jonction dermo-épidermique (anneaux papillaires pléomorphes) ; les thèques næviques ont une forme et une taille variables, sont souvent denses, et les cellules næviques présentent des atypies plus ou moins marquées.  Dans les mélanomes, l’architecture de l’épiderme est perturbée, avec perte de l’aspect en nid d’abeille. Des mélanocytes atypiques de grande taille, dendritiques, infiltrent souvent de façon « pagétoïde » les couches superficielles de l’épiderme (couche granuleuse et corps muqueux). Les anneaux papillaires dermiques sont irréguliers, les papilles dermiques non marginées ; l’assise basale contient des mélanocytes atypiques, volumineux, plus ou moins dendritiques ou globuleux. Les thèques de cellules mélaniques sont lâches, d’aspect hétérogène, et peuvent avoir une morphologie cérébriforme. Figure 7. Aspect d’un nævus en dermatoscopie (A), et image correspondante (Vivablock) obtenue par microscopie confocale par réflectance (B).  Dans les angiomes, l’épiderme est normal ; il existe de nombreux vaisseaux à lumière élargie dans le derme superficiel, séparés entre eux par de fines cloisons (figure 8). La circulation des cellules sanguines est rapide.  Dans le mycosis fongoïde, il existe des cellules arrondies/ovalaires faiblement réfléchissantes dans le corps muqueux, parfois regroupées en formations ressemblant à des vésicules ; les anneaux papillaires dermiques sont peu visibles, et le derme superficiel contient des cellules arrondies/ovalaires faiblement réfléchissantes. Une utilisation intéressante de la MCR est l’évaluation de la réponse d’une lésion à un traitement local ou systémique (p. ex. de kératose actinique). Par ailleurs, la MCR peut également être utilisée ex vivo, p. ex. pour examiner les marges d’exérèse d’une lésion tumorale, et ce de façon plus rapide que l’examen extemporané ou l’examen de Mohs.   Conclusion La microscopie confocale par réflectance est une nouvelle technique très prometteuse d’imagerie cutanée, qui complète avantageusement l’examen clinique à l’oeil nu et la dermatoscopie. Figure 8. Angiome capillaire : les vaisseaux sont visualisés comme des espaces arrondis sombres contenant des cellules claires (circulantes sanguines). Ses principaux avantages sont le caractère non invasif, entièrement indolore, de l’examen, la visualisation des structures à l’échelle cellulaire avec une résolution proche de celle du microscope histologique classique, la possibilité d’examiner la même lésion de façon répétitive dans le temps. Dans ses inconvénients (actuels), on peut citer le coût relativement élevé de l’appareil, la restriction de l’examen à la partie superficielle de la peau (épiderme, derme papillaire), les images en niveaux de gris peu contrastées chez des sujets à peau claire, la difficulté d’examiner des surfaces non planes (nez, oreilles), la difficulté d’évaluer une éventuelle invasion dermique (p. ex. dans le cas d’une kératose actinique ou d’un mélanome superficiel). Des avancées techniques (caméra manuelle, utilisation de plusieurs faisceaux laser de longueurs d’onde différentes, utilisation de colorants/fluorochromes appliqués sur la peau) vont probablement permettre de limiter au moins certains de ces inconvénients. En outre, la diffusion de la technique va permettre d’élargir le spectre de ses possibilités diagnostiques, qui sont d’ores et déjà importantes. À signaler que cette technique permet d’évaluer la réponse d’une lésion à un traitement local ou systémique et peut également être utilisée ex vivo, p. ex. pour examiner les marges d’exérèse d’une lésion tumorale, et ce de façon plus rapide que l’examen extemporané ou l’examen de Mohs.  

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