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Dermatite atopique, Eczéma

Publié le 24 aoû 2006Lecture 12 min

Prévention de la dermatite atopique : que conseiller à une femme enceinte ou allaitant ?

P. JEGO, hôpital Saint-Jacques, Besançon
La dermatite atopique (DA) est une maladie inflammatoire cutanée qui, au même titre que l’asthme et la rhinite allergique, appartient au groupe des maladies atopiques. Le rôle important de l’allergie alimentaire dans la DA du nourrisson et du jeune enfant est établie par de nombreuses publications. Malgré les controverses, des manipulations « diététiques » peuvent diminuer la sévérité de la DA et amender une allergie alimentaire.
Dermatite atopique et allergie alimentaire   Les études épidémiologiques estiment qu’approximativement 30 à 40 % des enfants et des jeunes adultes porteurs de DA modérée à sévère présentent une allergie alimentaire. La DA affecte principalement les enfants atopiques dès leur 1re année de vie. Son apparition nécessite une prédisposition génétique et l’exposition à des facteurs environnementaux (trophallergènes, pneumallergènes). C’est justement dans sa première année de vie que le nourrisson, entre en contact avec le plus grand nombre et la plus grande quantité d’allergènes alimentaires.   30 à 40 % des enfants et des jeunes adultes porteurs de DA modérée à sévère présentent une allergie alimentaire.   Dans les données du CICBAA*, la DA est le symptôme le plus précoce de l’allergie alimentaire. Les allergènes les plus fréquents au cours de la DA sont l’œuf (40 %), l’arachide (17 %) et le lait (12 %). Le nombre d’allergènes incriminés augmentent avec l’âge : 2 au-dessus de 6 mois, 20 entre 1 et 3 ans. La DA est particulièrement sévère lors du syndrome d’allergies alimentaires multiples et débute plus tôt que chez des enfants n’ayant qu’une allergie. Souvent sont associés un retard de croissance ou des troubles digestifs(1,2,3). La prise en charge de la DA est complexe du fait de la multiplicité des allergènes qui peuvent être en cause et de l’association à d’autres facteurs déclenchants. Cependant, la gravité de cette maladie atopique se trouve dans le devenir de ces enfants qui développent dans 40 à 60 % des cas une maladie respiratoire(8).   Une prévention est-elle possible ?   La mise en place d’une prévention été induite par différents arguments : – l’augmentation de la prévalence, – la fréquence de l’allergie alimentaire, – l’augmentation de la fréquence des polyallergies, – l’évolution fréquente vers l’asthme ou une autre maladie respiratoire. Si on considère, que le marqueur prédictif du développement d’une maladie allergique est l’existence d’une atopie familiale, la prévention s’adressera essentiellement aux enfants à « haut risque », c’est-à-dire dont les deux parents sont atopiques ou un parent et un membre de la fratrie sont atopiques. Certains auteurs (G. Dutau, F. Rancé) préconisent cependant aussi une prévention pour la population générale en ce qui concerne l’arachide, compte tenu de la gravité de cette allergie. Comme l’apparition des allergies alimentaires est favorisée par l’action de l’environnement sur un terrain génétiquement déterminé et que l’on ne peut intervenir sur ce dernier, la prévention pourrait être fondée sur deux types d’intervention : – diminuer l’impact des facteurs favorisant (diversification précoce(9), tabac(10,11)…) ; – favoriser les facteurs « protecteurs », dont certains sont encore à l’étude (environnement intra-utérin, allaitement maternel, utilisation de pré- ou probiotiques, etc.). L’âge de la première rencontre avec l’allergène est un facteur déterminant de la survenue du risque(12). Cette sensibilisation peut donc avoir lieu très tôt, in utero ou par le lait maternel.    La prévention s’adressera essentiellement aux enfants dont les deux parents ou un parent et un membre de la fratrie sont atopiques. Sensibilisation in utero   La sensibilisation in utero est établie, d’une part, par la mise en évidence dans le liquide amniotique d’IgE anti-œuf, anti-soja, anti-lait(13) et, d’autre part, par l’existence au niveau du cordon d’une réponse lymphocytaire aux antigènes alimentaires et d’un taux élevé d’anticorps spécifiques : IgE anti-lait(14), IgE anti-œuf(15). D’autres observations, d’allergie aux protéines de lait de vache(16) ou de pricks tests positifs à l’arachide(17) dans la période néonatale confirment cette sensibilisation. D’après les travaux de Warner et coll.(18), il semblerait que le fœtus élabore une réponse proliférative de ses lymphocytes vis-à-vis de différents allergènes, dès la 22e semaine de grossesse et que plus l’exposition aux allergènes est précoce au cours de la grossesse plus est grand le risque de sensibilisation chez le nouveau-né.     Sensibilisation au cours de l’allaitement   Le lien entre l’ingestion de certains aliments par une mère allaitant et l’apparition de symptômes chez son enfant est bien établi(19,20). Le transport des antigènes alimentaires par l’intermédiaire du lait maternel a été démontré(21) et des quantités mesurables d’a-lactoglobulines, ovalbumine, ovomucoïde et de gliadine dans le lait maternel ont été mises en évidence(22). Cependant, d’autres composants pourraient être impliqués(23). En ce qui concerne l’arachide, l’hypothèse d’une sensibilisation via le lait maternel semble avoir été confirmée par les travaux de Vadas(24), qui a détecté des protéines d’arachide dans le lait des mères consommant de l’arachide.   Les essais de prévention   Suite à l’interaction mère-fœtus durant la grossesse et mère-enfant au cours de l’allaitement, il était légitime d’étudier l’effet des manipulations diététiques chez l’enfant à haut risque pour prévenir l’apparition d’une DA. Pendant la grossesse Les quelques études sur l’impact d’un régime d’exclusion de certains antigènes alimentaires pendant la grossesse uniquement, n’ont pas démontré l’efficacité de telles mesures. Par exemple, Lilja et Fälth-Magnusson ont montré que la restriction de produits laitiers et d’œuf à partir du 3e trimestre de grossesse n’avait aucune influence sur l’apparition de manifestations allergiques chez le nourrisson ni même sur l’enfant jusqu’à 5 ans(25-27). Du fait des connaissances actuelles, on peut penser que le régime avait été mis en œuvre tardivement. Pendant l'allaitement   Cet effet protecteur a été démontré aussi par les études scandinaves de Hattevig et Sigurs(29,30) dans lesquelles les mères excluaient de leur alimentation produits laitiers, œufs et poisson pendant l’allaitement. Comparativement, aux enfants dont les mères ne suivaient aucun régime, l’incidence de l’eczéma était plus faible à 3, 6 et 48 mois. De même Kramer(31) a noté une diminution du risque chez les enfants dont les mères faisaient une restriction alimentaire versus aucune restriction. Pendant la grossesse et l’allaitement Deux études démontrent qu’il est possible de prévenir des manifestations d’atopie chez le nourrisson à haut risque : La première étude, celle de Chandra(32), exclut de l’alimentation de la mère, lait, œuf, poisson, bœuf et arachide, au cours de la grossesse et de l’allaitement et conclut à un certain effet protecteur de ces évictions (diminution de la sévérité de l’eczéma à 1 an). La seconde, celle de Zeiger(33), fait intervenir l’ensemble des mesures de prévention : – exclusion chez la mère (3e trimestre de grossesse et au cours de l’allaitement) des produits laitiers, de l’œuf, du poisson, du bœuf et de l’arachide ; – alimentation de l’enfant exclusivement lactée (hydrolysat en supplément du lait maternel et lors du sevrage) jusqu’à 6 mois puis une diversification retardée et contrôlée. En comparant ce groupe d’enfants à un groupe témoin, l’auteur montre une réduction significative de la prévalence des manifestations d’allergies à 1 an, mais pas à 2 ans. En revanche, d’autres essais sont venus controverser ces éléments. Une étude prospective de Hermann(34), qui évincait lait et œuf chez la femme enceinte et allaitant, n’a pas démontré d’effet préventif sur l’atopie. Les essais d’Arshad(35) et de Halken(36) ont abouti aux mêmes conclusions. Bien qu’encore controversée, l’éviction de l’œuf et de l’arachide, à partir du 4e mois de grossesse, semble être une mesure prophylactique efficace entraînant une moindre sévérité des maladies atopiques et une évolution des allergies alimentaires plus rapidement favorable(37). Par ailleurs, il a été mis en évidence que le lait maternel était vecteur d’allergènes alimentaires. L’observation de Sicherer(38), Vadas(24) et l’étude sud-africaine de Frank(34) ont bien montré la corrélation entre la consommation d’arachide par la mère pendant la grossesse et l’incidence sur la sensibilisation de l’enfant. On peut proposer aux mères allaitant de poursuivre l’exclusion de l’œuf et de l’arachide pendant l’allaitement. Néanmoins des études sont nécessaires pour préciser s’il existe un bénéfice d’exclure d’autres allergènes de l’alimentation de la femme enceinte ou allaitant afin de ne pas prendre des mesures inappropriées qui pourraient mettre en jeu le statut nutritionnel de la mère et du nouveau-né (éviction du lait et problème d’apport calcique, par exemple). En revanche, les auteurs s’accordent sur l’intérêt d’un allaitement maternel au moins jusqu’à 4 à 6 mois(40 ,41) et sur le retard d’introduction des autres aliments(9,40,42). L’effet protecteur du lait proviendrait de sa teneur en immunoglobulines, mais aussi en oligosaccharides. C’est parmi ces composants que se trouverait le facteur de croissance des bifidobactéries permettant le développement de la flore intestinale du nourrisson.   Rôle de la flore intestinale.   La flore intestinale participe à l’activité métabolique de l’organisme, joue un rôle trophique, mais aussi un rôle protecteur vis-à-vis des infections. Cette fonction est attribuée aux entérobactéries qui vont améliorer la réponse du système immunitaire et par conséquent favoriser la tolérance aux allergènes alimentaires. In utero, le tube digestif de l’enfant est stérile. La première colonisation se fera au moment même de la naissance par contact avec la flore intestinale maternelle et environnante. Puis, la flore du nouveau-né se développera notamment en fonction du type d’allaitement (sein ou artificiel) mais peut-être aussi sous l’influence de facteurs génétiques et à la fin de la première année (au moment du sevrage) cette flore se transformera pour évoluer vers une flore adulte. Dès les premiers jours de vie du nouveau-né, un certain nombre de situations peuvent exercer une influence négative sur cette flore dont l’équilibre est très fragile : une césarienne(43), un traitement antibiotique, les mesures d’hygiènes…, mais à l’inverse cette flore peut être stimulée par l’apport de pré- ou de probiotiques. Les prébiotiques sont des nutriments non digestibles dont l’action est de modifier la croissance d’une souche ayant un effet bénéfique sur la santé alors que les probiotiques sont des cellules microbiennes vivantes qui ont un effet bénéfique sur la santé.   Les probiotiques dans la prévention primaire de l’atopie   Les probiotiques auraient un effet bénéfique sur l’atopie, car ils réduisent l’inflammation intestinale, soit en agissant sur la barrière digestive, soit en modifiant la dégradation de l’allergène. Ils peuvent aussi inhiber la synthèse d’IgE spécifiques et l’activation d’éosinophiles et favoriser la production d’IgA en normalisant la perméabilité intestinale. Ils constituent une nouvelle approche de l’allergie alimentaire. Les Suédois soutiennent l’hypothèse que l’augmentation de la prévalence des AA est en relation étroite avec des modifications de la flore intestinale depuis l’observation d’une différence entre la flore d’enfants non atopiques et celle d’enfants atopiques et par une évidence clinique, à savoir l’amélioration significative des symptômes et de l’inflammation intestinale des enfants porteurs de DA, d’une allergie aux protéines de lait de vache (sous hydrolysats) supplémentés avec une lignée de Lactobacillus rhamnosus(44). L’étude de l’équipe d’E. Isolauriy a porté sur des nourrissons à « haut risque ». Au cours de la grossesse, les futures mères prenaient 2 gélules par jour de Lactobacillus GG. Le traitement a été poursuivi au cours de l’allaitement ou a été donné à l’enfant dans un peu d’eau si l’allaitement maternel était impossible. La fréquence de la DA était alors réduite de moitié dans le groupe supplémenté. L’auteur précise que l’enfant serait protégé jusqu’à 2 ans. Des conclusions récentes résultant du suivi de ces enfants(46) montrent que l’effet protecteur des probiotiques s’est poursuivi jusqu’à l’âge de 4 ans. L’intérêt donc de l’adjonction d’immunomodulateurs, qui pourraient jouer sur la maturité de l’intestin et en même temps stimuler l’immunité en général, constitue une avancée thérapeutique considérable mais doit être encore confirmé.   Rôle de l’environnement   Dans tous les cas, aux mesures diététiques, il faut ajouter la suppression de toute exposition au tabac : le taux d’IgE au cordon est plus élevé quand il existe un tabagisme maternel ; le tabagisme passif double le risque de sensibilisation allergique à l’âge de 3 ans. Le contrôle de l’environnement allergique de la maison (animaux, acariens, moisissures, etc.) est aussi à envisager. Si les mamans doivent compléter l’allaitement maternel, il est préconisé de choisir un lait hypoallergique (en l’absence d’allergie aux protéines du lait de vache) et d’utiliser une tétine en silicone et non en latex pour le biberon.   Conclusion   Les facteurs génétiques ont une grande influence sur le développement de l’atopie et malgré les controverses, certains conseils pourront être donnés aux femmes enceintes ou allaitant, dans le cadre de la prévention primaire de la DA chez un enfant à haut risque. Cette prévention s’étendra au-delà de 6 mois puisque d’autres recommandations suivront avec, notamment, le retard de la diversification qui sera contrôlée et progressive.

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