Publié le 16 avr 2012Lecture 8 min
Le maquillage correcteur et l’amélioration de la qualité de vie des patients dermatologiques
P. DESHAYES, Caen
La qualité de vie de nos patients est devenue un souci constant dans notre pratique dermatologique, mais abordons-nous toujours ce sujet lors de la consultation(1) ? La correction par le maquillage de lésions dermatologiques ou de cicatrices est un geste simple, efficace et sans risque (2), mais pensons-nous à l’évoquer, à en apporter la démonstration ou à adresser les patients à un atelier de maquillage ? Les ouvrages de référence sur la qualité de vie (3) parlent de correction ou de « camouflage », le terme de « maquillage », même associé aux qualificatifs « correcteur » ou « médical », est-il mal adapté à ces soins ? Quel terme proposer pour le remplacer ?
Illustration/figure 1 : a. Superbe résultat d’un grand lambeau jugal mais la cicatrice du nez se révèle être une gêne majeure pour la patiente ; b. Après maquillage correcteur. Qualité de vie et maquillage De nombreuses études ont démontré l’évidence : les lésions dermatologiques modifient notre comportement(4,5) au quotidien quand elles sont situées sur des zones découvertes mais aussi sur les zones couvertes (pratique du sport, façon de s’habiller, relation avec les autres). La standardisation des études de qualité de vie a permis d’évaluer le résultat du maquillage dans différentes pathologies telles que l’acné, les angiomes, le vitiligo, etc. Dans toutes ces publications (6-11), l’amélioration de la qualité de vie est démontrée, sans que le maquillage aggrave les lésions dermatologiques. Il est important de noter que l’altération de la qualité de vie n’est pas toujours proportionnelle à l’importance des lésions. Ainsi, dans une étude sur le retentissement psychologique de l’acné (12), les scores de l’échelle de cotation des lésions d’acné (ECLA) établie par le praticien et ceux du questionnaire de qualité de vie (CADI) rempli par le patient, ne sont pas corrélés. Il est indispensable d’en tenir compte dans le choix du traitement mais également pour proposer une solution immédiate de correction par le maquillage. Un autre aspect important est celui des cicatrices, en particulier après une chirurgie carcinologique. Il est fréquent qu’après une ablation importante, le chirurgien et le dermatologue soient satisfaits du résultat esthétique obtenu, mais que la patiente soit très affectée par la cicatrice résiduelle (figure 1), plus particulièrement dans les premiers mois qui suivent l’intervention. Le maquillage est une solution simple et efficace, sachant qu’il peut aussi servir de protection solaire, encore faut-il penser à le proposer… À l’inverse, devant une cicatrice plus importante, suite à une greffe ou un lambeau de reconstruction, la correction par le maquillage peut être considérée par le praticien comme un faible recours alors que le patient en appréciera pleinement le résultat (figure 2), même s’il s’agit d’un homme… Figure 2. a. Greffe libre pour reprise chirurgicale d’un mélanome du front ; b. Maquillage correcteur du fond de la cicatrice. Cette prise en charge pour des soins de maquillage est toujours bienfaisante(13). Il est fréquent de rencontrer des femmes qui, en raison d’une lésion visible du visage, pathologie dermatologique ou cicatrice, abandonnent les soins esthétiques et le maquillage qu’elles effectuaient auparavant. Le fait de leur apprendre à corriger ces imperfections, de les rassurer sur l’innocuité des produits utilisés, de leur donner quelques conseils de maquillage, les encourage à retrouver leurs habitudes, à prendre soin d’elles et à vivre comme avant (figure 3). Le maquillage correcteur Les produits L’utilisation d’un produit de maquillage pour dissimuler des lésions dermatologiques, ce que nous appelons volontiers maquillage médical ou correcteur, implique des produits spécifiques et des techniques particulières d’application. Le produit idéal se caractérise par une sécurité d’utilisation, une richesse en pigment et une facilité d’application. La sécurité est fondamentale car ces produits sont destinés à être utilisés sur une peau lésée. Ils ne doivent être ni irritants, ni sensibilisants et non comédogènes. La richesse en pigment va conférer aux produits leur couvrance, indispensable à l’effet correcteur. Cette charge en pigments est 5 à 8 fois supérieure à celle d’un fond de teint classique ; cela explique également leur rôle d’écran vis-à-vis des rayons solaires. Cette haute concentration doit être associée à une texture souple pour en faciliter l’application, tout en assurant une tenue dans le temps et un rendu naturel. Figure 3. a. Rosacée résistante aux traitements habituels et très mal vécue par cette patiente ; b. Après maquillage correcteur. Ces produits correcteurs, qu’il s’agisse de fluide, de crème, de crème compacte ou de stick, n’ont aucun effet hydratant. Ils seront appliqués sur une peau nettoyée, après utilisation d’une base adaptée au type de peau (grasse ou sèche) dont on a vérifié la compatibilité avec le produit correcteur (s’il s’agit de cosmétiques de marques différentes). Les poudres peuvent être libres ou compactes ; appliquées au pinceau, elles ont un rôle matifiant et fixent le maquillage pour une meilleure durée dans le temps. Elles sont indispensables avant l’application d’un fard à joues pour que le pinceau glisse et permette une répartition homogène. Bien sûr, un démaquillage soigneux est obligatoire avant le coucher. Les produits de maquillage utilisés ne doivent être ni irritants, ni sensibilisants ni comédogènes. La technique La technique d’application d’un produit correcteur est particulière en raison de sa texture plus épaisse et de l’aspect plus ou moins régulier de la surface à corriger. La première étape est toujours de réchauffer le produit sur le dos de sa main afin de le rendre plus souple. Ensuite, sur une surface irrégulière (cicatrice ou papule d’acné), on l’appliquera au doigt, en tamponnant de petites quantités de produit, sans hésiter à « charger » en pigment pour une répartition dans toutes les imperfections de surface. C’est en tamponnant perpendiculairement à la peau, au pinceau brosse, que le correcteur se répartira de façon homogène. Pour une correction très localisée, on estompe ensuite en bordure avec ce pinceau. Si la surface de la peau est régulière (angiome, trouble pigmentaire), l’application peut se faire au doigt ou avec un stick ; si la surface des lésions est grande, on utilisera volontiers l’éponge ou le pinceau plat. La poudre, appliquée ensuite au pinceau, matifie, fixe le maquillage et complète la correction. • Le choix de la couleur doit se faire sur une zone de peau saine localisée au plus près de la lésion. Si l’application du correcteur est invisible, c’est que la teinte est bien adaptée. Il faut faire ce test autant que possible à la lumière du jour. Pour une peau claire, on dispose de 5 à 6 teintes pour aller de la peau scandinave à la peau méditerranéenne, mais tous les mélanges sont possibles, d’autant que la teinte de la peau varie au cours des saisons avec l’exposition solaire. Cet ajustement au plus proche de la teinte naturelle permet, pour une lésion de petite surface, de se contenter d’un maquillage très localisé. Après application sur la zone à corriger, il suffit de tamponner au pinceau et d’estomper progressivement le maquillage sur le pourtour. Dans le cas de lésions multiples, lésion d’acné par exemple, on procède de la même façon sur chaque lésion et ensuite on unifie le teint en appliquant sur l’ensemble du visage le même produit correcteur rendu plus fluide en le mélangeant à 50/50 avec la base. • Dans le cas d’un contraste important de teinte entre la lésion et la peau normale, on peut neutraliser la couleur de la lésion en appliquant un correcteur d’une teinte complémentaire. On utilise classiquement le vert pour neutraliser une couleur rouge et le jaune pour neutraliser une teinte bleu-violine. En fait, il faut tenir compte de la teinte naturelle de la peau ; sur une peau dorée, un correcteur jaune peut être tout à fait satisfaisant pour corriger une rougeur importante ou des cernes brunâtres, alors qu’un correcteur vert pourrait donner un résultat blafard. Il est important dans tous ces cas de faire un essai pour juger de la correction qui sera la plus naturelle et donnera satisfaction au patient. Figure 4. a. Vitiligo du visage ; b. Après maquillage correcteur. • Dans le cas de troubles pigmentaires, on ne cherchera pas à donner une teinte homogène à l’ensemble du visage, mais on procédera par petites touches d’un correcteur clair sur les zones foncées et d’un correcteur foncé sur les zones claires (figure 4). Il vaut mieux un résultat naturel, même insuffisant, qu’un emplâtre de camouflage. On a la possibilité, par le maquillage des yeux ou de la bouche, d’attirer le regard sur d’autres zones. Dans le cas du vitiligo, on peut associer au maquillage l’utilisation préalable d’un autobronzant, surtout dans le cas d’un phototype élevé. Conclusion Le maquillage correcteur est un outil à ne pas sous-estimer dans l’amélioration de la qualité de vie de nos patients. À nous d’y penser, autant face à des lésions d’acné ou des cicatrices qui nous paraissent minimes mais gênent le patient plus qu’on ne le pense, que face à des lésions plus importantes que le maquillage ne fera pas disparaître, mais aidera le patient à se réapproprier ces zones altérées de sa peau. Il faut y penser, il faut en parler. Certes, il faut du temps, mais le maquillage d’une lésion localisée peut être très rapide, et dans une douzaine de services de dermatologie en France, des ateliers de maquillage correcteur ont été mis en place, pour la formation des patients, en complétant leurs soins pour une meilleure qualité de vie au quotidien.
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