Maladie de système, Médecine interne
Publié le 04 sep 2006Lecture 5 min
Les pseudo-porphyries tardives
A.-S. Dupond, CH de Belfort-Montbéliard
La pseudo-porphyrie cutanée tardive (pseudo-PCT) est une dermatose bulleuse des zones photoexposées mimant cliniquement une porphyrie cutanée tardive (PCT) mais s’en distinguant biologiquement(1).
Elle a été décrite en 1964 sous le terme de « porphyria-like » a propos d’un patient traité par acide nalidixique. Depuis cette présentation, la littérature est riche de cas cliniques, de séries et de descriptions de modèles animaux permettant d’expliquer la physiopathologie de cette dermatose. Clinique La pseudo-PCT a été décrite chez l’enfant et chez l’adulte. Il n’y a pas de différence selon les sexes. Fig 1 Les signes cliniques sont uniquement dermatologiques : en effet, contrairement à la PCT, il n’y a pas d’anomalies hépatiques ni de troubles de la pigmentation des urines. Les lésions sont situées sur les zones photoexposées (figures 1, 2 et 3) : dos des mains, bords latéraux des doigts, visage, crètes tibiales. Ce sont des bulles à contenu clair qui laissent place à une croûte puis à des cicatrices rétractiles ou achromiques. La peau péribulleuse est saine ; il peut exister des grains de milium. Les bulles peuvent survenir en une seule poussée mais aussi être d’âges différents. Une fragilité cutanée est associée aux bulles. Ces lésions sont favorisées par les expositions solaires et apparaissent donc plus fréquemment en période estivale. Fig 2 Chez les patients porteurs de vitiligo, le lésions de pseudo-PCT peuvent se développer sur les zones dépigmentées. Au fur et à mesure des poussées, si le facteur déclenchant n’est pas supprimé, il peut survenir une pigmentation hétérogène temporomalaire en éclaboussures du visage pouvant simuler un chloasma. L’hypertrichose temporomalaire, classique dans la PCT, est exceptionnelle dans la pseudo-PCT. De même, il n’y a pas de signe de vieillissement cutané. En revanche, il peut exister des lésions unguéales à type d’onycholyse. Fig 3 Chez l’enfant, les lésions bulleuses peuvent laisser place à des cicatrices atrophiques, hypo- ou hyperpigmentées, mimant au niveau du visage une protoporphyrie érythropoïétique. L’évolution est moins chronique que dans la PCT car les facteurs étiologiques seront recherchés et supprimés dans la mesure du possible. Anatomopathologie La lésion est une bulle sous-épidermique à contenu paucicellulaire, sans éosinophiles. Il existe un léger infiltrat inflammatoire du derme. Il peut exister des dépôts d’IgG ou de C3 en faible quantité à la jonction dermo-épidermique. Biologie Contrairement à la PCT où l’on observe des taux élevés de porphyrines urinaires par défaut enzymatique (déficit en uroporphyrinogène décarboxylase), il n’y a pas d’anomalie des porphyrines sanguines ou urinaires dans la pseudo-PCT, car il n’y a pas de défaut enzymatique. De même, les constantes hépatiques, la ferritinémie, les anticorps antinucléaires sont normaux. Les médicaments Il faut distinguer deux grands types de causes qui peuvent être intriquées dans la physiopathologie de la pseudo-PCT. Quelle que soit l’étiologie, le déclenchement des lésions est lié aux expositions solaires, principalement par le biais des UVA. Les médicaments Certaines drogues se comportent comme des porphyrines endogènes(2) : elles peuvent directement être à l’origine de réactions photototoxiques ou entraîner des lésions cutanées par libération de radicaux libres. La liste de ces médicaments est longue (encadré) au premier rang desquels figurent les AINS, les diurétiques et les antibiotiques. Dans tous les cas, l’arrêt du traitement induit une disparition des lésions. Quand le traitement ne peut être interrompu, les mesures de photoprotection doivent être absolues pour éviter la pérennisation des lésions bulleuses. L’insuffisant rénal chronique hemodialysé La pseudo-PCT des dialysés est connue depuis 1979(3). Sa fréquence varie selon les séries entre 8 et 18 % des dialysés. Les patients en insuffisance rénale chronique terminale ont de multiples raisons de développer des lésions de pseudo-PCT : absence d’élimination des uroporphyrines liée à la diminution de la filtration glomérulaire, épuration insuffisante des porphyrines par les membranes de dialyse, épuration insuffisante de certains médicaments à élimination urinaire, polymédication, inhibition enzymatique par les déchets azotés… Par ailleurs, nous avons démontré dans une série(4), que les patients en dialyse péritonéale avaient un risque accru de pseudo-PCT (20 %) par rapport aux patients en hémodialyse (6 %). Ces patients sont en effet polymédicamentés, en particulier ils reçoivent des diurétiques à forte dose (furosémide : Lasilix®) supérieure ou égale à 500 mg par 24 heures. Conduite à tenir Après avoir éliminé une PCT par l’interrogatoire (absence d’antécédents familiaux et d’hépatopathie associée), par la normalité des transaminases, de la ferritine, la négativité de l’hépatite C et par les dosages des porphyrines urinaires voire sanguines chez les insuffisants rénaux, il conviendra de rechercher la prise de médicaments inducteurs et les expositions solaires. L’arrêt du médicament est suivi dans la plupart des cas de la disparition des lésions. Chez les dialysés, principalement en cas de traitement diurétique, des mesures de photoprotection sévères doivent être entreprises, car le plus souvent les diurétiques ne peuvent être interrompus. Signalons par ailleurs que la dermatose guérit en cas de transplantation rénale. Grâce à ces mesures d’éviction, la porphyrie n’a pas le caractère chronique de la PCT.
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